Réflexions sur un engagement situé dans l’univers de l’éducation postsecondaire

Renforçant l’identité collective et l’espoir d’un avenir meilleur dans la tête de nos concitoyen.ne.s, les universités représentent une véritable colonne vertébrale pour notre société.

09 mars 2022
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À la fin janvier 2022, mon mandat s’est achevé à la direction générale de l’École nationale d’administration publique (ENAP). En complétant cette expérience extraordinaire, j’ai été saisi par une réalité incontournable : depuis quelque 60 ans, alors que j’étais étudiant en première année à l’école Ste-Claire d’Assise à Québec, l’éducation en général, et l’éducation postsecondaire en particulier, auront été les grands théâtres de ma vie active et professionnelle. Les lignes qui suivent résument l’essentiel de ce parcours et une certaine compréhension du sens de l’éducation.

Sur l’éducation, je crois avoir appris l’essentiel de penseurs comme Fernand Dumont, André Laurendeau, Jacques Grand’Maison et Pierre Vadeboncoeur. En les côtoyant, on en arrive à identifier les fins de l’éducation : la formation de la conscience individuelle, l’enracinement dans une société nationale distincte, le déploiement de la vigilance citoyenne, la cultivation du doute, l’ouverture à l’Autre et au monde.

En philosophie politique, j’appartiens au camp de celles et ceux qui se méfient des certitudes idéalistes, des multiples visages de la pensée doctrinaire. Mes références s’appellent Karl Popper, Hannah Arendt, Raymond Aron et Isaiah Berlin. C’est le courant de l’humanisme libéral. Pour paraphraser Berlin : loin de l’idéalisme, dans la société convenable, les règles, les normes et les principes sont toujours en train d’établir des compromis entre eux.

Cet engagement dans le monde de l’éducation, il a été situé au Québec et au Canada. J’aurai été jusqu’à présent un politologue féru d’histoire intellectuelle et de droit constitutionnel, creusant sur ces terrains une compréhension de la maison constitutionnelle fédérale canadienne et de l’expérience historique et sociale du Québec. J’appartiens à une génération qui a été forgée par l’expérience traumatisante des vicissitudes entourant l’Accord du lac Meech entre 1987 et 1990. Alain-G. Gagnon, Alain Noël, François Rocher, Stéphane Dion, Linda Cardinal, Guy Lachapelle et Daniel Salée sont les principaux politologues de ma génération qui partagent cette expérience. D’autres creuseront cela avec plus de lucidité et de distance critique que moi. Pour plusieurs d’entre nous, la saga du lac Meech a été soit un point de départ ou un point tournant nous amenant à mener de nombreuses recherches sur le fédéralisme asymétrique et multinational, appuyées aussi bien sur la philosophie politique, le droit public, la sociologie politique, et toujours enrichies par une démarche comparative intégrant des expériences comme celles de l’Espagne, de la Belgique et du Royaume-Uni.

La démocratie libérale représentative, avec ses grandeurs et ses limites, a été plus qu’un investissement théorique pour moi. Au début des années 2000, j’ai été candidat défait dans le comté de Louis-Hébert pour l’Action démocratique du Québec (ADQ), après avoir été responsable de la commission politique et président du parti. Je me rappelle encore cette belle phrase, que l’on doit au philosophe Jacques Dufresne, au temps du rapport du Groupe Réflexion Québec, lequel mena à la fondation de l’ADQ : « Dans les relations entre les citoyens et l’État, il est temps de passer du mode du cynisme et de la petite tricherie au mode de la responsabilité. » Dans le Québec contemporain au temps de la pandémie, le gouvernement de François Legault doit méditer à chaque jour le sens et la profondeur de ce défi. Au temps de la saga du lac Meech et encore aujourd’hui, je me reconnais dans un courant qui part de la légitimité du nationalisme autonomiste dans le présent et l’horizon d’avenir du Québec comme société nationale distincte, en trouvant un équilibre entre cet autonomisme et l’interdépendance dans le Canada.

Après quelque 30 ans au Département de science politique de l’Université Laval, je suis devenu directeur général de l’ENAP en 2017 et j’ai fait près de la moitié de mon mandat en contexte de pandémie. Pour moi, les universités représentent une véritable colonne vertébrale pour notre société, renforçant l’identité collective dans toutes les régions et renforçant l’espoir d’un avenir meilleur dans la tête de nos concitoyen.ne.s. Au Québec et à la grandeur du Canada, les universités ont raison d’être fières du travail accompli en pandémie. Et à l’ENAP, nous avons fait aussi de notre mieux pour contribuer à former une fonction publique dévouée, compétente et attentive aux besoins de la population.

Dans l’apprentissage des langues, je milite pour une approche combinant la passion, le cœur, et la discipline, telle que la rigueur requise pour approfondir les verbes irréguliers. Cœur et discipline me guideront pour l’avenir, lequel restera ancré dans des réflexions sur l’éducation.

Guy Laforest était directeur général de l’École nationale d’administration publique jusqu’au 31 janvier 2022.

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