Revaloriser le français dans les sciences naturelles et le génie
Affaires universitaires vous propose de revivre les temps forts du colloque « La recherche en français en sciences naturelles et génie : état des lieux et pistes d’action », tenu le 8 mai 2025 dans le cadre du 92e congrès de l’Acfas.

Depuis la fin des années 1980, l’anglais s’est imposé comme langue dominante dans la diffusion des savoirs scientifiques, au point où, aujourd’hui, 98 % des publications en sciences naturelles et en génie (SNG) sont rédigées dans cette langue. Au Canada, cette tendance soulève des enjeux majeurs en matière d’équité linguistique, en particulier dans les milieux francophones minoritaires. Le déséquilibre engendré fragilise non seulement le statut du français comme langue scientifique, mais limite aussi la diversité des perspectives culturelles et linguistiques en recherche.
C’est dans ce contexte qu’un colloque, « La recherche en français en sciences naturelles et génie : état des lieux et pistes d’action » s’est tenu le 8 mai 2025 à l’École de technologie supérieure (ÉTS) de Montréal, dans le cadre du 92e congrès de l’Acfas.
Une mobilisation de la communauté scientifique
Le colloque a rassemblé un large éventail d’actrices et d’acteurs de la recherche francophone, des chercheurs et chercheuses, des représentants d’organismes subventionnaires et membres de la relève. Trois tables rondes ont permis d’explorer différents angles de la question : d’abord, le point de vue des chercheuses et chercheurs sur l’usage et les défis du français dans leur pratique scientifique ; ensuite, celui de la relève, et enfin, les stratégies et perspectives des organismes subventionnaires pour soutenir concrètement la recherche en français dans les SNG. Ces échanges ont culminé dans une plénière de clôture, consacrée à la synthèse des réflexions et à l’identification de pistes d’action pour renforcer la vitalité et la pérennité de la recherche francophone dans ces disciplines.
Lors de la première table ronde, plusieurs chercheurs et chercheuses ont partagé leur expérience personnelle. Nathalie Méthot, du Centre d’accès à la technologie en bio-innovation du Collège La Cité, explique que ses études en anglais ont facilité sa progression professionnelle, tout en soulignant l’importance de créer des espaces pour la recherche francophone, surtout dans les collèges communautaires en milieu minoritaire.
Liette Vasseur, professeure titulaire au Département des sciences biologiques de l’Université Brock, raconte qu’elle a dû s’adapter dès ses études universitaires à une littérature presque exclusivement anglophone. « Je cherchais malgré tout à produire en français, pour rester proche des communautés locales », précise-t-elle.
Jacques A. De Guise, professeur titulaire au Département de génie de la production automatisée de l’ÉTS, déplore quant à lui les biais structurels liés à l’évaluation scientifique. « Malgré l’aide de traducteurs professionnels, mes articles sont régulièrement critiqués pour la qualité de l’anglais, dit-il. Cela révèle une différence de rhétorique entre cultures scientifiques. »
La relève face à des choix linguistiques contraints a été au cœur de la deuxième table ronde, animée par Thierry Drapeau de l’Acfas. Un doctorant et deux doctorantes ont partagé leurs expériences : Véronique Bouvette, doctorante en ingénierie à l’École de technologie supérieure (ÉTS), Marie-Pier Brochu, doctorante en sciences de l’eau à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS), et Jasmin Deguire, doctorant en physique à l’Université de Victoria.
M. Deguire a expliqué que l’anglais s’est progressivement imposé dans son parcours, bien qu’il ressente un certain regret face au recul du français. De son côté, Mme Brochu a souligné que l’anglais est devenu la langue commune dans son laboratoire, notamment pour inclure les collègues internationaux. Quant à Mme Bouvette, elle a insisté sur l’importance du rôle des mentors : « Il faut cultiver la fierté de faire de la recherche en français dès le cégep et au bac, avec des professeurs qui incarnent cette valeur. Même une petite bourse ou reconnaissance institutionnelle pour une première publication en français peut allumer une étincelle. »
Faire entendre la voix de la relève en français
En clôture du colloque, une plénière animée par M. Drapeau a mis en lumière la voix de la relève à travers quatre grands axes : enseigner, travailler en laboratoire, financer et diffuser la recherche en français. La discussion a révélé à la fois des obstacles persistants et des pistes concrètes pour renforcer la place du français dans le milieu universitaire.
Dès les premiers cycles, la trajectoire en français s’avère difficile à maintenir, surtout dans les milieux majoritairement anglophones. Les personnes participantes ont souligné le manque de reconnaissance institutionnelle pour les publications francophones, l’importance d’un encadrement en français dès le baccalauréat, et le rôle clé de modèles inspirants qui valorisent cette langue dans toutes les sphères du métier universitaire.
Des recommandations concrètes ont émergé : offrir davantage d’incitatifs pour publier, enseigner et vulgariser en français ; élargir les occasions de mentorat et les ressources de formation ; mieux soutenir la collaboration interdisciplinaire francophone ; et redéfinir la production scientifique pour inclure la vulgarisation et les contributions sociales.
La discussion a également porté sur les défis particuliers rencontrés par les étudiantes et étudiants internationaux. Plusieurs ont souligné l’absence d’exigences claires liées au français, dès l’admission et jusqu’à la diplomation, contrairement à ce qui est exigé pour l’anglais. L’idée d’instaurer des attentes progressives de bilinguisme, accompagnées d’un soutien linguistique adapté, a suscité l’adhésion.
Sur le thème de la vie en laboratoire, la responsabilité de préserver un environnement francophone revient trop souvent aux directions de recherche, faute de politiques institutionnelles claires. Des propositions comme l’instauration d’un test de français à l’admission, ou l’établissement de seuils linguistiques progressifs, ont été avancées pour soutenir cette mission.
Le financement de la recherche en français, notamment en contexte minoritaire, a aussi fait l’objet d’échanges nourris. Le manque de clarté et d’accompagnement dans certains établissements anglophones demeure un frein. Plusieurs ont proposé de créer des concours de financement exclusivement francophones, tout en avertissant contre le risque d’isolement si ces programmes restent marginaux. Un consensus s’est dégagé sur la nécessité de mieux communiquer les possibilités de financement en français, et de mobiliser davantage de pairs francophones dans l’évaluation.
Enfin, la valorisation et la diffusion de la recherche en français ont suscité des réflexions sur les biais des processus d’évaluation en ligne, qui peuvent désavantager les francophones. L’idée d’un retour partiel aux évaluations en personne a été évoquée. Quant à la visibilité des travaux en français, une revue soutenue par un organisme subventionnaire pourrait favoriser la publication et la vulgarisation scientifique dans cette langue — à condition de résoudre les enjeux de ressources, de traduction et de rayonnement.
En somme, la relève appelle à des gestes concrets pour garantir un avenir durable à la recherche universitaire francophone.
Postes vedettes
- Médecine - Professeure ou professeur (neurosciences)Université de Sherbrooke
- Traitement des eaux - Professeure ou professeurInstitut national de la recherche scientifique
- Chaire de recherche du niveau 1 en multiples domainesUniversité de Sherbrooke
- Sciences de l'éducation - Professeure suppléante ou professeur suppléant (didactique des mathématiques au secondaire)Université du Québec à Trois-Rivières
- Médecine vétérinaire - Professeure adjointe / agrégée ou professeur adjoint ou agrégé (chirurgie des animaux de compagnie)Université de Montréal
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