D’intention à action : lancer une entreprise scientifique à partir de résultats de recherche

L’écosystème est riche en matière d’accompagnement, mais encore faut-il savoir à quelle porte frapper pour obtenir l’aide dont on a besoin.

01 février 2023

« Chargé de projet en transfert technologique : Je crois qu’il y a une occasion à saisir en créant une entreprise scientifique.

Universitaires : On y a pensé, mais comment faire? »

Voilà l’un des nombreux échanges récurrents que j’ai avec des professeur.e.s d’université ou des étudiant.e.s qui cherchent à valoriser leurs résultats de recherches.

Selon des études faites à l’étranger, plus de 40 % des étudiant.e.s aux cycles supérieurs ont l’intention de se lancer en affaires, mais seulement 6 ou 7 % le font. Si ces chiffres sont à prendre avec des pincettes, il reste que le taux de conversion de l’intention à l’action est faible. Que de nombreux chercheurs et chercheuses aient une volonté d’explorer l’entrepreneuriat ne m’étonne pas, mais la façon de s’y prendre ou la porte à laquelle frapper semble être un secret trop bien gardé.

Les bouleversements que connaît le monde dans lequel nous vivons – pandémies, instabilités financières, pénurie de main-d’œuvre, vieillissement de la population, changements climatiques – accentuent l’importance de faire preuve d’originalité et de développer des innovations qui répondent à des besoins criants. Les projets de recherche peuvent donc être des bourgeons de solution pour faire face à ces défis et les étudiants, les clés qui déverrouilleront ces solutions.

À la base, l’entrepreneuriat scientifique est une démarche de création d’entreprise à partir d’une solution développée en laboratoire en utilisant la démarche scientifique. Cette innovation commercialisable découle donc des résultats de recherche. L’entrepreneuriat scientifique, c’est aussi une aventure personnelle et une transformation. De manière générale, les chercheurs et chercheuses ne sont pas nécessairement des entrepreneur.e.s dans l’âme, mais peuvent le devenir. Afin d’épauler les étudiant.e.s aux cycles supérieurs qui entendent l’appel de l’entrepreneuriat, je vous propose quelques conseils utiles pour transformer vos intentions en actions.

Trouver le bon environnement

Tous les laboratoires ne se ressemblent pas. Certains sont axés sur la recherche fondamentale, d’autres sur une recherche appliquée et travaillent avec des partenaires industriels. Au-delà de ces différences, ce qui compte le plus c’est de trouver un environnement positif où votre projet d’entreprise est le bienvenu et où on mettra à votre disposition les moyens de réussir. Cela passe surtout par l’accompagnement d’un.e professeur.e qui s’engage avec vous dans cette démarche. Si vous êtes au début de votre maîtrise ou de doctorat, avez-vous trouvé cet environnement propice à la création de votre idée d’entreprise? Si vous êtes plutôt vers la fin de vos études de doctorat, avez-vous pensé à faire un postdoctorat entrepreneurial comme on peut le voir chez V1 Studio?

Gérer votre temps

La création d’entreprise nécessite un investissement personnel qui demande du temps et beaucoup d’énergie. Vous devez pouvoir bloquer une plage horaire qui sera consacrée à votre projet d’entreprise. Pendant cette période déterminée, ne travaillez que sur votre projet d’entreprise. Plus vous avancerez dans votre projet, plus vous serez soutenu par des organismes et des personnes qui dédieront temps et argent à votre projet. Pour honorer et respecter l’implication des personnes qui ont choisi d’être à vos côtés, vous devrez écrémer les diverses propositions qui vous seront faites. L’entrepreneuriat n’est pas un divertissement, ce n’est pas facile et pour réussir, il faut se concentrer sur vos objectifs, sans toutefois délaisser votre projet de thèse.

Comprendre la propriété intellectuelle (PI)

Le but d’une thèse de doctorat est de repousser les limites du savoir dans un domaine particulier. C’est une tâche extrêmement ardue qui nécessite un effort soutenu. Dans de nombreux cas, ces travaux de recherche mènent à la découverte de nouvelles technologies, procédés, façons de faire ou façons d’organiser qui peuvent avoir, après réflexion et développement, un impact positif sur la société, l’environnement et l’économie. Protéger sa propriété intellectuelle par des brevets, des secrets industriels ou des droits d’auteurs, c’est transformer sa créativité et ses connaissances en valeur. Puisque l’université est le plus souvent propriétaire des inventions, la première étape que vous devez entreprendre pour protéger votre propriété intellectuelle sera généralement la déclaration d’invention auprès de votre université. Après cette étape d’enregistrement, un organisme ou un service de transfert technologique comme Axelys peut vous aider à développer et faire passer votre invention du laboratoire au marché. La création d’entreprise est l’une des voies de transfert. Si vous créez une entreprise, l’organisation propriétaire de la PI peut octroyer une licence à votre entreprise pour la commercialisation de cette technologie.

