Énoncer les principes fondamentaux d’une université

La Magna Charta Universitatum est utilisée aux quatre coins du monde pour formuler, guider et défendre les valeurs universitaires.

22 février 2019

Dans un article d’opinion  publié en ligne par Affaires universitaires en juillet dernier, Julia Eastman nous a offert d’intéressantes réflexions sur l’autonomie des universités canadiennes. Elle a commencé en soulignant que l’érosion du pouvoir décisionnel de nos établissements semble s’inscrire dans une tendance mondiale. Elle a fait remarquer l’étrange dynamique actuelle qui règne sur la scène internationale : les gouvernements qui, jusqu’ici, étaient enclins à s’ingérer dans la direction des établissements d’enseignement semblent prendre du recul, et ceux qui n’avaient pas l’habitude d’intervenir cherchent à renforcer leur influence auprès des universités.

Peu importe les circonstances locales expliquant le phénomène, il est évident que, maintenant plus que jamais, l’autonomie des universités et le respect des valeurs qui les définissent ne sont plus garantis par les gouvernements ou par les sociétés. C’est pourquoi les établissements doivent s’unir pour déterminer et peaufiner les principes définissant les universités, les énoncer et veiller à ce que la mission des universités soit bien comprise aux quatre coins du monde.

En 1988, à l’occasion du 900e anniversaire de l’Université de Bologne, 388 recteurs et dirigeants d’université de partout en Europe et d’ailleurs ont signé la Magna Charta Universitatum (MCU). Cette déclaration énumérant les attributs que définissent les universités de tradition européenne a été choisie comme ligne directrice pour la bonne gouvernance des universités et la compréhension de leur mission. Pierre d’assise de l’Espace européen de l’enseignement supérieur créé dix ans plus tard par la déclaration de Bologne, la MCU était – et demeure – capitale pour favoriser la mobilité des étudiants et des professeurs. En bref, elle fait partie des principaux facteurs ayant contribué à l’émergence de la communauté universitaire mondiale, un réseau d’établissements qui collaborent pour promouvoir l’éducation et l’évolution des peuples du monde entier. Lors de la conférence anniversaire de la MCU à Salamanque, en Espagne, de septembre dernier, 70 nouveaux établissements l’ont signée, portant ainsi le nombre total de signataires à près de 900 (répartis dans près de 90 pays).

La Magna Charta Universitatum.

Ces chiffres démontrent un consensus mondial remarquable sur le rôle souhaitable d’une université – voir la section des Principes fondamentaux de la MCU –, mais soulèvent aussi certainement la question de la diversité. Le premier principe fondamental indique que les sociétés où les universités sont situées sont inévitablement « diversement organisées du fait des conditions géographiques et du poids de l’histoire ». Ainsi, la MCU reconnaît que, malgré certaines caractéristiques génériques communes, les universités du monde diffèrent grandement selon leurs circonstances locales.

Après 30 ans d’existence, la MCU sera corrigée pour tenir compte de l’évolution du paysage mondial de l’enseignement supérieur et des nouvelles dimensions de la mission universitaire. Bien que les établissements non européens aient de toute évidence accordé une valeur importante à la déclaration initiale, son eurocentrisme est incontestable. En effet, son quatrième principe fondamental décrit l’université comme « dépositaire de la tradition de l’humanisme européen ». Le préambule nous indique que « les peuples et les États doivent prendre plus que jamais conscience du rôle que les universités seront appelées à jouer dans une société qui se transforme et s’internationalise » – une déclaration prometteuse si l’on omet le fait que l’internationalisation y est en fait synonyme de « collaboration élargie entre tous les peuples européens ».

Bien que le texte de 1988 soit restrictif en ce sens, les signataires semblent l’avoir interprété de manière non exclusive. L’internationalisation a, en pratique, grandement dépassé les limites imaginées par les auteurs, mais d’une manière qui respecte totalement leur vision. La validité de cette thèse peut être débattue, mais la question reste actuellement largement discutable, car la communauté universitaire internationale s’est « approprié » la MCU et l’utilise pour formuler, guider et défendre les valeurs universitaires. On s’attend à ce que la MCU 2.0 tienne compte de cette nouvelle réalité.

La conférence du 31e anniversaire de la MCU aura lieu cette année les 16 et 17 octobre à l’Université McMaster, à Hamilton, en Ontario. Neuf établissements canadiens l’ont déjà signée, mais nous espérons que de nombreux autres se joindront à eux à l’occasion de la conférence. Universités Canada a organisé plusieurs réunions et ateliers pour faire avancer la question de l’autonomie des universités et des valeurs universitaires au Canada. L’Observatoire de la Magna Charta est heureux de collaborer avec l’association à la promotion de cette cause à l’échelle mondiale.

Patrick Deane est recteur et vice-chancelier de l’Université McMaster, sera le prochain principal de l’Université Queen’s et est membre du comité directeur de la Magna Charta Universitatum 2.0.

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