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À mon avis

Comment favoriser la santé mentale des étudiants pendant la crise de COVID-19

Ce modèle est applicable à tous les établissements et peut aider les professeurs à répondre aux demandes d’étudiants concernant des accommodements dans le cadre de leurs cours.

par KIM HELLMANS, SONIA TANGUAY, SARAH TODD & MICHELLE BAULCH | 27 JAN 21

Même si l’arrivée de vaccins contre la COVID-19 fait naître l’espoir de sortir de la pandémie d’ici la fin de l’année, tout indique que le trimestre d’hiver sera semblable à celui d’automne. Le contexte incertain et en constante évolution continue d’avoir des répercussions négatives sur la santé mentale des professeurs, du personnel et des étudiants universitaires.

Les étudiants soutiennent que l’incertitude et le sentiment d’impuissance face aux circonstances actuelles ont pour effet d’exacerber leur solitude, leurs problèmes de sommeil, leurs mauvaises habitudes de vie, leur manque de motivation et leur anxiété. Ils ont également du mal à gérer les distractions externes, les cours en ligne et l’autoapprentissage. Le stress lié à la pandémie et la charge de travail accablante font en sorte qu’il est plus difficile pour les étudiants d’assurer le suivi de leurs progrès, de respecter les échéances et d’effectuer leurs travaux scolaires. Fait encore plus préoccupant : ces étudiants sont aussi moins susceptibles d’utiliser les ressources scolaires à leur disposition. Ces comportements d’évitement répétés entraînent souvent une procrastination chronique, un stress accru et de mauvais résultats scolaires.

Ces comportements représentent bien souvent un défi pour les professeurs, même dans des conditions dites « normales ». Or, puisque notre milieu traverse actuellement une période de stress et de grands bouleversements, il est essentiel d’élaborer une stratégie durable à cet égard. Cette stratégie doit promouvoir des relations respectueuses et humaines entre les professeurs, le personnel et les étudiants. Les démarches adoptées doivent renforcer les liens qui soutiennent ceux dont la vie est profondément liée au milieu universitaire.

Signes de détresse chez les étudiants

De nombreux services visant à favoriser le bien-être des étudiants sont offerts sur les campus. Cependant, les professeurs ont un rôle déterminant à jouer en aidant les étudiants à découvrir ces ressources, et ainsi maintenir des relations avec eux. En outre, les professeurs sont bien placés pour déceler les signes de détresse chez les étudiants : multiples demandes pour reporter des échéances ou des évaluations, travaux manqués, manque d’intérêt à l’égard du cours et, dans les cas extrêmes, demandes de rattrapage désespérées à la fin du trimestre. Dans la mesure du possible, nous tentons d’accommoder les demandes de report. Il est toutefois difficile d’être conciliant lorsque nous sommes nous même à bout de souffle. De plus, si ces demandes se répètent souvent, elles peuvent révéler un problème sous-jacent qui doit être résolu pour assurer le bien-être de l’étudiant.

Ceci dit, nous avons constaté que les professeurs qui sont incertains de la voie à emprunter ou qui se sentent accablés ont tendance à acquiescer aux demandes des étudiants plutôt que de saisir l’occasion de discuter avec eux et de renforcer leur capacité d’adaptation. Ceci est d’autant plus vrai dans le contexte de la pandémie, qui nous pousse à faire preuve de souplesse et d’empathie. Malheureusement, ces décisions ont un prix et suscitent un malaise. Sont-elles équitables envers les étudiants qui composent avec les mêmes difficultés, mais qui n’ont pas demandé d’accommodements? Sont-elles compatibles avec le respect des exigences du cours?

Ces scénarios illustrent à quel point il est difficile d’établir des relations durables et respectueuses avec les étudiants alors que certains repoussent les limites liées aux exigences et aux attentes du cours et que les limites de notre rôle de professeur deviennent floues. La tension entre la responsabilité de soutenir et d’enseigner et le besoin d’évaluer les étudiants peut devenir insoutenable. Le risque de causer du tort par mégarde à un étudiant en raison des processus et des pratiques propres au système universitaire est élevé. Nos décisions à l’égard de ces demandes peuvent avoir d’importantes répercussions sur le rendement des étudiants dans le cadre du cours et du programme. Et si notre refus aggravait un problème de santé mentale?

À l’Université Carleton, nous avons entrepris de soutenir les professeurs en les aidant à élaborer des pratiques durables, à renforcer les liens avec les étudiants, à respecter l’intégrité universitaire et à adopter une démarche collective à l’égard du soutien aux étudiants. Nous avons notamment adopté un modèle appelé « reconnaître, intervenir, orienter et signaler ». Ce modèle est applicable à tous les établissements et peut aider les professeurs à répondre aux demandes d’étudiants concernant des accommodements dans le cadre de leurs cours.

