La fin des lois sur la faillite pour les universités : soulagement ou nouveau défi financier ?
Le texte garantit que les universités ne seront pas soumises aux lois sur la faillite, et soulève des questions sur leur avenir financier.
Le 24 juin, le gouvernement fédéral a adopté le projet de loi C-59, qui modifie la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies et la Loi sur la faillite et l’insolvabilité pour empêcher les établissements d’enseignement publics de s’en prévaloir. Cette adoption marque la fin d’une saga qui a débuté à Sudbury en 2021, lorsque l’Université Laurentienne a engagé une procédure d’insolvabilité, un geste qui a semé l’émoi dans le monde de l’enseignement postsecondaire.
Dans un contexte de compressions importantes dans les programmes, de licenciement de personnel et d’intervention provinciale, une certitude s’est dessinée : ces lois, conçues pour les entreprises privées, n’auraient jamais dû s’appliquer aux universités. Les spécialistes affirment que le projet de loi C-59 est source de soulagement pour les établissements ontariens, mais les amène aussi à se questionner sur les moyens d’assurer leur pérennité financière dans un climat économique difficile.
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Sue Wurtele, ancienne présidente de l’Union des associations des professeurs des universités de l’Ontario (OCUFA) et présidente de son conseil d’administration, attendait depuis longtemps l’adoption d’une telle modification. « Bon nombre de nos universités sont dans une situation financière difficile. Elles espéraient depuis longtemps trouver une solution à cette épée de Damoclès. »
L’OCUFA a été à l’avant-garde de la lutte pour l’adoption du projet de loi, pressant les gouvernements fédéral et provincial et créant des groupes de travail pour soutenir les communautés touchées par la décision de l’Université Laurentienne. Selon Mme Wurtele, les membres s’inquiétaient du message qu’une procédure d’insolvabilité tenue à huis clos enverrait au monde de l’enseignement postsecondaire. « Nous ne voulions pas que l’on perde de vue la valeur communautaire et sociale des universités. »
L’OCUFA s’est également entretenue avec Bonnie Lysyk, vérificatrice générale de l’Ontario, qui, en plus d’avoir rédigé un rapport spécial sur l’Université Laurentienne, en a produit un sur la gestion financière d’autres petites universités et les risques qu’elles courent.
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L’un de ces établissements est l’Université de Nipissing, située à une centaine de kilomètres au sud de I’Université Laurentienne. « On aurait dit que tout le monde s’attendait à ce que notre Université soit la prochaine à subir le même sort », explique Kevin Wamsley, candidat au poste de recteur de l’Université de Nissiping au moment de la procédure d’insolvabilité. « Avant mon arrivée, l’Université avait tout fait pour s’assurer de ne pas avoir de problème de coûts, et à mon entrée en poste, c’était effectivement le cas. En fait, nous voulions investir davantage dans notre personnel, nos départements et la recherche afin d’assurer notre avenir. »
Or, dans son rapport, la vérificatrice générale a critiqué l’établissement, car il était dans le rouge depuis près d’une décennie et n’avait pas de plan à long terme pour s’en sortir. Afin de remédier au problème, M. Wamsley a notamment proposé de faire passer la proportion d’étudiantes et étudiants étrangers de son université de un à quinze pour cent, l’objectif étant « d’apporter des revenus dont d’autres universités profitent depuis 25 ans ».
Il reconnaît toutefois que le projet pourrait être plus difficile à réaliser pour son établissement que pour une grande université urbaine. Ayant déjà travaillé à l’Université St. Francis Xavier, à Antigonish (Nouvelle-Écosse), il sait comment il peut être laborieux de soutenir une communauté universitaire en milieu rural. Essentiellement, tout coûte plus cher et le bassin de recrutement y est moindre.
« L’infrastructure de l’Université est déjà établie; ce qu’il faut, c’est optimiser nos ressources. Le nombre d’étudiantes et d’étudiants est-il adéquat pour nos salles de classe, nos espaces récréatifs et nos locaux de service? Notre effectif (corps professoral et membres du personnel) est-il proportionnel? Voilà le genre de questions essentielles qu’il faut se poser quand on cherche à atteindre la viabilité à court et à long terme. »
M. Wamsley affirme que l’adoption du projet de loi C-59 a « apaisé beaucoup de stress », surtout chez les divers syndicats de son université, et a fait réaliser au conseil d’administration qu’il devra revoir son processus décisionnel. « Nous devons assurer notre viabilité à plusieurs égards, ce qui est un énorme défi pour les hauts responsables de toutes les universités, surtout dans un contexte de gel des droits de scolarité et des subventions gouvernementales. »
Tom Fenske, président du syndicat du personnel de l’Université Laurentienne, espère aussi que ce changement législatif servira d’avertissement aux administrations d’université. « La fin de l’application de ces lois aux établissements d’enseignement envoie le message qu’il faut faire confiance aux syndicats et travailler avec eux, pas les exclure. » Le recours aux conseillères et conseillers financiers externes, à l’Université Laurentienne et ailleurs, est selon lui un problème grandissant. « Lorsque les administrations universitaires analysent leurs problèmes financiers, elles se tournent très peu vers les syndicats, le corps professoral et le personnel, alors que ces groupes devraient être au cœur des conversations. Il doit y avoir davantage de confiance, car tout le monde vise le même objectif : la réussite. »
M. Fenske et MmeWurtele soulignent tous deux que les universités sont trop souvent gérées comme des entreprises privées, où des éléments qui ne sont pas rentables sont jugés superflus, alors que leur valeur est parfois plus abstraite ou difficile à prouver à court terme (M. Fenske donne l’exemple de compressions dans divers programmes environnementaux à l’Université Laurentienne). Le sous-financement chronique mène alors à une impasse. « Le gouvernement provincial nous coupe les vivres, puis veut qu’on aille trouver de l’argent ailleurs », se désole M. Fenske.
Mme Wurtele explique que maintenant que le projet de loi C-59 a été adopté, l’OCUFA travaille désormais à modifier et à clarifier la structure de financement des établissements postsecondaires de l’Ontario. « C’est un système qui s’est construit par couches au fil des ans. Tout ce qui est clair, c’est qu’il ne fonctionne pas. »
Elle affirme aussi qu’il faut en profiter pour rappeler la véritable valeur des universités au grand public, et que celui-ci ne doit jamais oublier les conséquences des compressions sur les personnes touchées. « Il serait facile de passer à autre chose après ce qui est arrivé à l’Université Laurentienne, mais il ne faut pas ignorer les effets dévastateurs de cet événement sur la communauté universitaire, plaide-t-elle. On ne peut pas penser que ce n’était qu’un simple contrecoup et qu’aujourd’hui, tout est au beau fixe à l’Université. Il faudra des générations pour s’en remettre, et des gens ont vu leur vie changée à jamais. »
Postes vedettes
- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
- Medécine- Professeur.e et coordonnateur.rice du programme en santé mentaleUniversité de l’Ontario Français
- Littératures - Professeur(e) (Littérature(s) d'expression française)Université de Moncton
- Médecine - Professeur(e) adjoint(e) (communication en sciences de la santé)Université d'Ottawa
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
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