Démystifier la thèse en trois étapes

Réduire le niveau de stress et informer : le double objectif d’un ouvrage qui aborde la thèse à l’échelle humaine.

28 juin 2017

Pourquoi faire un doctorat? Comment choisir son directeur? Qu’est-ce qu’une « bonne » thèse? Et après, qu’est-ce qu’on en fait? Autant de questions que se pose la majorité des étudiants au doctorat, mais qu’on aborde rarement dans le milieu universitaire. « C’est quelque chose de très bizarre, il y a un genre de tabou », s’étonne Emmanuelle Bernheim, professeure au département des sciences juridiques de l’Université du Québec à Montréal, qui a codirigé avec Pierre Noreau la rédaction du livre La thèse. Un guide pour y entrer… et s’en sortir publié par Les Presses de l’Université de Montréal.

C’est au fil des discussions avec son ancien directeur de thèse, le professeur à la Faculté de droit de l’Université de Montréal Pierre Noreau, que l’idée d’un ouvrage sur le sujet a émergé. « Il y a certaines choses dont on ne parle jamais, notamment quelle est la place de la thèse dans notre vie? », poursuit-elle.

C’est donc pour pallier le manque d’ouvrage sur ces questions générales et pour traiter des aspects personnels, matériels et relationnels de la thèse que les professeurs Bernheim et Noreau ont décidé de publier ce livre. Il existait bien quelques textes sur le sujet, mais ceux-ci s’attardaient plutôt à la rédaction, à la méthodologie ou à l’épistémologie de la recherche. « On voulait explorer des choses plus universelles », explique M. Noreau. « Les problèmes que rencontrent les doctorants demeurent les mêmes, poursuit-il. On voulait aborder les dimensions humaines là-dedans, la thèse dans sa perspective expérientielle. »

Divisé en trois sections chronologiques, le livre contient des chapitres sur une foule de sujets : la venue d’un enfant pendant la thèse, la conciliation études doctorales et famille, les enjeux psychologiques de la rédaction ou même la décision d’abandonner le doctorat. Sa structure suit le parcours de tout étudiant au doctorat : avant la thèse, pendant et après. Dans la première partie, on trouve notamment des textes pour guider l’étudiant dans le choix d’un directeur ou la recherche de financement. La seconde partie de l’ouvrage comprend des chapitres qui se penchent sur la rédaction et la soutenance alors que la dernière partie est consacrée à l’après-thèse.

Avec l’aide du Fonds de recherche du Québec – Société et culture, les codirecteurs ont fait un appel de textes s’adressant à des diplômés récents. Les jeunes auteurs ont donc pour la plupart terminé leur doctorat depuis moins de cinq ans. Ceux-ci ont été invités à ne pas se limiter à leur expérience personnelle et à interroger d’autres personnes autour d’eux. « C’était très important que l’ouvrage soit collectif, insiste-t-il. Nous voulions éviter le point de vue personnel. Après tout, la recherche et la production du savoir, c’est aussi un travail collectif. »

Le livre en lui-même permettra un peu de briser l’isolement que ressentent souvent les doctorants, souhaite le professeur Noreau : « les étudiants se sentent souvent très seuls avec leurs projets et ne savent pas vers qui se tourner ». Celui-ci met ainsi des mots sur l’expérience des étudiants, en présentant des situations ordinaires, et en démystifiant les différentes étapes traversées. « Les étudiants sont très mal outillés », poursuit la professeure Bernheim. « C’est tellement abstrait, les questions ne leur viennent même pas et plusieurs aspects ne sont pas discutés à l’admission ou avec le directeur. Ils arrivent avec une très grande méconnaissance de l’institution universitaire. En parler, ça soulage. On voulait aider à faire baisser le niveau de stress et informer, tout simplement. »

Par ailleurs, l’ouvrage pourra aider les doctorants à éclaircir leur vision et être mieux organisés, espère la professeure Bernheim. « La question de l’organisation reste vraiment importante. Il faut être clair : où veux-je aller?, comment y arriver?, aussi bien dans la rédaction que dans la vie personnelle. Le projet de thèse, c’est aussi un travail sur soi, une façon de mieux se connaître. » Un point primordial, surtout quand on sait que plus de la moitié des étudiants au 3e cycle en sciences humaines et sociales abandonnent le doctorat et que de nombreux autres prennent beaucoup plus de temps que prévu pour le compléter.

Le livre s’adresse d’abord et avant tout aux étudiants de sciences humaines et sociales en Amérique du Nord, mais la majorité des textes peut servir à tous et même aux professeurs, qui eux aussi sont rarement guidés dans le processus de direction. Certains directeurs de thèses ont déjà conseillé la publication à leurs étudiants et ont confirmé aux auteurs son utilité. Après s’être attaqués à la démystification de la thèse, les deux auteurs poursuivent d’ailleurs le projet d’écrire un ouvrage sur « devenir professeur ».

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