 

Prenons l’exemple d’un étudiant qui affirme être en difficulté scolaire. Plutôt que de simplement lui accorder un report pour une échéance, il est préférable d’intervenir en acquiesçant à sa demande (selon le cas) et en lui proposant de consulter les services de soutien offerts sur le campus s’il en ressent le besoin. L’objectif est d’établir un lien avec l’étudiant et de le reconnaître en tant qu’être humain à part entière tout en l’encourageant à développer sa capacité d’adaptation et son sens de la débrouillardise.

Orienter l’étudiant vers les ressources appropriées

Si le comportement d’un étudiant découle d’une mauvaise gestion du temps, il peut être judicieux de l’orienter vers un service d’aide aux études ou un groupe de mentorat par des pairs. Si le problème est attribuable à l’anxiété ou à la dépression, il sera plus approprié de l’orienter vers les services de santé et de counseling. Il peut également arriver qu’un étudiant souffre d’un handicap non diagnostiqué, comme un TDAH. Dans ce cas, des mesures d’adaptation formelles mise en place par le service aux personnes handicapées de l’université pourraient s’avérer nécessaires. Parfois, l’étudiant traverse une période difficile et a tout simplement besoin de souplesse et d’empathie.

Peu importe la situation, l’intervention du professeur permet d’orienter l’étudiant vers les ressources appropriées sur le campus. C’est la première étape du mécanisme qui permettra à l’étudiant d’acquérir des compétences qui favoriseront sa réussite à l’université et au-delà. Le Centre Paul Menton pour les étudiants handicapés préconise le renforcement des compétences conjointement aux mesures d’adaptation officielles en offrant des évaluations complètes axées sur la promotion de la connaissance de soi, des stratégies d’apprentissage personnalisées, des interventions en santé mentale et du soutien individualisé visant à promouvoir la participation et accroître la capacité de résilience des étudiants. En outre, le programme From Intention to Action offre du soutien à tous les étudiants de l’Université Carleton qui se sentent dépassés ou ont de la difficulté à composer avec le stress.

Les professeurs sont également encouragés à signaler les comportements préoccupants aux services d’aide aux étudiants, aux directeurs de département, aux gestionnaires ou encore aux services de sécurité du campus si l’étudiant est en situation de crise. L’Université Carleton s’est par ailleurs dotée d’un système de rapport en ligne qui permet au personnel, aux étudiants et aux professeurs d’informer l’équipe responsable du bien-être sur le campus que la situation d’un étudiant est inquiétante. Par la suite, il est important d’effectuer un suivi auprès de l’étudiant pour s’assurer qu’il a reçu le soutien et l’aide nécessaires.

D’après notre expérience, l’efficacité de cette démarche réside dans sa relative simplicité. En fournissant aux professeurs des lignes directrices pour les aider à répondre aux demandes des étudiants, elle permet d’amoindrir le sentiment d’incertitude et de découragement, de clarifier les rôles et les attentes et de s’assurer que les étudiants bénéficient d’un soutien personnalisé dispensé par du personnel hautement qualifié. La recherche systématique nous permettra de mieux comprendre comment cette démarche favorise la réussite globale des étudiants à long terme comparativement à d’autres approches.

Le travail n’est pas terminé

Bien que ce modèle représente un excellent point de départ, il reste encore du chemin à faire pour répondre aux demandes des étudiants de manière respectueuse et viable à long terme. Entre autres, nous devons renforcer le message que les accommodements de cours sont conçus pour aider les étudiants à atteindre les objectifs d’apprentissage essentiels et non à les contourner. Les établissements comme le nôtre doivent également élaborer des mécanismes de soutien plus exhaustifs pour les étudiants handicapés et nous devons articuler plus clairement les options offertes aux étudiants qui ne sont pas en mesure de répondre aux exigences des cours et des programmes. L’adoption de dispositions spéciales en matière d’inscription et d’abandon pourrait faire partie intégrante de cette démarche.

Il serait avantageux de fournir aux professeurs et au personnel une formation sur la façon d’aborder les sujets difficiles, de reconnaître les signes de maladie mentale et de crise et de concevoir du matériel didactique universel, en plus de pratiques efficaces pour soutenir les étudiants de tous les horizons, plus particulièrement les personnes noires et autochtones. Nous croyons surtout que les discussions comme celles-ci, qui favorisent l’échange interuniversitaire de pratiques, sont indispensables pour aider le personnel, les professeurs et les étudiants à traverser cette période difficile et faire en sorte que les universités ressortent de cette crise avec des structures communautaires fortes et solidaires.

Toutes les auteures travaillent à l’Université Carleton : Kim Hellemans est chargée de cours et directrice du Département de neuroscience, Sonia Tanguay est coordinatrice principale en matière de handicaps au Centre Paul Menton, Sarah Todd est professeure et directrice de l’École de travail social et Michelle Baulch est gestionnaire des services de soutien aux étudiants.

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