Lutter contre les violences sexuelles : 2 rapports proposent une marche à suivre

Le recteur de l’Université Western indique que certaines recommandations comprises dans les rapports sont déjà mises en œuvre en prévision de la rentrée.

28 juillet 2022
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À la suite de nombreuses allégations de violences sexuelles survenues sur son campus en septembre 2021, l’Université Western a publié deux rapports destinés à orienter la mise en œuvre de « changements transformateurs ».

Le premier, rédigé à l’interne par le Comité d’action sur les violences sexuelles fondées sur le genre (VSFG), présente des recommandations provenant d’étudiants, de professeurs, d’employés et d’experts, tandis que le second est l’aboutissement d’un examen indépendant résumant des entrevues menées auprès de leaders étudiants, de professeurs, d’employés et d’administrateurs de l’établissement, de même qu’auprès du personnel d’intervention d’urgence de London.

Les deux rapports font état des ressources nécessaires pour prévenir la VSFG, y réagir et offrir de la formation en la matière, tout en mettant l’accent sur les personnes survivantes. Ils soulignent également l’urgence de contrer la « culture toxique de fête » qui règne au sein de l’établissement.

Les événements du 10 et 11 septembre 2021 se sont déroulés lors de la semaine de la rentrée, où les étudiants de première année goûtent pour la première fois à la vie sur le campus et dans les résidences universitaires. Des rumeurs rapportant des actes de violence sexuelle perpétrés à l’endroit d’une trentaine de jeunes femmes qui auraient été droguées ont largement circulé sur les réseaux sociaux. Le 17 septembre, près de 8 000 étudiants ont débrayé pour dénoncer la situation. L’Association des professeurs de même que le recteur et vice-chancelier de l’établissement, Alan Shepard, ont officiellement appuyé la marche.

La rédaction du rapport interne a été confiée à Nadine Wathen, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la mobilisation des connaissances sur la violence de genre, ainsi qu’à la psychologue Terry McQuaid, directrice du bien-être étudiant à l’Université. Le Comité a consulté 900 membres de l’établissement, dont les deux tiers étaient des étudiants, ainsi que 60 membres du Comité de coordination de London pour mettre fin à la violence faite aux femmes. À l’issue des consultations, le Comité a proposé 22 recommandations se rapportant entre autres aux ressources et mesures de soutien pour les personnes survivantes et à la sécurité des lieux.

Le rapport fait également état de huit priorités incontournables : mettre sur pied un comité d’éducation sur les VSFG, renforcer le soutien offert aux personnes survivantes, mettre sur pied un tableau de bord pour signaler les cas de VSFG, intégrer dans tous les plans de cours une déclaration condamnant les VSFG ainsi que de l’information sur le soutien en la matière, prévenir les cas de VSFG par le biais de politiques et de pratiques, interdire les rapports intimes ou sexuels entre les employés et les étudiants, offrir un campus sûr et mettre au point une stratégie de communication sur les VSFG rassemblant divers partenaires.

L’examen indépendant a pour sa part été conduit par la professeure de droit Nathalie Des Rosiers, également principale du Massey College de l’Université de Toronto, ainsi que par Sonya Nigam, coordonnatrice générale de l’Association canadienne pour la prévention de la discrimination et du harcèlement en milieu d’enseignement supérieur. Mmes Des Rosiers et Nigam se sont notamment penchées sur les lacunes en matière de politiques, les échecs de procédures et les mesures recommandées, en menant des entrevues auprès de leaders étudiants, de professeurs, d’employés et d’administrateurs de l’établissement, de même qu’auprès du personnel d’intervention d’urgence de la collectivité.

Le rapport contient 17 recommandations regroupées sous trois thématiques générales : intégrer la prévention des violences sexuelles fondées sur le genre à tous les aspects de la vie étudiante, améliorer la gestion des activités d’accueil des étudiants de première année et la coordination des interventions d’urgence, et aborder de front les aspects problématiques de la culture qui prévaut lors des activités d’accueil. Le rapport mentionne d’ailleurs que « la période d’accueil et d’adaptation à la vie universitaire et en résidence présente de hauts risques de violences sexuelles et fondées sur le genre ».

Un processus axé sur les voix étudiantes

Lauren Jarman, vice-présidente des affaires universitaires au sein du conseil étudiant de l’Université, se réjouit des recommandations formulées dans le rapport interne, qui correspondent à celles émises par les leaders étudiants dans un document d’orientation sur la lutte contre les violences sexuelles et fondées sur le genre. « L’ensemble du processus était axé sur les voix des étudiant.e.s », indique Mme Jarman, qui était étudiante lors des événements de septembre 2021. Elle espère que l’administration de l’Université tiendra la population étudiante informée des prochaines étapes.

