Enseignement à distance : un succès mitigé et des leçons à tirer

Au-delà des cours, tout un écosystème de vie et de soutien entourant l’apprentissage est nécessaire pour permettre aux apprenants de persévérer et de réussir.

female student using her laptop
High angle shot of an unrecognizable female student using her laptop while sitting outside on campus

Au printemps 2020, le monde de l’éducation a été plongé dans l’enseignement à distance. Depuis ce temps, on aurait pu s’attendre à ce que la qualité de la formation en ligne se soit améliorée. Or si certains enseignants s’en sortent bien, d’autres ont eu moins de succès, et ce, au détriment des étudiants.

Il faut dire que même si, avant la COVID-19, ce type de formation connaissait une évolution rapide et continue, surtout en enseignement supérieur, la majorité des étudiants et enseignants ont été pris au dépourvu.

Devant cette situation extraordinaire, le corps enseignant a fait de son mieux, mais avec des résultats mitigés. De même, les étudiants ont eu à apprendre dans un contexte hors du commun.

En tant que spécialistes de la formation à distance, nous nous intéressons au déploiement de ce mode de formation et à l’accompagnement des parties impliquées. Après plus d’un an, nous constatons que la qualité de la formation en ligne est encore inégale.

De l’enseignement de crise

D’abord, comme on peut lire dans le livre The Distance Learning Playbook for College and University Instruction, publié en septembre 2020 par un groupe de chercheurs en éducation : « L’enseignement en temps de pandémie n’était pas réellement de l’enseignement à distance. C’était de l’enseignement en situation de crise ».

En présence comme à distance, créer de bons cours prend du temps, de la formation et de l’accompagnement. Et, au-delà des cours, tout un écosystème de vie et de soutien entourant l’apprentissage est nécessaire pour permettre aux apprenants de persévérer et de réussir. De fait, enseigner à distance ne s’improvise pas.

Le règne de l’exposé

Certains établissements ont exigé de leurs professeurs que tout le temps de cours prévu en classe soit substitué par les cours en ligne « synchrones », c’est-à-dire des cours offerts à tous au même moment, en direct, par appel vidéo.

Sachant que la durée moyenne de concentration ou d’attention soutenue d’un être humain tourne autour de 15 minutes, on peut comprendre qu’après 30 minutes certains étudiants décrochent et éteignent leur caméra. Pour les étudiants qui enchaînent ainsi plusieurs cours, c’est comme leur demander d’écouter un film-fleuve en boucle tout au long de la semaine!

Dans les faits, il serait possible de maintenir l’attention des étudiants en variant le rythme, en sollicitant leur participation et en les amenant à réaliser des activités d’apprentissage engageantes. Or, souvent, le scénario d’un cours en ligne est peu étoffé comme peut l’être celui d’une émission ou d’un film; l’enseignant expose des contenus. Il n’est donc pas étonnant que la motivation et la concentration des étudiants dans leurs cours à distance soient à la baisse, ou qu’ils préfèrent réécouter les enregistrements au moment qui leur convient.

Dans une salle de classe, la capacité de concentration n’est pas meilleure – les étudiants naviguent sur les réseaux sociaux, consomment ou jouent en ligne – mais l’enseignant peut user de différentes stratégies pour conserver leur attention comme varier le volume ou le ton de sa voix, circuler dans la classe et intervenir pour ramener un étudiant à l’ordre. C’est beaucoup plus difficile d’agir ainsi à distance.

Créer un évènement

Que faire alors? On peut d’abord se demander s’il est nécessaire qu’un cours comporte le même nombre de séances synchrones que s’il était offert en présence.

Par exemple, on peut profiter d’une des forces de ce type d’enseignement à distance pour interagir, poser des questions et fournir de la rétroaction immédiate aux étudiants. D’autre part, on peut exploiter les avantages de la formation « asynchrone », avec des lectures ou des visionnements de vidéos. Ainsi, l’étudiant peut apprendre à son rythme et prendre le temps de réfléchir en profondeur.

