Le système universitaire peut-il être critiqué par les professeurs?
Le livre Education and the Crisis of Public Values d’Henry A. Giroux rappelle la vocation première des universités.
Auteur prolifique et théoricien de la culture, Henry A. Giroux, titulaire de la Chaire de recherche sur l’intérêt public de l’Université McMaster, à Hamilton, s’intéresse entre autres aux fréquentations culturelles des adolescents : le contenu des cours, les films et les émissions télévisées auxquels les jeunes sont exposés quotidiennement. Le travail de cet universitaire engagé et critique a notamment été reconnu dans The Giroux Reader et The New Henry Giroux Reader, soit deux anthologies de textes consacrées à ses meilleurs écrits.
Dans son livre Education and the Crisis of Public Values : Challenging the Assault on Teachers, Students, and Public Education, récemment réédité, le professeur Giroux soutient que de nombreux établissements éducatifs — et pas uniquement les universités américaines — se seraient détournés de leur vocation initiale. Le professeur définit celle-ci comme étant de former de futurs citoyens à la fois autonomes et critiques par opposition à des exécutants programmés et obséquieux pour occuper un seul emploi précis ou des objecteurs systématiques, mais bien des observateurs éclairés et des spectateurs engagés (selon l’expression de Raymond Aron) qui seront un jour capables de concevoir une société différente et mieux équilibrée.
Idéalement, cette capacité devrait déjà apparaître lorsque ces jeunes regardent le monde tel que résumé implacablement par les grandes chaînes de télévision, que ce soit CNN ou d’autres. L’étude du rôle des médias est cruciale dans ce processus de reproduction sociale vilipendé par le professeur Giroux. Celui-ci estime que l’école se doit de questionner et de critiquer l’idéologie ambiante telle qu’elle s’exprime et se propage dans les bulletins de nouvelles, les émissions d’affaires publiques, les réseaux sociaux ou encore dans la culture de masse comme les films hollywoodiens. C’est pourquoi il existe par ailleurs des médias alternatifs qui véhiculent un discours différent, pas forcément parfait ni universel, mais qui se distingue par sa diversité de points de vue exposés et son décalage par rapport à la culture dominante et univoque, surnommée mainstream culture. Il ne s’agit pas tant de changer abruptement de cap ni de basculer dans les mouvements alternatifs les plus extrêmes, mais au moins être en mesure de comprendre et distinguer ces deux optiques, ces deux visions du monde diamétralement opposées.
Tout au long de son livre, M. Giroux dénonce l’anti-intellectualisme ambiant qui trop souvent tente de simplifier à outrance les véritables enjeux de société en infantilisant les discours au lieu de les expliquer. On pourrait ici ajouter qu’en français, dans le mot « université », il y a « univers », c’est-à-dire une infinité de possibilités, de contrastes et de contraires. Selon M. Giroux, les adultes de demain devront être capables de concevoir un monde différent et plus juste en s’inspirant de différents modèles de société. Loin de montrer l’exemple de nombreuses universités anglo-saxonnes décrites dans ce livre semblent assiégées par le corporatisme ou être endettées, mal gérées et victimes de l’intrusion du secteur privé à des fins commerciales.
Avec rigueur et en fournissant beaucoup d’exemples, l’auteur identifie les risques de dérives qui guettent les écoles publiques et met en évidence certains des symptômes annonciateurs que sont la rationalisation et les coupes dans l’éducation sous des prétextes budgétaires ou de rentabilité : « Quand la mémoire publique est effacée et que la pertinence de l’éducation est oubliée au profit d’un langage axé sur la mesure et la quantification. »
Son cinquième chapitre, possiblement le plus acéré, revalorise le métier d’enseignant et l’importance de la pédagogie, qui doit demeurer critique afin de ne pas reproduire systématiquement les erreurs du passé. « La pédagogie n’est jamais innocente. Si c’est pour être comprise et problématisée en tant que pratique morale et politique, les éducateurs doivent questionner de manière critique et être au fait de leur propre subjectivité dans leur manière d’enseigner », écrit-il.
Les livres d’Henry A. Giroux serviront autant dans des cours d’éducation à la citoyenneté, de sociologie de l’éducation et de la jeunesse, de philosophie politique ou de pédagogie, mais aussi en administration scolaire. L’étudiant trouvera ici matière à réflexion et de nombreuses références utiles.
Henry A. Giroux, Education and the Crisis of Public Values: Challenging the assault on teachers, students, and public education. New York, Peter Lang International Academic Publishers, 2015, 129 pages.
Postes vedettes
- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
- Littératures - Professeur(e) (Littérature(s) d'expression française)Université de Moncton
- Medécine- Professeur.e et coordonnateur.rice du programme en santé mentaleUniversité de l’Ontario Français
- Médecine - Professeur(e) adjoint(e) (communication en sciences de la santé)Université d'Ottawa
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