Le nouveau processus de nomination du recteur de l’UdeM contesté

Professeurs, étudiants et employés dénoncent le manque de transparence du nouveau processus de nomination à l’UdeM.

30 janvier 2020

Dans les jours ou semaines à venir, l’Université de Montréal (UdeM) choisira son prochain dirigeant, qui succédera au recteur Guy Breton, dont le mandat se termine en mai 2020. Mais pour la première fois, la communauté universitaire et le grand public ignorent le nom et le nombre de candidats en lice.

Traditionnellement, et comme le font toujours la majorité des universités du Québec, le Conseil de l’Université de l’UdeM rendait publique la liste des candidats et candidates qui souhaitaient devenir recteur ou rectrice de l’établissement. Cet exercice permettait aux candidats de se faire connaître de la communauté qui elle aussi avait son mot à dire durant ce processus. Or, en mars 2018, l’Université s’est dotée d’une nouvelle charte et de nouveaux statuts : changements qui permettent maintenant aux aspirants recteurs de déposer leur candidature tout en demeurant anonymes, comme c’est le cas dans la quasi-totalité des universités à l’extérieur du Québec. Ces changements permettent aussi au Conseil de l’Université, formé d’une vingtaine d’administrateurs, de nommer une personne qui n’a pas déposé de candidature.

Dix groupes universitaires représentant professeurs, cadres, employés, étudiants de l’UdeM, mais aussi d’ailleurs au Québec et au Canada ont dénoncé publiquement ce nouveau processus de sélection. Tous s’inquiètent du manque de transparence, de collégialité et du glissement vers un modèle calqué du monde des affaires et de la gestion d’entreprise.

Vague de dénonciation

Une campagne d’affichage sur le campus et une pétition (qui comptait 350 signatures au moment de publier cet article) ont été lancées par le Syndicat général des professeurs et professeures de l’UdeM (SGPPUM) qui représente environ 1350 personnes.

Le syndicat qualifie le processus d’illégitime. « La haute direction de l’Université est complètement déconnectée de la communauté universitaire; nous n’avons plus le modèle du primus inter pares (le premier d’entre les pairs), mais plutôt une instance en majorité externe qui nomme une personne pour administrer et diriger la communauté d’une position d’ascendance. En un mot, il s’agit d’autoritarisme illégitime et mal adapté à la réalité universitaire », explique le deuxième vice-président du SGPUM et professeur agrégé Dominic Arsenault.

Selon le représentant, les relations entre la communauté et le prochain recteur en seront fragilisées. « La communauté universitaire n’aura pas son recteur, mais se fera imposer un administrateur exerçant les fonctions de recteur », ajoute M. Arsenault.

La Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU) craint également cette problématique. « C’est sûr qu’un recteur nommé qui provient d’une liste de candidatures secrètes pose un grand problème de légitimité. Comment la communauté peut-elle accepter d’être dirigée par une personne qui n’a pas voulu les rencontrer et poser sa candidature à visière levée? » se demande Jean Portugais, président de la FQPPU.

L’Association canadienne des professeures et professeurs d’université (ACPPU) s’est aussi jointe à la contestation. L’ACPPU a mené un sondage en 2019 qui a révélé l’inquiétude de ses membres « face à la tendance à l’opacité ou au renforcement de la culture du secret dans le recrutement » à travers le pays ainsi qu’un désir de renverser cette tendance.

Dans une réponse adressée à l’ACPPU, dont Affaires universitaires a obtenu copie, le chancelier de l’UdeM Louis Roquet explique que « des candidatures de grande qualité sont sur les rangs. Plusieurs de ces personnes ont confirmé qu’elles devraient retirer leur candidature si leur nom devenait public ».

Autres changements

Avec l’adoption de la nouvelle Charte et des nouveaux statuts, d’autres changements s’appliquent au processus de sélection du recteur. C’est le cas notamment de la place de l’Assemblée universitaire.

Celle-ci, composée d’une centaine de membres de la communauté, prenait part autrefois à plusieurs étapes du processus. Un de ses privilèges était de se prononcer, via un scrutin, sur les candidats en lice et d’en faire la recommandation au comité de consultation. Ce privilège a désormais été retiré.

Ni le comité ni le Conseil de l’Université n’avaient l’obligation de suivre la recommandation de l’Assemblée universitaire. Par exemple, en 2010, le Dr Breton a été nommé par le Conseil de l’Université alors que l’Assemblée universitaire avait donné son appui à un autre candidat.

Selon le président de la FQPPU, il s’agissait d’une tradition. « Le recteur n’a jamais été élu par la communauté à l’UdeM. Mais tout de même, il y avait une tradition d’un vote indicatif, il y avait du moins l’obligation de prendre le pouls de la communauté », explique M. Portugais.

À l’Université Laval, le recteur est élu par un vote, et non nommé, par un collège électoral formé de 145 personnes de la communauté universitaire. Un principe similaire est en place à l’Université de Sherbrooke, ou un collège électoral, composé de 15 personnes de la communauté, procède à un vote.

Consultation plus inclusive

Sur le site Web du secrétariat général de l’UdeM, on peut lire que « les nouvelles règles rendent les processus de nomination plus inclusifs et comportent des avantages qui ne sont pas négligeables. »

En effet, la nouvelle procédure de sélection comporte un Comité de consultation élargi, avec 17 membres de la communauté, soit cinq de plus qu’auparavant, y compris des étudiants. Ce comité a le devoir de consulter la communauté universitaire afin de dresser le profil recherché du prochain recteur, de sélectionner et d’évaluer les candidatures. Le Comité fait aussi la recommandation d’un candidat au Conseil de l’Université, qui lui prend la décision finale, en respectant la recommandation du Comité ou non.

« Le Conseil a fait le choix d’une collégialité plus ouverte, en conservant la confidentialité de certaines candidatures qui le souhaitent. Ce modèle, qui est courant dans la plupart des universités canadiennes, représentait un point d’équilibre pour trouver la personne la plus qualifiée pour diriger l’Université de Montréal », répond la porte-parole de l’UdeM Geneviève O’Meara.

Elle ajoute que la révision de la Charte et des Statuts s’est faite après discussions avec la communauté universitaire, qui ne s’est pas « opposée fermement à ce nouveau processus ».

Nomination imminente

Trois personnes ont choisi de rendre leur candidature publique au cours de la présente course au rectorat. Ces candidats sont tous déjà à l’emploi de l’UdeM. Il s’agit de Jean Charest, vice-recteur aux ressources humaines et à la planification; de Marie-Josée Hébert, vice-rectrice à la recherche, à la découverte, à la création et à l’innovation; et d’Yves Joanette, directeur du Consortium en santé numérique.

Le Conseil de l’Université devrait annoncer le candidat retenu au cours des prochains jours, ou des prochaines semaines. Selon le calendrier des instances, une rencontre de ses membres est prévue le 3 février.

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