Amener l’étudiant à s’intéresser à la rétro-information
De petits changements peuvent avoir une grande incidence sur la participation des étudiants au processus d’évaluation.
Cet article est un sommaire de l’article « How to bring students into the feedback loop ».
Une étude récente confirme ce que les professeurs soupçonnent depuis longtemps : les étudiants ne lisent pas les commentaires. Publiée en 2019 dans le British Journal of Educational Technology, l’étude signée par Paul Mensink, professeur adjoint au Département de biologie de l’Université Western, et Karen King, chargée de cours en biologie à l’Université Queen’s de Belfast, portait sur près de 1 500 travaux soumis via un système de gestion de l’apprentissage par quelque 500 étudiants. Les chercheurs ont découvert que lorsque les étudiants pouvaient voir leur note avant d’ouvrir le document contenant les commentaires de l’enseignant, ce document n’était pas consulté dans 42 pour cent des cas.
Pour M. Mensink, ce résultat décevant semble indiquer que les étudiants s’intéressent peu à l’appréciation de leurs professeurs, qui perdent ainsi leur temps à rédiger des commentaires. En revanche, l’étude révèle aussi que lorsque la note est incluse dans le document de commentaires, la proportion de fichiers non consultés chute à 17 pour cent. Malheureusement, la plupart des systèmes de gestion de l’apprentissage ne sont pas conçus pour combiner notes et commentaires de cette façon, une situation qui n’est pas près de changer.
Le défi, pour les enseignants, consiste donc à rendre incontournable la lecture des évaluations par les étudiants. Selon Jay Wilson, responsable du Département des études de programmes au collège de l’éducation de l’Université de la Saskatchewan, le passage à un système sans dissertation finale ou examen à choix multiples à la fin du trimestre est probablement le plus important changement auquel il ait assisté ces 20 dernières années. Il conseille d’ailleurs à ses étudiants en enseignement d’opter pour une « formule d’apprentissage progressif axée sur les commentaires afin de favoriser la rétro-information ».
De nouvelles façons de faire
Certains professeurs font participer les étudiants au processus dès le départ en établissant avec eux l’échelle de notation des travaux du cours. En plus d’aider les étudiants à comprendre les critères d’évaluation et de leur permettre de donner leur avis, cette pratique les rapproche du professeur et de leurs pairs. Selon Michelle Yeo, directrice des études à l’Institute for the Scholarship of Teaching de l’Université Mount Royal et présidente de l’International Society for the Scholarship of Teaching and Learning, la création d’une communauté d’apprentissage à l’intérieur d’un cours et les exercices d’évaluation entre étudiants permettent d’incorporer de nouvelles formes de rétro-information sans alourdir la tâche de l’enseignant. « Avec l’évaluation par les pairs, ce n’est pas toujours au professeur de formuler des commentaires. Les étudiants apprennent à travailler ensemble pour se donner mutuellement leur avis, ce qui tisse des liens entre eux », explique Mme Yeo. Des outils en ligne, comme les forums de discussion, sont utiles en ce contexte.
La technologie rend aussi le processus d’évaluation plus interactif. M. Wilson utilise la plateforme Nearpod pour permettre aux étudiants d’échanger des idées et de faire des exercices d’écriture entre pairs. D’autres entreprises, comme Top Hat, proposent des outils de sondage et de discussion auxquels les étudiants peuvent accéder sur leurs appareils mobiles. La réalité virtuelle et les technologies de simulation commencent aussi à faire partie du processus d’évaluation dans certains domaines, comme la médecine et la dentisterie. Enfin, Christopher DeLuca, professeur agrégé à la Faculté d’éducation de l’Université Queen’s, affirme que de nouveaux outils facilitant déjà l’évaluation par les pairs et en groupe au primaire et au secondaire ainsi que de nouvelles formes d’examens normalisés, comme les examens adaptatifs dont le niveau de difficulté s’ajustent au fur et à mesure, feront bientôt leur entrée à l’université.
Apprendre à apprendre
Si les professeurs trouvent difficile de changer de méthodes d’évaluation, cela tient peut-être à l’omniprésence de certaines approches dans leur domaine respectif. On tend par exemple à mesurer l’apprentissage de façon quantitative en sciences pures, alors qu’on privilégie les travaux écrits en sciences humaines. Mais selon Mme Yeo, l’utilisation systématique des mêmes vieilles méthodes encourage l’apprentissage par coeur. « Si les étudiants répètent toujours les mêmes choses, ils n’élargissent pas forcément leurs horizons et ne réfléchissent pas nécessairement à ce qu’ils en retirent. »
Pour offrir des commentaires fréquents aux étudiants et favoriser la réflexion, on doit raccourcir les échéances et les cycles de révision. M. Wilson explique que le Département de l’éducation de l’Université de la Saskatchewan a depuis longtemps abandonné les examens finaux au profit du portfolio d’apprentissage, un ensemble de documents (comme des programmes et des plans de cours) recueillis par le candidat à l’enseignement durant son parcours pour démontrer sa compétence. Et lorsqu’il donne des travaux ponctuels, M. Wilson accepte toujours les révisions. « Je permets aux étudiants de resoumettre leurs travaux. […] Ils ne le font pas tous, mais ceux qui en ont vraiment besoin peuvent le faire. »
Après avoir constaté le manque d’efficacité des commentaires, M. Mensink a décidé d’essayer de nouvelles méthodes dans ses cours à l’Université Western. Il fixe à mi-trimestre l’échéance des gros travaux afin que les étudiants aient le temps de mettre ses commentaires à profit avant la fin du trimestre. À l’Université Mount Royal, Mme Yeo rappelle aux professeurs qu’ils n’ont pas besoin de tout changer d’un coup. « Les gens ont souvent peur de bousculer les façons de faire de leur département, mais on peut se permettre d’essayer des choses nouvelles et intéressantes dans le cadre d’un travail pour voir ce que ça donne. »
Tous les spécialistes en évaluation s’entendent cependant sur un point : les commentaires doivent aider les étudiants à développer leurs capacités d’apprentissage. Les enseignants doivent donc leur dire de façon précise comment s’améliorer, par exemple en les invitant à relire certains chapitres ou à préparer leurs propres questions d’exercice. En fin de compte, selon M. Wilson, aider les étudiants à s’évaluer et à utiliser les commentaires pour réussir signifie enseigner plutôt que renseigner. « Les étudiants ont besoin de commentaires formateurs. Autrement, aussi bien leur donner une liste de sujets qu’ils pourront étudier en regardant des vidéos en ligne. Si on n’évalue pas, on n’est pas mieux que Google. »
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