Les doctorants face à un dilemme en matière d’employabilité
Des universitaires échangent sur les défis du marché du travail pour les doctorants et sur les changements à apporter pour faciliter la transition.
Surqualification, emploi hors du milieu universitaire, décalage entre obtention de diplôme et besoin du marché, ces préoccupations ne sont que quelques-unes de celles avec lesquelles jonglent les doctorants en matière d’employabilité.
Auparavant considérée comme le sésame qui permettait d’accéder à une carrière dans le milieu universitaire, aujourd’hui, l’obtention d’un doctorat n’est plus nécessairement synonyme d’un emploi de professeur ou de chercheur à l’université. Quoique les chiffres varient en fonction des domaines d’études, les intervenants rassemblés autour de la question de l’employabilité des doctorants au 85e congrès de l’Association francophone pour le savoir s’entendent pour dire que désormais, seuls 30 pour cent des docteurs trouveront un emploi en milieu universitaire.
Responsable du colloque et professeur titulaire à l’Université de Sherbrooke, Jean-Claude Coallier impute une partie du problème à l’orientation privilégiée pour les programmes de doctorat. « On a des programmes qui forment les doctorants à la recherche dans un contexte universitaire professoral. Il n’y a que 15 ou 20 pour cent des étudiants qui vont s’y placer. Qu’est-ce qui arrive avec les autres qui peuvent possiblement utiliser leurs compétences en recherche, mais pas avec l’esprit universitaire professoral? »
Sans être uniquement caractérisée par la langue parlée par les doctorants, la difficulté de se trouver un emploi à la fin de ses études doctorales est plus marquée chez les francophones que chez les anglophones. « C’est sûr que le monde francophone est plus restreint en termes de possibilités. Du côté anglophone, des postes de professeurs, il y en a partout. Quelqu’un qui maîtrise bien l’anglais peut aller à peu près partout dans le monde alors que pour les francophones, c’est beaucoup plus difficile », précise M. Coallier. Quoiqu’ils ne soient pas touchés aussi durement, les doctorants anglophones se préoccupent aussi de la place qu’ils occuperont sur le marché du travail. « Il y a un groupe d’étudiants qui s’organise, entre autres, à l’Université McGill autour de ces questions. »
Appelés à se tourner vers les entreprises pour trouver un emploi, les docteurs font ainsi face à d’autres défis. Plusieurs participants au colloque constatent qu’il existe une méconnaissance réciproque entre docteurs et entreprises. « Les entreprises ont des perceptions un peu erronées de ce que peut apporter un doctorant avec les compétences qu’il a développées à l’université. »
Quant aux doctorants, peu d’entre eux connaissent ce que le milieu hors universitaire peut leur offrir en termes d’emploi. « Quitter l’université ne doit pas forcément être vécu comme un échec. Le niveau de satisfaction de l’emploi est similaire en milieu universitaire et non universitaire », soutient Laurence Theunis, directrice de projets, Doctorat.be, en s’appuyant sur une recherche réalisée en Europe.
En plus de cette méconnaissance, à leur arrivée sur le marché du travail à l’extérieur du milieu universitaire, les doctorants sont de plus en plus confrontés à la surqualification. Prenant plusieurs formes, la surqualification se résume à occuper un poste qui ne requiert pas le plus haut diplôme obtenu par une personne ou par le fait d’accepter un emploi dans un domaine qui n’est pas relié à son champ d’études. Comme l’explique Mircea Vultur, professeur titulaire à l’Institut national de la recherche scientifique, les répercussions de la surqualification peuvent prendre différentes formes telles qu’une rémunération inférieure à ce qui est attendu, une rotation du personnel supérieure, et cetera.
Autre caillou dans la chaussure des doctorants, l’abondance de docteurs à la recherche d’un emploi contribue à une dépréciation du doctorat. « Il y a une dévalorisation. Venir à l’université, auparavant, c’était une exception. Pendant longtemps, avoir une maîtrise c’était exceptionnel. Maintenant, on peut venir faire un doctorat pour le plaisir, on peut le faire pour toutes sortes de raisons. En bout de ligne, ça dévalorise le diplôme en soit », concède M. Coallier.
Pronostic
Si le problème est de plus en plus connu, rien n’indique que la situation soit appelée à s’améliorer à court terme. « Le décalage entre diplôme et besoin du marché du travail pourrait s’accentuer en raison de deux facteurs. Le premier : la course à la diplomation est favorisée. Le développement des secteurs des services aux personnes, de la santé et du commerce pourrait également contribuer à creuser l’écart », avance M. Vultur.
M. Coallier partage son avis. « Si on ne fait rien de plus et de mieux, la situation ne va qu’empirer parce qu’il y a eu une croissance importante du nombre de gens qui se sont inscrits à des programmes de doctorat au fil des 10 ou 15 dernières années. »
« Le nombre de doctorants inscrits dans une université fait juste augmenter d’année en année, c’est très utopique de penser que ces gens vont tous se trouver un emploi de professeur ou rester dans le milieu universitaire. C’est important de les préparer d’avance à ce qui les attend par la suite pour la majorité d’entre eux », poursuit Simon Bousquet, directeur développement des affaires et chef d’équipe, Québec et Canada atlantique de Mitacs, un organisme à but non lucratif voué à la recherche et à la formation.
Tous devront mettre l’épaule à la roue pour assurer que les nouveaux docteurs trouvent leur juste place à la fin de leurs études. Les doctorants n’y échappent pas. « Avant même de débuter, sinon en cours de route, ils devraient réfléchir à leur projet professionnel et éviter de faire du déni en croyant qu’ils vont s’en sortir même si ce n’est pas le cas des autres », conseille M. Coallier.
Les universités auront également leur bout de chemin à faire. « Il faut provoquer quelque chose et remettre en question la culture universitaire de recherche pure et dure pour pouvoir introduire une ouverture au fait que les gens peuvent être là pour répondre à d’autres besoins et avoir d’autres projets professionnels que celui de devenir professeur d’université », continue-t-il.
Même son de cloche du côté de Ted Hewitt, président du Conseil de recherches en sciences humaines. « La question de l’employabilité est une préoccupation qui traverse les frontières. Il faut penser les choses ensemble si nous voulons que les doctorants jouent pleinement leur rôle dans l’économie du savoir. »
Postes vedettes
- Médecine - Professeur(e) adjoint(e) (communication en sciences de la santé)Université d'Ottawa
- Littératures - Professeur(e) (Littérature(s) d'expression française)Université de Moncton
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
- Medécine- Professeur.e et coordonnateur.rice du programme en santé mentaleUniversité de l’Ontario Français
- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
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