Partout au Canada, des collèges se préparent à devenir des universités
Les collèges qui aspirent à devenir des universités ne veulent pas seulement changer leur statut, mais aussi ce qu’est une université.
L’avenir de trois collèges albertains s’est joué en l’espace d’une semaine. Le 22 février dernier, le ministre de l’Enseignement supérieur de la province, Marlin Schmidt, a annoncé que le Collège régional de Grande Prairie avait obtenu l’autorisation de décerner des grades dans l’optique de devenir une université. Le 1er mars, la première ministre Rachel Notley a profité d’un événement pour annoncer que la même permission avait été accordée au Collège de Red Deer. Et le même jour, le ministre Schmidt s’est à son tour présenté à nouveau devant les caméras pour confirmer que le Collège d’art et de design de l’Alberta avait désormais le statut d’université.
« Si mes 25 années dans le milieu postsecondaire m’ont appris une chose, c’est que chaque décision est une décision politique », affirme Joel Ward, directeur du Collège de Red Deer, au sujet de ces trois annonces rapprochées.
Le phénomène des collèges qui deviennent des universités est récurrent au Canada. Deux autres collèges de l’Alberta ont vécu une transition comparable il y a moins de dix ans, tandis qu’en Colombie-Britannique, cinq établissements postsecondaires (trois collèges universitaires et deux collèges) sont devenus des universités en 2008. Le Collège du Yukon est aussi en voie d’obtenir son statut officiel d’université d’ici quelques années, et le Collège Sheridan, en Ontario, a exprimé la volonté de devenir une université d’ici 2020.
Comme le laisse entendre M. Ward, les récentes annonces en Alberta sont peut-être liées à l’approche de la fin du mandat du gouvernement néo-démocrate, mais, de toute évidence, les collèges concernés ont déployé les efforts nécessaires pour obtenir cette autorisation.
Le Collège de Red Deer, situé dans la ville du même nom, entre Calgary et Edmonton, fait pression sur le gouvernement provincial depuis plus de 30 ans pour changer de statut. Sa dernière demande rejetée remonte à 2007.
« Nous avons précédemment été déçus, mais, cette fois, la demande ne venait pas de notre établissement, mais de la collectivité », souligne M. Ward. En effet, la plus récente demande de changement de statut était accompagnée de lettres de soutien provenant de partout sur le campus, de même que d’entreprises, de collectivités autochtones, d’autorités municipales et de divisions scolaires du centre de l’Alberta. « J’ai compris qu’il était plus facile de rejeter la demande d’un établissement que de rejeter celle d’une collectivité », ajoute-t-il.
Pour gagner l’appui de la population, M. Ward explique que son établissement a présenté cette transition comme un enjeu de justice sociale : une université locale permettrait d’améliorer l’accès à l’éducation dans la région et de la rendre plus abordable. « L’exode des cerveaux était une source d’inquiétude pour la collectivité. Les étudiants quittaient la région et, dans 90 pour cent des cas, ne revenaient jamais. »
Le Collège de Red Deer a fait part de sa stratégie au Collège régional de Grande Prairie. Comme Red Deer, la ville et les environs de Grande Prairie, située à quelque 450 km au nordouest d’Edmonton, assistaient à un exode de population attribuable à la poursuite d’études universitaires. « Si les étudiants du centre de l’Alberta étaient loin des universités, ceux de Grande Prairie l’étaient trois fois plus. Leur situation était donc encore pire, car ils devaient composer avec une trop grande distance et des coûts trop élevés, explique M. Ward. Nous avons donc créé des messages semblables et fait valoir nos intérêts ensemble, et nos efforts ont été couronnés de succès. »
M. Ward estime qu’il faudra de trois à cinq ans pour que le Collège de Red Deer devienne une université régionale polyvalente à part entière et offre des programmes menant à l’ob-tention d’un grade, ainsi que des programmes d’études professionnelles et des diplômes donnant accès à ces programmes. La transition du Collège régional de Grande Prairie devrait quant à elle prendre environ huit ans.