Lorsqu’Affaires universitaires a communiqué avec M. Shepard pour obtenir ses commentaires sur les rapports et les recommandations, ce dernier a déclaré par écrit : « Les cas de violences sexuelles qui surviennent sur des campus universitaires ont des conséquences dévastatrices pour les personnes survivantes et leurs proches », en faisant référence également aux répercussions entraînées dans l’ensemble de la collectivité. Le recteur écrit également que les recommandations engendraient déjà « des changements concrets et durables », en soulignant que plusieurs recommandations sont déjà mises en pratique, tandis que l’établissement a entamé la mise en œuvre de certaines autres.

Parmi les changements déjà instaurés, on compte la refonte de la semaine d’accueil, la mise en place d’un comité consultatif consacré à la lutte contre les violences sexuelles et fondées sur le genre ainsi que l’élaboration d’une formation obligatoire pour les nouveaux étudiants et ceux qui vivent en résidence, de même que pour les leaders étudiants, les professeurs et les employés.

Treena Orchard, anthropologue médicale à l’École d’études sur la santé de l’établissement, est au nombre des personnes ayant critiqué la semaine de la rentrée, indiquant qu’elle favorisait la culture du viol. Elle considère que les rapports sont tous deux bien documentés et complets, et indique que le rapport externe « ne mâche pas ses mots ».

Un autre changement qui ressort des recommandations est la fin de la pratique voulant que des étudiants bénévoles de deuxième année, qui agissent à titre de mentors lors de la semaine d’accueil, portent de faux noms. Ceux-ci « ont souvent une forte connotation sexuelle », précise Mme Orchard, qui s’intéresse aux violences fondées sur le genre. « Ça peut sembler banal, mais le changement ne peut pas nuire », poursuit-elle en expliquant que les mentors font office de leaders durant cette semaine importante. Cette année, les organisateurs de la semaine d’accueil ont prévu des tentes offrant du soutien en santé mentale, une formation rémunérée de deux semaines pour les mentors en chef, la présence d’ambassadeurs de la sécurité et de mentors dans les résidences ainsi qu’un service d’aide en matière de VSFG offert 24 heures sur 24.

Composer avec les clubs d’étudiants

Mme Orchard, qui a étudié la sécurité sur les campus, mentionne qu’elle s’étend bien au-delà des considérations physiques, comme la distance entre les salles de cours ou l’éclairage des bâtiments. « Il faut aussi tenir compte de la sécurité émotionnelle », ajoute celle qui a constaté dans une étude que seul un étudiant interrogé sur 30 se sentait en sécurité sur le campus de l’Université.

Une problématique soulevée par Mme Orchard, et corroborée par les rapports produits par l’Université, concerne en outre le rôle des clubs d’étudiants dans la lutte contre les violences sexuelles et fondées sur le genre. « Les foyers étudiants sont largement reconnus comme étant des espaces dangereux, et pas seulement à l’Université Western », affirme Mme Orchard, en poursuivant qu’ils se sont forgé une mauvaise réputation, impliquant notamment des comportements abusifs, comme l’administration forcée de drogues, souvent par l’entremise de breuvages alcoolisés, dans le but de commettre des viols. Même si les clubs d’étudiants de type Greek Life ne sont pas officiellement associés à l’Université, Mme Orchard soutient que « curieusement, ils sont tenus en haute estime ».

Ce n’est pas la première fois que des mesures sont instaurées afin de lutter contre la culture de la masculinité toxique associée depuis fort longtemps aux clubs et foyers d’étudiants. En 2019, à la suite d’un vote du Conseil des fraternités, les membres de clubs masculins qui fréquentent l’Université de la Colombie-Britannique ont été tenus de suivre des formations sur le consentement sexuel, le rôle du spectateur et la masculinité saine.

Malgré tout, Mme Orchard croit qu’il est particulièrement important pour l’établissement d’embaucher un cadre supérieur à temps plein qui sera responsable de mener les efforts visant à éliminer les violences sexuelles et fondées sur le genre. L’Université espère d’ailleurs être en mesure de répondre à cette préoccupation en annonçant sous peu la nomination de la personne qui occupera le poste de conseiller spécial au vice-recteur et provost aux affaires étudiantes et aux études. Cette personne sera notamment appelée à diriger un nouveau comité consultatif sur les violences sexuelles et fondées sur le genre qui inclura des représentants étudiants ainsi que des membres du personnel et du corps professoral. Selon Mme Orchard, l’Université doit pouvoir compter sur « quelqu’un qui a l’œil et l’oreille du recteur, car ces événements se produisent à une fréquence effrayante ».

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