Corriger les lacunes de la professionnalisation universitaire des étudiantes et étudiants aux cycles supérieurs
Les unités de soutien universitaire ont un grand rôle à jouer dans la professionnalisation des étudiantes et étudiants aux cycles supérieurs.

Depuis une dizaine d’années, les programmes de développement professionnel pour les étudiantes et étudiants aux cycles supérieurs ont gagné en popularité dans les universités canadiennes. Il suffit de jeter un coup d’œil sur le Web pour en recenser tout un éventail, dont plusieurs sont maintenant bien établis. C’est évidemment une bonne nouvelle, puisque ce type de ressources aide les établissements et les gens qui les fréquentent à repenser la portée des études aux cycles supérieurs hors de la sphère universitaire.
Or, cette hausse s’accompagne d’un corollaire qui risque de poser problème : la trop grande importance accordée à la préparation pour des postes non universitaires. Si l’insistance sur la préparation à l’emploi aux dépens de la professionnalisation universitaire a mis nombre de personnes sur la voie de carrières épanouissantes et gratifiantes, elle a aussi des conséquences fâcheuses. Les universités ont atteint un point d’inflexion et devraient évaluer si leur cadre actuel soutient adéquatement l’ensemble de la population étudiante aux cycles supérieurs.
En 2012, le Conseil de recherches en sciences humaines a commandé une enquête sur le développement professionnel aux cycles supérieurs dans les universités canadiennes. Selon l’autrice du rapport, Marilyn Rose, si « les compétences universitaires traditionnelles (perfectionnement de la recherche et de l’enseignement) […] sont généralement les plus perfectionnées sur la plupart des campus », les ressources visant à améliorer les compétences transférables représentent généralement une moindre proportion des services offerts.
Les choses ont beaucoup changé depuis. Cela dit, le rapport reflète une idée répandue voulant que le développement professionnel aux cycles supérieurs se divise en deux types distincts de compétences : universitaires et transférables.
Cette binarité, qu’elle soit considérée comme une façon pratique de répartir les tâches entre différents groupes sur le campus ou comme le résultat d’efforts bien intentionnés pour accompagner les étudiantes et étudiants vers le marché général de l’emploi, a malgré tout mené à la création de ressources pour l’insertion professionnelle qui ne répondent pas toujours aux besoins de cette population.
Par conséquent, l’élaboration des programmes continue de s’appuyer sur l’idée selon laquelle la professionnalisation universitaire est l’affaire des départements, et donc qu’il n’est pas nécessaire de consacrer trop de temps à l’édification de ces ressources ailleurs.
Bien que cette idée soit partiellement valable, elle fait abstraction d’un élément important : les activités de développement professionnel au sein des départements ont souvent une portée restreinte. Elles tendent en effet à être axées sur la discipline elle-même – son avenir dans le monde universitaire, ses impératifs, ses exigences, ses croyances sur les besoins du monde extérieur, ses règles tacites, etc. Par conséquent, elles négligent souvent les compétences, les besoins et les aspirations des individus, qui sont perçus comme étant la responsabilité d’unités de développement professionnel centralisées, non liées aux disciplines.
On pourrait régler le problème en créant des unités centralisées de formation de carrière générale composées de spécialistes du développement professionnel provenant de diverses disciplines. Ce modèle permettrait d’intégrer la professionnalisation universitaire de manière organique et de contourner les lacunes des départements, qui excellent dans la « formation des universitaires de demain » (les chercheuses et chercheurs), mais moins dans celle de professionnelles et de professionnels « ayant suivi un parcours universitaire » (qui peuvent s’épanouir comme universitaires). N’oublions toutefois pas que les départements ont déjà fort à faire. Il serait donc injuste et inefficace de leur ajouter une autre responsabilité majeure.
Le modèle que je propose s’arrime à l’analyse de Rachael Cayley : dans un article de 2016, elle explique que le développement de carrière de la population étudiante aux cycles supérieurs est axé sur le développement professionnel et la professionnalisation.
« Selon ce que je constate dans ma propre université, soutient-elle, les programmes de développement professionnel sont souvent centralisés, tandis que les initiatives de professionnalisation viennent des départements. » Dans ce contexte, le développement professionnel s’entend de l’apprentissage de compétences entrepris par la personne elle-même, à l’extérieur du département. En revanche, dans la professionnalisation, les compétences sont associées au domaine d’études et sont généralement enseignées par les départements.
Poussant plus loin son analyse, Mme Cayley propose trois grandes catégories de compétences :
- Les compétences intégrales, nécessaires à la réussite universitaire (par exemple pour la rédaction, la présentation et la communication de travaux de recherche à différents publics).
- Les compétences professionnelles universitaires, nécessaires à la réussite sur le marché du travail dans le secteur de l’enseignement supérieur (par exemple pour l’enseignement, la publication et la rédaction de demandes de financement).
- Les compétences professionnelles transférables, nécessaires à l’obtention de postes professionnels à l’extérieur du milieu universitaire.
Il faut se défaire de l’idée reçue selon laquelle toutes les compétences professionnelles universitaires sont prises en charge par les départements, et cesser de croire que les unités de soutien devraient se concentrer uniquement sur les compétences professionnelles transférables et, dans une moindre mesure, les compétences intégrales.
À quoi ressemblerait concrètement une meilleure centralisation des services qui ciblent les compétences professionnelles universitaires? Prenons l’exemple d’une unité de mon université, le Service de soutien à l’enseignement et à l’apprentissage. Son mandat consiste notamment à offrir de l’aide à quiconque enseigne, y compris aux étudiantes et étudiants aux cycles supérieurs. Même si certains départements proposent une telle aide à leur population étudiante, il demeure nécessaire qu’une unité centralisée s’occupe de ce travail et transmette ces compétences en enseignement à toutes et à tous, peu importe la discipline. Ces dernières années, une personne avec qui je travaille a également animé des ateliers et offert des consultations individuelles sur le marché de l’emploi universitaire. De mon côté, je développe depuis un certain temps des ressources d’aide à la rédaction de demandes de subventions, et j’espère poursuivre ce travail pendant encore un an ou deux. On pourrait également offrir de l’aide pour la préparation d’articles à la publication, la révision efficace, la gestion du processus de rédaction, la présentation de conférences et la citation de sources.
Le personnel des unités de soutien doit absolument réaliser qu’il a un grand rôle à jouer dans la professionnalisation universitaire des étudiantes et étudiants aux cycles supérieurs. Il doit exiger le temps et les ressources nécessaires pour l’élaboration de tels programmes, afin de faire contrepoids à la surabondance de ressources pour le développement professionnel non universitaire et de vaincre une fois pour toutes l’idée selon laquelle le développement de carrière pour la population étudiante aux cycles supérieurs est de nature binaire, fruit d’une distinction artificielle entre les compétences universitaires et les compétences transférables.
Postes vedettes
- Psychoéducation et travail social - Professeure régulière ou professeur régulier (méthodologie de l'intervention en travail social, santé mentale ou du bien-être)Université du Québec à Trois-Rivières
- Chaire de recherche du Canada, niveau 1 en économie de la santé (professeure ou professeur titulaire)Uniiversité d'Ottawa
- Droit - Professeure adjointe/professeur adjoint (droit du commerce international)Université d'Ottawa
- Génie - Professeure ou professeur (systèmes intelligents et systèmes cyberphysiques)Université Laval
- Architecture - Professeur adjoint / professeure adjointeUniversité McGill
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