Rester ou repartir : le dilemme des étudiants étrangers

L’expérience vécue en milieu universitaire peut peser dans la décision à prendre.

29 juillet 2021
student standing in class

La plupart des étudiants étrangers décident de rester au Canada ou de le quitter pendant leur séjour dans nos établissements d’enseignement. Des chercheuses ont récemment présenté les principaux facteurs sur lesquels repose ce choix important.

L’étude réalisée par des chercheuses de l’Université de Waterloo, de l’Université de l’Alberta et de l’Université Western montre qu’une majorité d’étudiants étrangers ne savent pas s’ils demeureront ou pas au Canada lorsqu’ils amorcent leurs études au Canada. À peine un quart d’entre eux arrivent au pays avec une intention claire à cet égard. Ces conclusions proviennent d’entrevues avec 60 étudiants étrangers des universités de Waterloo et de l’Alberta.

« C’est donc dire que l’expérience vécue au Canada, et notamment au sein des universités, compte pour beaucoup dans la décision de rester ou de partir de ces étudiants », note Elena Neiterman, chercheuse en santé publique à l’Université Waterloo.

L’étude montre aussi qu’il est trop simpliste de demander s’ils vont quitter le Canada ou s’y établir. En effet, l’intention de rester n’a pas le même sens pour tous. Pour un petit nombre d’entre eux, cela signifie s’installer en sol canadien de manière permanente. Les études universitaires peuvent alors représenter un premier pas dans un processus d’immigration planifié. Mais pour la plupart, « rester » veut dire étirer le séjour de quelques mois ou quelques années avant de retourner au pays. L’étudiant étranger ne tranche donc pas entre deux options, mais choisit au contraire dans un vaste spectre de possibilités.

Le cœur et la tête

Le processus décisionnel des étudiants est complexe et repose sur des facteurs à la fois personnels et professionnels. Certains étudiants sentent une pression familiale de retourner dans leur pays d’origine. D’autres ont déjà des liens familiaux avec des gens qui habitent au Canada ou forment des amitiés ou une relation de couple qui les incitent à demeurer ici. Les différences de niveaux de vie ou de sécurité entre la contrée d’origine et le Canada peuvent aussi motiver cette décision.

Sur le plan professionnel, le sentiment d’avoir de bonnes chances de lancer leur carrière ici devient un facteur qui en amène plusieurs à envisager de rester. À l’inverse, l’isolement, l’absence de perspectives d’emploi et la complexité du système d’immigration peuvent jouer en faveur d’un départ.

« Former des amitiés, être en lien avec la communauté d’accueil à l’extérieur de la bulle universitaire et obtenir des occasions professionnelles comptent pour beaucoup dans la décision de demeurer chez nous, note Victoria Esses, chercheuse en psychologie et directrice du Centre de recherche sur les migrations et les relations ethniques à l’Université Western. Les étudiants s’attendent à recevoir un appui en ce sens de leur université, que ce soit par l’entremise de stages, de mentorat, de réseautage ou d’emplois pendant leurs études. »

Plus de la moitié des participants envisageaient par ailleurs de demander le statut de résident permanent après avoir obtenu leur diplôme. Ils croient que ce statut favorise l’accès à des bourses et à des occasions éducatives et d’emploi. Les étudiants le voient aussi comme un moyen de s’offrir davantage de flexibilité dans leur processus de décision et dans leur capacité d’aller et venir entre le Canada et d’autres pays. « C’est une manière de garder la porte ouverte, mais ça ne garantit pas que les demandeurs souhaitent s’établir chez nous », précise Mme Neiterman.

Comprendre, pour mieux soutenir

Les résultats de cette étude rejoignent ceux obtenus par des chercheurs de l’Institut national de recherche scientifique (INRS) au Québec, auprès de 32 étudiants étrangers de l’INRS. L’équipe de Mircea Vultur et Annick Germain avait elle aussi constaté que les projets de la majorité de ces étudiants restaient indéterminés à leur arrivée au Québec. « Un groupe envisageait déjà une carrière à l’international, alors qu’une plus petite proportion comptait demeurer au Canada », précise M. Vultur.

Pour ceux-ci, la qualité de vie, la sécurité et l’ouverture de la société canadienne à la diversité représentaient des facteurs d’attraction importants. Le projet de rester se concrétisait aussi davantage lorsque les étudiants amorçaient une relation de couple chez nous ou créaient des liens forts avec la population locale. « La trajectoire individuelle pendant le séjour compte énormément dans la décision », ajoute le chercheur.

Il estime que les universités gagneraient à développer des programmes qui ciblent plus finement les différentes catégories d’étudiants, en fonction des attentes liées à leur projet de vie. « Une fois leurs études terminées, ces étudiants deviennent de la main-d’œuvre très demandée, mais très mobile, prévient-il. S’ils ne forment pas d’attaches particulières au Canada ou s’ils n’y voient pas de bonnes occasions professionnelles, ils peuvent très bien aller travailler dans d’autres pays. »

Dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, ces diplômés établis au Canada depuis quelques années et formés chez nous représentent des candidats de choix à l’immigration. L’université est bien placée pour attiser leur envie de rester et faciliter les processus associés à cette décision. Toutes ne jouent toutefois pas ce rôle avec la même vigueur.

« Les services offerts aux étudiants internationaux varient beaucoup d’une université à l’autre, notamment en ce qui concerne l’appui dans les processus d’immigration et les occasions d’intégration dans la société d’accueil, remarque Mme Neiterman. Nos approches ne sont pas harmonisées et cela génère des failles dans notre soutien aux étudiants étrangers. »

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