Comment réussir à vous faire comprendre à l’extérieur de votre discipline
Plongez dans l’univers terminologique dans lequel vos lecteurs baignent.
Question :
@lertitia Je travaille en sciences de l’occupation, un domaine qui recoupe celui des sciences humaines. Je cherche comment exprimer clairement le concept d’« occupation » tel qu’employé dans mon domaine, soit ce à quoi une personne consacre son temps et son énergie. Avez-vous des suggestions?
Réponse de la rédactrice :
Public cible et contexte : voilà la réponse à pratiquement toutes les questions d’ordre rédactionnel, dont celle-ci. Voyons d’abord comment déterminer l’interprétation que vos lecteurs donnent au terme « occupation » dans différents contextes. Nous verrons ensuite comment définir, s’il y a lieu, ce terme clé dans vos écrits.
Contexte : article de revue
Après avoir ciblé la revue souhaitée, effectuez une recherche dans son contenu au moyen d’une base de données. À titre expérimental, j’ai recherché le terme « occupation » dans l’American Sociological Review, en restreignant les résultats à la période allant de 2009 à 2019. J’ai repris l’exercice dans SAGE Journals en ligne et à la page de recherche avancée de Google Scholar. La recherche a donné 281 résultats dans SAGE et 3 040 dans Google Scholar.
J’ai ainsi relevé deux contextes dans lesquels le terme « occupation » est employé (en anglais) : il est principalement utilisé au sens d’emploi ou de carrière, mais il renvoie aussi à l’occupation militaire et politique d’un État par un autre. Je n’ai trouvé aucune occurrence du terme employé pour désigner des activités autres que celles qui sont rémunérées.
La liste des résultats d’une recherche dans Google (dans laquelle les mots-clés apparaissent en gras et en contexte) constitue un type de concordance à l’état embryonnaire. À l’image de l’index dans un livre, une concordance présente tous les principaux termes dans un texte et le contexte dans lequel ils sont employés.
Si vous avez le temps (ou l’aide d’un étudiant aux cycles supérieurs), vous pourriez créer une concordance abrégée du contenu des 10 dernières années d’une revue. À l’aide de l’outil Count Wordsworth, générez la liste des mots et des segments les plus fréquents dans vos écrits. Copiez vos mots-clés dans un document vierge, puis cherchez ces termes dans la revue visée. Notez dans votre document le nombre d’occurrences de chaque terme ainsi que des exemples de contexte. La quasi-concordance ainsi créée selon vos besoins et vos intérêts servira de ressource fiable à partir de laquelle analyser la terminologie employée par votre public cible.
Si vous vous adressez souvent aux mêmes destinataires (par exemple si vos travaux de recherche en sciences de la santé sont destinés à des applications en éducation ou en médecine), une telle analyse du vocabulaire employé par vos lecteurs vous permettra de formuler efficacement vos propos.
Contexte : demande de subvention
Tentez de dresser le portrait le plus juste possible du comité de sélection qui étudiera les demandes de subvention. Si vous connaissez le nom de certains membres du comité, servez-vous de la méthode ci-dessus pour effectuer une recherche dans les revues dans lesquelles ils présentent souvent les résultats de leurs travaux. Si vous demandez du financement auprès d’une association clinique ou professionnelle, recherchez votre terme clé dans sa revue.
Dans certains cas, il n’est pas possible d’effectuer une analyse approfondie. J’évalue bénévolement les demandes de subvention soumises au programme de bourses pour les changements des systèmes (Systems Change grants) de la Vancouver Foundation, dont le site Web présente les noms des 62 membres du comité consultatif. Faire un tel exercice dans les revues associées à ces 62 membres exigerait beaucoup trop de temps, surtout que seules quelques-unes de ces personnes examineront votre demande. Dans un tel contexte, attardez-vous plutôt à la terminologie employée sur le site Web de l’organisation subventionnaire et dans ses publications (rapports annuels, bulletins, etc.). Vos lecteurs sont en effet familiarisés avec le vocabulaire de ces documents.
