Photo courtoisie de : Université McGill

Le ministère de l’Enseignement supérieur du Québec essuie un revers judiciaire important. Dans une décision rendue le 24 avril, la Cour supérieure a donné partiellement raison aux universités McGill et Concordia, qui contestaient les changements apportés en 2023 aux règles budgétaires encadrant les droits de scolarité et les exigences linguistiques pour les personnes étudiantes hors Québec. 

Ces modifications visaient notamment à hausser les frais exigés aux personnes étudiantes canadiennes non-résidentes du Québec de 9 000 $ à 12 000 $ et aux personnes étudiantes internationales jusqu’à 20 000 $. Elles prévoyaient également que 80 % des personnes étudiantes non québécoises dans un programme anglophone atteignent un niveau intermédiaire de compétence en français à la fin de leurs études. Or, le juge Éric Dufour a conclu que ces mesures étaient déraisonnables, mal appuyées factuellement, et allaient à l’encontre de la mission législative de la ministre Pascale Déry. 


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Le tribunal a invalidé immédiatement l’exigence linguistique des 80 %, jugée irréaliste, et accordé un délai de neuf mois au gouvernement pour revoir les hausses de droits de scolarité imposées aux étudiants canadiens de l’extérieur de la province. Ces hausses demeurent cependant en vigueur dans l’intervalle. 

Photo courtoisie de : Université Concordia

Dans son jugement, le magistrat a souligné que les changements n’étaient pas suffisamment justifiés par des données concrètes, notamment en ce qui a trait à la rétention et à l’intégration des personnes étudiantes hors Québec ; des objectifs invoqués par la ministre pour appuyer sa réforme.

Une contestation inévitable 

Les deux établissements anglophones avaient intenté des recours en justice en 2024, estimant que les mesures adoptées nuisaient à leur réputation, portaient atteinte au droit à l’égalité des personnes étudiantes anglophones et risquaient de réduire leur attractivité à l’échelle nationale et internationale. 


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Du côté de McGill, son recteur Deep Saini a salué une décision qui reconnaît le caractère déraisonnable des règles contestées : « Le tribunal nous donne raison sur des points cruciaux. Nous sommes prêts à collaborer avec le gouvernement pour nous conformer à ce jugement. » Il rappelle que les mesures du gouvernement ont déjà contribué à une baisse des inscriptions au sein de son université. 

Même son de cloche du côté de Concordia. Son recteur, Graham Carr, voit dans cette décision une invitation à « réinitialiser » les relations entre le gouvernement et le milieu universitaire : « Ce jugement devrait servir de catalyseur à une collaboration renouvelée entre l’ensemble du réseau universitaire québécois et le gouvernement, dans un esprit de créativité et de coopération. » 

Étienne Paré, président de l’Union étudiante du Québec, n’est pas surpris par la décision qui, selon lui, envoyait un mauvais message concernant les études au Québec. 

« Le juge a essentiellement dit ce que nous répétons depuis un an et demi, à savoir que la hausse des frais de scolarité n’avait aucun sens », a-t-il affirmé. « Le gouvernement n’envoie pas le bon message aux gens — si l’on veut qu’ils s’intègrent davantage, qu’ils apprennent le français et qu’ils fassent partie de la société québécoise, ce n’est pas la bonne façon de procéder. » 

M. Paré a ajouté que son organisation continue de s’opposer à l’imposition d’un seuil minimal de frais de scolarité pour les personnes étudiantes internationales. « Ce n’est pas normal qu’on utilise les étudiants internationaux pour compenser le manque d’investissement du gouvernement dans nos universités. » 

Prochaine étape : appel ou ajustement ? 

Contacté par Affaires universitaires, le ministère de l’Enseignement supérieur n’avait pas encore commenté la décision au moment de publier ces lignes. Il dispose de 30 jours pour interjeter appel. 


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Si la décision est maintenue, le gouvernement devra revoir en profondeur la façon dont il finance les universités et encadre l’accueil des personnes étudiantes hors Québec. Un enjeu de taille, dans un contexte où les tensions linguistiques, l’attractivité internationale et les équilibres budgétaires universitaires se croisent de plus en plus. 

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