Les programmes de journalisme s’adaptent aux nouvelles réalités
À l’heure où des bouleversements sans précédent secouent la presse, les écoles de journalisme se tournent vers les partenariats numériques pour former leurs étudiants.
Ce texte est un sommaire de l’article « Journalism programs struggle to adapt to changing times ».
Le déclin du journalisme a été rapide et impitoyable. Alors qu’il y a soixante ans, un journal était livré dans presque chaque foyer, aujourd’hui, c’est le cas dans moins d’un foyer sur 10 selon l’étude Le miroir éclaté, publiée en 2017 par le Forum des politiques publiques. Près du tiers des emplois en journalisme ont été abolis au Canada entre 2010 et 2017, entraînant non seulement des mises à pied, mais la fermeture de nombreux journaux locaux. Et malgré le fait que l’industrie soit en grande partie passée du papier au Web, la complexité de la publicité en ligne a réduit sa viabilité financière.
Compte tenu de tout cela, il ne faut pas s’étonner qu’il y ait peu de candidats pour le métier de journaliste de nos jours. Les récentes données de Statistique Canada indiquent une baisse significative des inscriptions dans les écoles de journalisme par rapport aux années précédentes. Entre 2010 et 2015, le nombre d’inscriptions était stable à environ 5 500, mais en 2015-2016, on en comptait moins de 4 800 au Canada, et cette baisse est assez uniforme dans toutes les provinces.
Parce qu’elles sont bien au fait de ce qui attend leurs étudiants, les écoles de journalisme prennent différentes mesures pour les préparer : des cours portant sur le journalisme de données, les médias sociaux, la codification, les blogues et la photographie numérique ont été ajoutés aux plans de cours, mais certaines de ces matières sont peut-être déjà obsolètes.
Selon Alfred Hermida, directeur de l’École supérieure de journalisme à l’Université de la Colombie-Britannique (UBC), nous ne considérons plus la technologie numérique comme un aspect du journalisme « parce que le journalisme c’est le numérique, un point c’est tout ». Chaque année l’École examine le programme d’un point de vue numérique, et non pas en réaction à l’émergence de certaines technologies. « Il est toujours possible d’acquérir des compétences techniques, mais elles ne feront pas de vous un meilleur journaliste si vous ne comprenez pas l’environnement où vous vous trouvez. »
La directrice de l’école de journalisme de l’Université Ryerson, Janice Neil, considère elle aussi que le programme de son école évolue constamment. « Nous tentons, auprès des étudiants, de mettre l’accent sur la manière de faire du vrai journalisme qui s’adresse à de vrais auditoires », expliquet-elle, ce qui fait intervenir de vrais partenariats. L’Université a conclu une entente avec TVO, le télédiffuseur éducatif public de l’Ontario (de langue anglaise). Le programme de journalisme de l’Université Carleton est jumelé avec le média d’information canadien iPolitics et avec le site Web ARTSFILE, qui couvre la scène artistique d’Ottawa. L’Université du King’s College de Halifax, qui offre un programme de maîtrise en journalisme en partenariat avec l’Université Dalhousie, a produit une série de reportages sur la santé mentale en 2017 avec trois partenaires médiatiques, dont le magazine The Walrus.
Les partenariats sont aussi au coeur du tout nouvel Institut du journalisme d’enquête de l’Université Concordia, inauguré en juin. Dirigé par Patti Sonntag, ancienne directrice de rédaction du service des nouvelles du New York Times, l’Institut abritera en permanence le Student Investigative Reporting Network, qui met en contact de grands médias avec des étudiants en journalisme et des professeurs d’un peu partout au Canada pour enquêter et faire des reportages d’intérêt national.
« Il s’agit d’un nouveau modèle de journalisme qui sert l’intérêt du public par l’entremise de la coopération et non en privilégiant la concurrence », a expliqué Mme Sonntag dans un communiqué de presse. Le réseau est une initiative de Mme Sonntag et du professeur de journalisme de l’Université Ryerson, Robert Cribb. Le premier projet, intitulé The Price of Oil (Le prix du pétrole), publié en octobre 2017, était le fruit d’une collaboration entre une cinquantaine de journalistes et de rédacteurs provenant de trois médias canadiens et de quatre écoles de journalisme.
« Le journalisme se définit de plus en plus par un travail de collaboration qui transcende les frontières, précise M. Hermida de la UBC. Un des exemples les plus frappants en est le programme de reportage international de la UBC, un cours à option élaboré il y a une dizaine d’années par Peter Klein, professeur agrégé, dans le but de remédier au manque de reportages sur les enjeux mondiaux. Le programme offre un semestre d’études, du travail sur le terrain et, éventuellement, une publication dans de grands médias d’information. Son tout dernier projet, Surviving the City (Survivre à la ville) est un reportage multimédia et multidisciplinaire au sujet de la résilience urbaine dans le monde, produit en collaboration avec l’Université de Nanjing de Chine, l’Institut du journalisme et des nouveaux médias de l’Inde et l’Université Colombia de los Andes. Le produit de cette collaboration a paru en 2017 dans The Guardian, le Toronto Star et sur les ondes de la BBC.
La collaboration offre en outre la liberté de travailler avec des organisations à but non lucratif (qui selon M. Klein, produisent le meilleur journalisme aux États-Unis à l’heure actuelle), et la presse alternative, plutôt qu’avec les salles de rédaction de grandes entreprises très hiérarchisées. Même si, en échange, il y a moins d’argent pour les jeunes journalistes, M. Klein croit que ces organisations encouragent le nouveau talent mieux que la presse traditionnelle. « Les étudiants sont dans une disposition intellectuelle qui pousse réellement à faire progresser le journalisme, à remettre en cause certaines de nos façons de faire », conclut-il.
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