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Décoloniser l’éducation : un travail de longue haleine

Quatre professeurs de l’UQAT et d’une université chilienne ont dirigé un ouvrage sur la décolonisation de la scolarisation des Autochtones.

par CATHERINE COUTURIER | 17 NOV 20

Le livre La décolonisation de la scolarisation des jeunes Inuit et des Premières nations, publié aux Presses de l’Université du Québec, est le fruit d’une longue collaboration. Depuis sa maîtrise effectuée à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT), Segundo Quintriqueo, aujourd’hui professeur à l’Universidad Católica de Temuco au Chli, travaille régulièrement de concert avec les professeures Gisèle Maheux, Glorya Pellerin et Lily Bacon, notamment à travers le partenariat entre l’Unité de recherche, de formation et de développement en éducation en milieu autochtone de l’UQAT et son université d’appartenance.

Cet ouvrage fait suite à un colloque sur la même thématique organisé dans le cadre du congrès de l’Acfas de 2018. « Ce n’était qu’un colloque d’une demi-journée, mais ce fut très dense. Ç’a ouvert beaucoup de pistes de réflexion », remarque Mme Maheux. L’appel de texte a ensuite été élargi.

Prendre en compte les savoirs des Premiers Peuples

Les codirecteurs de la publication s’intéressent à la décolonisation de la scolarisation depuis plusieurs années. « Ça s’inscrit dans mon cheminement depuis plus de 35 ans », affirme Gisèle Maheux. Celle-ci a collaboré avec les communautés de Puvirnituq et d’Ivujivik au développement des projets éducatifs de leurs écoles et de la formation des enseignants inuits. « En 1984, j’étais pas mal la seule à parler de cogestion. Maintenant il y a une reconnaissance de la pertinence de la culture des Premiers Peuples », poursuit-elle.

C’est la professeure Glorya Pellerin qui est maintenant directrice des programmes d’études en enseignement en contexte nordique. Elle cosigne d’ailleurs un chapitre sur le sujet dans le livre. « L’approche qui est préconisée depuis 35 ans est celle de la cogestion », précise Mme Pellerin.

À son campus de Val d’Or, l’UQAT a rassemblé une partie de ses services offerts aux Autochtones sous le toit du Pavillon des Premiers Peuples. Photo de UQAT.

Ainsi, décoloniser la scolarisation est une entreprise lente et complexe, qui doit se défaire de plusieurs centaines d’années de discrimination et de traumatisme (pensionnats, sédentarisation, etc.). « Un des enjeux les plus importants au Québec, c’est de rendre accessible la scolarisation à tous les jeunes apprenants », affirme Mme Pellerin. En effet, si l’accès à l’éducation primaire et secondaire est un peu moins problématique, celle aux études postsecondaires pose de plus grands défis. Les jeunes autochtones doivent la plupart du temps se déraciner de leur communauté, de leur langue et de leur culture pour poursuivre leur cursus. Résultat? Plusieurs ont peine à obtenir leur diplôme. En retour, le nombre d’enseignants eux-mêmes autochtones reste peu élevé alors que l’augmentation de cet effectif est un aspect important pour réussir à décoloniser la scolarisation. « Mais c’est un long parcours », remarque Mme Maheux. En attendant, les enseignants du « Sud » sont peu sensibilisés aux réalités autochtones. « Il y a un manque dans la formation des enseignants. La perspective des Premiers Peuples n’est pas intégrée dans l’enseignement de l’histoire ni dans la formation des maîtres », ajoute-t-elle.

À plus petite échelle, Mme Maheux appelle à une prise en compte de la diversité culturelle des Premiers Peuples à l’intérieur même des cursus scolaires, par exemple, en faisant en sorte d’inclure des repères culturels, et en étant attentif à la culture des enfants. Celle-ci rappelle ainsi que « les enfants ont des schèmes d’apprentissages différents de ce qui est écrit dans le programme du ministère de l’Éducation ». Quoique seul établissement de ce type, l’Institut Kiuna, centre collégial consacré à l’éducation des Autochtones au Québec, est cité comme un bon exemple de réussite par Mme Maheux.

L’éducation comme outil

Même si la situation au Chili est très différente, l’ouvrage permet de découvrir les similitudes comme les différences entre les deux histoires de colonisation. « Pour les Mapuches [peuple autochtone du Chili et d’Argentine], c’est une stratégie politique d’aller à l’école. Ils en ont fait un outil pour revendiquer beaucoup de choses », illustre M. Quintriqueo dans un chapitre consacré à la question. On compte ainsi de plus en plus d’élèves et de professeurs mapuches à l’université.

L’objectif pour les Mapuches, ultimement, est de transmettre aux nouvelles générations les savoirs correspondant à leurs réalités, et de revitaliser leur langue. L’enseignement, au Chili, se fait en effet en espagnol, l’usage des langues autochtones ayant été durement réprimé durant la dictature. Une expérience différente au Québec, où chez les Cris et les Inuits, par exemple, l’enseignement se déroule en langue autochtone pour les premières années du primaire.

Si la réflexion et la perspective critique sur la décolonisation ont une longueur d’avance en Amérique du Sud, la force du Québec réside dans les approches de travail en collaboration, affirme Mme Maheux. D’ailleurs, la collaboration université-communauté est essentielle, et doit « prendre en compte les besoins et la culture des partenaires », souligne Mme Pellerin. « L’approche par projet, d’égal à égal, est la clé pour la prise en charge de l’éducation », croit Mme Maheux.

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