Démystifier le savoir-faire et le savoir-être

Un certain nombre de mythes entourent le monde de l’entrepreneuriat et les entrepreneur.e.s. Ne soyez pas dupe; les entrepreneur.e.s ne sont pas des personnages héroïques ou des vedettes. Toutefois, pour réussir, il faut croire en votre mission, votre vision et vos valeurs avec résilience et courage et les transmettre à votre entreprise et agir en fonction d’elles. Faire un bilan de compétences peut vous aider à connaître vos points forts et vos limites. De nombreuses personnes telles que des conseillers ou conseillères en orientation, coach.e.s ou mentor.e.s en carrière pourraient vous diriger vers des outils disponibles comme le 2nd Lab.

Pour lever le doute, sachez que d’accepter vos limites et de savoir demander de l’aide fait partie de la liste des compétences entrepreneuriales. Ainsi, pour vous appuyer, vous serez appelé.e à recruter des coéquipiers et coéquipières doté.e.s des compétences transversales que vous n’avez pas ou que vous ne désirez pas apprendre. Sans équipe il n’y a pas d’entreprise. Les doctorant.e.s sont généralement doué.e.s pour générer des solutions et développer une technologie, mais il faut aussi pouvoir vendre la technologie à des client.e.s, définir des résultats et des actions, et avoir une vision pour l’entreprise. Ces tâches requièrent des états d’esprit et des compétences différentes qui doivent être réparties au sein d’une équipe diverse et inclusive.

Cerner son marché, son impact et sa proposition de valeur

Le processus d’innovation et de création d’une entreprise scientifique est une autre façon de faire de la recherche. Plutôt que de chercher dans la littérature ce que votre projet scientifique amène d’unique à votre domaine de recherche, votre objectif est d’identifier ce que votre invention propose pour répondre aux besoins d’un.e client.e. Pour mettre le doigt sur ce besoin, vous devrez être en contact avec les actrices et acteurs de la niche de marché que vous visez. Comprendre ce qui se cache derrière le problème que vous voulez résoudre vous permettra de proposer un produit ou un service qui peut avoir une grande valeur. Cette démarche nécessite rigueur, passion, résilience, abnégation et de tomber amoureux de votre problématique. Toutes des caractéristiques que développent beaucoup de chercheurs ou chercheuses lors de leur projet de doctorat. Vous apprendrez ainsi à naviguer dans un monde d’incertitudes dans lequel vous devrez démontrer comment votre entreprise peut ajouter de la valeur et avoir un impact.

Apprivoiser l’écosystème d’innovation

La création d’entreprise scientifique issue de la recherche publique peut-être coûteuse en ressources financières, mais aussi en temps et en énergie. Elle requiert une importante aide de l’écosystème d’innovation. Imaginez un instant de construire une entreprise de biotechnologies à partir de résultats très préliminaires et que vous arriviez à l’amener à développer un produit ou un service reconnu et approuvé par les agences réglementaires. Si, généralement, les chercheurs et chercheuses et les entrepreneur.e.s ne savent pas à quelle porte frapper, il existe des structures qui peuvent leur venir en aide.

Les bureaux de partenariat liaison université-industrie (chaque université compte au moins une personne responsable avec laquelle vous pouvez communiquer directement) et les sociétés de transfert technologique publiques (parfois, la gestion de l’innovation est confiée à des organisations comme Axelys ou Innovate Calgary) pourraient être un bon point de départ. Quant à eux, les centres d’entrepreneuriat et les incubateurs apportent une aide précieuse pendant la phase d’incubation. Finalement, les sociétés de financement, les accélérateurs, les sociétés de capital de risque ou toutes autres entreprises ou réseau aidant les entreprises scientifiques à croître peuvent vous permettre d’avancer. Les accélérateurs (par exemple : H2I, creative destruction lab) proposent des programmes d’accès à la croissance tandis que les anges investisseur.e.s ou sociétés de capital de risques peuvent financer votre entreprise en échange d’une participation au capital, par exemple.

Les gouvernements et les villes ont également des programmes de soutien à l’innovation qui peuvent financer une partie de votre développement (par ex. : PARI CNRC). Il est également possible de vous former dans un des programmes d’éveil ou de formation entrepreneuriale que sont I-INC, QcES ou Lab2Market. N’hésitez pas à vous faire accompagner par un.e coach d’affaires ou un.e mentor.e; c’est le moyen le plus sûr de frapper aux bonnes portes au bon moment.

En plus d’avoir un impact sur la société, l’entrepreneuriat scientifique est une excellente façon de valoriser ses compétences transversales et d’en apprendre de nouvelles qui sont extrêmement utiles dans le monde professionnel hors du milieu universitaire. D’adopter cette démarche aventureuse, dont vous n’avez pas l’habitude, est gage de succès. Quel que soit le résultat, vous en apprendrez beaucoup sur l’entrepreneuriat, sur le monde de l’innovation, mais surtout sur vous-même.

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