L’EDI entre résistance institutionnelle et contestation politique

Une entrevue avec David Robinson, directeur général de l’Association canadienne des professeures et professeurs d’université, qui représente des membres du corps professoral, des bibliothécaires, et des chercheurs et chercheuses dans 125 établissements postsecondaires au pays. 

06 mai 2025
Photo courtoisie de : David Robinson

Alors que les programmes d’équité, de diversité et d’inclusion (EDI) sont remis en question dans plusieurs universités nord-américaines, une voix s’élève pour nuancer les critiques et appeler à la résilience. Dans cette entrevue, David Robinson analyse les causes de cette contestation grandissante et défend une vision lucide, mais optimiste, de l’avenir de l’EDI au pays. 

Les programmes d’équité, de diversité et d’inclusion (EDI) font face à une opposition dans certaines universités canadiennes. Quelle en est la raison selon vous?  

Les initiatives d’EDI — ou la DEI aux États-Unis — font l’objet d’attaques politiques directes au sud de la frontière et le climat politique semble changer au Canada aussi. Je pense que certains établissements canadiens cherchent à affronter cette vague de populisme autoritaire, d’ethnonationalisme — ou quelle que soit l’appellation qu’on lui donnerait —, pour éviter d’en devenir la cible.  

L’affaire est devenue un levier politique en quelque sorte, et force est de constater que certains partis s’en servent, par opportunisme, pour obtenir du financement et amasser des dons.  

Quelles critiques de l’EDI sont exprimées par vos membres? 

On remarque, dans certains milieux associés à l’EDI, une tendance à dénoncer des personnes au nom de l’EDI plutôt qu’à la favoriser. Il y a donc une part de vérité dans les critiques concernant la censure ou la culture du bannissement. Mais je tiens à souligner que ces cas sont rares. 

J’entends souvent dire que les établissements adoptent une stratégie superficielle en matière d’EDI, privilégiant la représentation au détriment d’une véritable transformation culturelle, et que le processus entourant l’EDI est devenu très bureaucratique.  

On soulève aussi une autre préoccupation selon laquelle le personnel contractuel est de plus en plus exclu de la conversation en matière d’EDI, ce qui constitue en soi un grave problème d’équité.  

Que pensez-vous de l’idée selon laquelle l’EDI serait à l’encontre de l’excellence? 

Les personnes qui critiquent l’EDI me disent souvent que l’excellence devrait être le critère principal dans les décisions d’embauche ou de financement de la recherche. Si l’on pousse cet argument à l’extrême, il signifierait que dans un monde idéal, la composition du corps professoral devrait refléter celle de la population générale ou des étudiantes et étudiants aux cycles supérieurs et qu’un financement serait octroyé à la recherche sur une grande variété de sujets. Le fait que ce n’est pas le cas, selon cette logique, sous-entend que certains groupes ne sont pas perçus comme excellents. Je ne suis pas d’accord. 

L’argument selon lequel l’EDI étoufferait les débats sur les campus est-il bien fondé? 

Je sais que certaines personnes affirment que les voix conservatrices sont insuffisamment représentées dans les établissements postsecondaires, mais je pense qu’il faudra regarder les campus de plus près, parce que j’y vois une grande diversité. Lors de mes rencontres avec les membres, je remarque certainement une grande diversité d’opinions politiques et je ne vois aucune preuve réelle que l’EDI a étouffé quelque débat que ce soit. Au contraire, il me semble que des discussions vigoureuses ont lieu.  

Les personnes travaillant à promouvoir l’EDI devraient-elles s’inquiéter? 

Les gens ressentent de l’angoisse, mais je suis relativement optimiste, car les établissements canadiens sont solides.  

Bien que cette question ait été politisée au Canada, elle ne suscite pas le même degré de virulence qu’aux États-Unis. Ainsi, j’espère qu’il y aura une forte résilience au pays pour affronter cette vague de contestation. Sinon, prendre du recul signifierait compromettre l’inclusion, la diversité et l’équité. 

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