Autrement dit, il faut faire en sorte que les rencontres soient des événements à ne pas manquer et ne pas uniquement miser sur ces rencontres pour faire faire des apprentissages aux étudiants. De plus, ces rencontres doivent être scénarisées et préparées, comme peuvent l’être vos séries télévisées préférées.

Le sentiment de présence, un grand absent

Une étude réalisée par deux professeurs de l’Université Aix-Marseille a montré que 61,2 pour cent des étudiants ont le sentiment que l’enseignement à distance diminue les échanges entre eux et près de 70 pour cent des étudiants disent être beaucoup moins en interaction avec leurs enseignants.

Une étudiante citée l’automne dernier dans un reportage de Radio-Canada a affirmé que de ses cinq cours, deux étaient donnés intégralement à partir de documents PDF, sans aucune interaction avec ses professeurs. « Je trouve ça cher 1800 dollars pour des cours sur PDF », a-t-elle dit.

Ces propos illustrent bien le sentiment d’isolement des étudiants, alors qu’il est reconnu que l’encadrement et le soutien sont des dimensions fondamentales en formation à distance.

Cet encadrement doit être proactif et réactif pour créer un sentiment de présence alimenté par l’enseignant, mais aussi par les autres étudiants. Il doit favoriser une plus grande proximité entre tous.

L’encadrement des étudiants, ce n’est pas seulement répondre à des courriels, c’est prévoir des interventions pour favoriser la motivation, susciter des interactions par des questions et faire diminuer l’anxiété lors des évaluations, et ce, tout au long d’un cours. Ne pas prendre le temps de considérer cet aspect dans un cours à distance, c’est tomber dans l’un des principaux pièges qui consiste à seulement transposer à distance un cours en présence.

Pas plus de tricherie

Plusieurs intervenants en éducation ont la perception que le plagiat et la tricherie sont plus fréquents à distance qu’en classe. Or les dernières études sur le sujet montrent que ce n’est pas le cas. En fait, il y en aurait autant, sinon moins, lorsque les évaluations proposées sont adaptées à la formation à distance. Si le nombre de cas semble avoir augmenté avec la pandémie, c’est probablement en raison de tentatives, là aussi, de « simples » transpositions à distance des évaluations en présence (examens, exposés oraux) sans tenter de contrer le plagiat et la tricherie en amont.

Concevoir des évaluations dans un cours à distance est une belle occasion d’innover. Il est possible d’utiliser les outils numériques et permettre aux étudiants de démontrer leurs habiletés, leur savoir-faire et leurs compétences dans des contextes de réflexions, d’échanges, d’analyse et de jugement. Ainsi, il est possible de mettre en œuvre des contextes d’évaluations plus riches et complets que simplement se limiter à des questions à choix multiples ou à développement.

Dans les faits, les évaluations à distance peuvent être segmentées et porter plus facilement sur les processus de réalisation au lieu des résultats. L’enseignement à distance permet d’aller plus loin dans l’évaluation des apprentissages sans augmenter la charge de correction, tout en réduisant à la source les occasions de tricherie et de plagiat.

Des solutions aux pièges connus

Heureusement, les moyens d’éviter les pièges liés à l’enseignement à distance sont connus. Il faut former et accompagner les enseignants. Il faut aussi leur donner du temps pour concevoir leur cours à distance. En plus d’accommoder les enseignants et les étudiants, cela permettrait de concevoir du matériel didactique plus pérenne et de grande qualité.

Disposer d’outils technopédagogiques plus performants permettrait aussi aux enseignants d’aller plus loin que la traditionnelle pédagogie axée sur les exposés. La formation à distance, qu’elle soit faite de manière synchrone ou asynchrone, a des avantages connus, à condition d’être bien utilisée pour permettre aux enseignants, et surtout aux étudiants, d’en bénéficier.

Serge Gérin-Lajoie est professeur à l’Université TÉLUQ et Cathia Papi est professeure à l’Université TÉLUQ et membre du Centre universitaire de recherches sur l’action publique et politique, Épistomiologie et sciences sociales CURAPP-ESS.

Cet article a été publié à l’origine sur le site Web La Conversation. Lisez le texte original.

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