Contexte : document stratégique
Contrairement aux articles de revue et aux demandes de subvention, les documents stratégiques n’exigent pas une connaissance approfondie des écrits que lisent habituellement vos destinataires. Un seul conseil s’impose pour ce type de texte général : utiliser un langage simple.
Pour rédiger dans un langage simple, il faut :
- privilégier la voix active,
- composer des phrases courtes,
- éviter les termes abstraits et le jargon,
- éviter la nominalisation et
- employer des pronoms clairement définis comme « nous », « je » et « vous ».
Si vous rédigez souvent des documents stratégiques, vous trouverez utile de consulter l’excellente ressource Pour un style clair et simple, créée par le gouvernement du Canada en 1991, et accessible gratuitement en ligne grâce aux travaux de recherche et de sensibilisation de ma collègue de Réviseurs Canada Iva Cheung.
Remplacer ou définir (stratégiquement) votre terme
Si vous avez déterminé que les lecteurs ne donneront pas à votre terme l’interprétation voulue, il vous reste deux choix. Le premier consiste à employer un substitut. Selon le sens du terme « occupation » dans votre domaine, vous pourriez employer « travail rémunéré et non rémunéré », « activités quotidiennes » ou « travail et loisirs ». Ensuite, n’hésitez pas à répéter le substitut choisi. Nous sentons parfois le besoin de varier les termes dans nos écrits. Toutefois, multiplier les synonymes risque de créer de la confusion dans l’esprit du lecteur, qui n’arrivera peut-être pas à déterminer si les termes sont des synonymes ou s’ils se distinguent par de subtiles nuances implicites.
Deuxième choix : définir le terme. Vous devez alors formuler la définition de façon réfléchie. Utilisez des mots concrets qui aideront les lecteurs à bien se représenter le sens du terme. Voici à quoi pourrait ressembler cette stratégie dans votre contexte : « Les gens consacrent les minutes, heures et jours de leur vie à des activités – c’est-à-dire à des “occupations” – pour lesquelles ils sont ou non rémunérés. » Ce genre de définition claire et concrète est préférable à une formule comme « les occupations constituent l’ensemble d’activités auxquelles les gens s’adonnent ».
La seconde définition est composée de mots vagues qui créent difficilement une image mentale chez les lecteurs. En effet, trois personnes appelées à illustrer ce qu’est un « ensemble d’activités » ou ce que désigne le verbe « s’adonner » donneraient probablement trois réponses très différentes. Par contre, elles décriraient sans doute de façon très semblable ce que sont les « gens » ainsi que les « minutes, heures et jours ».
En définissant votre terme clé au moyen de mots abstraits, vous compliquez la représentation de la notion dans l’esprit des lecteurs. Il est donc difficile pour eux de s’en faire une idée. Si vous employez des mots concrets que les gens définissent généralement de la même façon, les lecteurs utiliseront des mots et des concepts qu’ils comprennent déjà pour interpréter votre terme. Par conséquent, ils le retiendront et le réutiliseront plus facilement, puisqu’ils n’auront pas à déployer de gros efforts cognitifs pour saisir votre propos. Pour définir encore plus précisément le terme, donnez des exemples pertinents d’« occupations » dans vos travaux.
En résumé
Pour vous faire comprendre par vos lecteurs, plongez dans l’univers terminologique dans lequel ils baignent. Lorsque vous saurez comment ils conceptualisent votre terme clé, vous pourrez adapter la terminologie pour transmettre efficacement votre message dans vos écrits.
Laetitia Henville, rédactrice-réviseure universitaire indépendante du site shortishard.ca, rédige en anglais la chronique mensuelle Ask Dr. Editor pour University Affairs. Mme Henville est titulaire d’un doctorat en littérature anglaise de l’Université de Toronto.
Postes vedettes
- Littératures - Professeur(e) (Littérature(s) d'expression française)Université de Moncton
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
- Médecine - Professeur(e) adjoint(e) (communication en sciences de la santé)Université d'Ottawa
- Medécine- Professeur.e et coordonnateur.rice du programme en santé mentaleUniversité de l’Ontario Français
- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
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