À Calgary, le Collège d’art et de design de l’Alberta décerne des grades depuis plus de 20 ans et une première cohorte d’étudiants y ont récemment reçu leur maîtrise. Selon le directeur de l’établissement, Daniel Doz, le Collège a essentiellement été exploité comme une université pendant des dizaines d’années, sans en avoir le nom. L’équipe responsable de la transition discute avec la collectivité et les intervenants externes pour renommer l’établissement et transformer son image, et compte présenter ces changements à la Post-secondary Learning Act de la province en septembre.
Karen Barnes, directrice du Collège du Yukon, a suivi avec intérêt ce qui se passait dans le sud. En 2015, le gouvernement du Yukon a approuvé la demande de son établissement, qui souhaitait décerner des grades et changer de nom et faisait valoir ses intérêts auprès de tous les ordres du gouvernement depuis plus de 40 ans. L’Université du Yukon devrait ainsi voir le jour d’ici 2020.
Le gouvernement du Yukon doit avant tout adopter une nouvelle loi (ou modifier la loi qui gouverne actuellement le Collège Yukon) pour préciser le sens de la désignation université. « Le gouvernement [territorial] nous a dit qu’il modifierait la loi en 2019, lors de sa séance de novembre. Il aimerait qu’elle soit adoptée au printemps 2020, juste à temps pour les élections de l’automne », affirme Mme Barnes.
Comme le Collège de Red Deer, le Collège du Yukon doit sa réussite au soutien d’inter-venants locaux. Mme Barnes songe à présent à rehausser la renommée nationale de son établissement.
« Notre université sera la première dans le nord du Canada. […] Nous avons le potentiel d’aborder des enjeux pertinents pour l’ensemble du pays, comme les changements climatiques et l’autogouvernance. Nous devons préparer notre message et le faire connaître », souligne-t-elle.
De tous les travaux en cours dans l’établissement nordique (création d’une stratégie d’image de marque, politiques internes, formules de financement, capacité de recherche, campagnes de collecte de fonds et de financement des infrastructures universitaires, et lancement d’un premier programme de baccalauréat à l’automne), la gouvernance universitaire est la plus grande préoccupation de Mme Barnes. Elle explique que l’équipe du Collège du Yukon veut se doter d’un nouveau type de système adapté à une université « hybride » comprenant une variété de programmes de métiers, professionnels, menant à l’obtention de grades, aux cycles supérieurs et de recherche appliquée.
La gouvernance est un des enjeux les plus délicats avec lesquels doivent composer chacun des collèges en voie de devenir une université. « À l’heure actuelle, le directeur du collège a le dernier mot à presque tous les égards, explique M. Ward. Ce n’est pas le cas à l’université, où la structure de gouvernance est bicamérale, c’est-à-dire partagée entre le corps professoral et l’administration, poursuit-il. Ce nouveau modèle nous force à déterminer en quoi consistera notre structure de gouvernance partagée et comment assurer son efficacité. […] Nous étudions actuellement la question en observant les autres universités qui ont déjà été des collèges, y compris les cinq de la Colombie-Britannique et les deux nouvelles universités albertaines, Mount Royal et MacEwan. »
Ces dernières ont obtenu le statut d’université du gouvernement de l’Alberta en 2009. Pour ces établissements, l’étape suivante est souvent de soumettre une demande d’adhésion à Universités Canada, une organisation non gouvernementale qui représente actuellement 96 universités canadiennes publiques et privées à but non lucratif. (Affaires universitaires est publié par Universités Canada.) L’Université Mount Royal est devenue membre en 2009 et l’Université MacEwan,
en 2012.
Universités Canada n’est pas un organisme d’agrément national, mais les universités doivent respecter certains critères pour y adhérer, dont une série de principes d’assurance de la qualité. Elles doivent aussi offrir des programmes universitaires menant à un grade et avoir un modèle de gouvernance approprié. Tous les directeurs interviewés ont confirmé leur intention de soumettre une demande d’adhésion à l’organisation.
Postes vedettes
- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
- Médecine - Professeur(e) adjoint(e) (communication en sciences de la santé)Université d'Ottawa
- Medécine- Professeur.e et coordonnateur.rice du programme en santé mentaleUniversité de l’Ontario Français
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
- Littératures - Professeur(e) (Littérature(s) d'expression française)Université de Moncton
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