Changements
climatiques : l’heure n’est plus à la prévention

Les chercheurs s'entendent pour dire qu'il est désormais temps de s'adapter.

30 octobre 2019

Cet article est un sommaire de l’article « We’re way past the point of preventing climate change, it’s time to adapt ».

Dans le milieu de la recherche sur les changements climatiques, le terme « adaptation » était autrefois à proscrire. Lorsque le Collectif des Prairies pour la recherche en adaptation a été créé à l’Université de Regina il y a 20 ans, les groupes de recherche environnementale refusaient les fonds que le centre leur allouait, se rappelle David Sauchyn, chercheur scientifique principal au Collectif. « À l’époque, les gens prétendaient que la prévention était encore possible et que promouvoir l’adaptation signifiait que l’on avait déjà capitulé », explique-t-il. Dans son livre de 1992 sur les changements climatiques, Al Gore, l’ancien vice-président des États-Unis, qualifie de « paresseuse » l’idée d’adapter entre autres les infrastructures, l’agriculture et la foresterie à un climat de plus en plus chaud.

Aujourd’hui, la plupart des climatologues conviennent qu’il est trop tard pour prévenir les changements climatiques. Les efforts d’atténuation doivent être maintenus, mais l’adaptation est maintenant considérée comme fondamentale. Au Canada, les leaders gouvernementaux et les chefs d’entreprise demandent conseil aux universités pour se préparer. Les activités de recherche sur l’adaptation aux changements climatiques connaissent un essor fulgurant.

Leur financement entraîne la création de centres de recherche, de collaborations et de programmes partout au pays. Par exemple, le Centre Intact d’adaptation au climat de l’Université de Waterloo a été mis sur pied à la fin de 2015 grâce à une subvention de 4,25 millions de dollars d’Intact Corporation financière, le plus important fournisseur d’assurance incendie, accidents et risques divers au Canada. De même, l’été dernier, les gouvernements fédéral et de l’Île-du-Prince-Édouard ont annoncé un investissement de 18,5 millions de dollars destiné à créer un centre national de recherche sur les changements climatiques et l’adaptation qui sera rattaché à l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard. Selon M. Sauchyn, « l’adaptation fait maintenant partie du vocabulaire courant ».

Les travaux de recherche sur l’adaptation visent en grande partie à brosser un tableau des changements climatiques dans une collectivité ou une région donnée. Par exemple, les inondations représentent le principal risque en milieu urbain, tandis que dans les Prairies canadiennes, la sécheresse risque de causer le plus de ravages.

M. Sauchyn précise que les activités de recherche au Collectif résultent essentiellement de demandes faites par les municipalités, les sociétés de service public et les entreprises. L’an dernier, par exemple, l’équipe a reçu l’appel d’une entreprise pétrolière et gazière qui s’inquiétait d’une éventuelle baisse marquée du niveau d’eau de la rivière Saskatchewan Nord. M. Sauchyn explique que l’entreprise, qui utilise l’eau de la rivière pour produire du pétrole, voulait connaître la probabilité de devoir chercher de nouvelles sources d’eau ou cesser ses activités plusieurs mois par année.

Une selection de photos du projet appelé Drowning World réalisé par Gideon Mendel, un photographe de l’Angleterre.

 

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Au Centre Intact de l’Université de Waterloo, le programme de protection des habitations contre les inondations est très populaire. Ce programme offre gratuitement des ressources et des documents d’information en ligne, dont un examen sur la protection des habitations contre les inondations grâce auquel les Canadiens, en répondant à des questions simples, peuvent obtenir un rapport personnalisé sur les mesures à prendre pour réduire les risques d’inondation dans leur maison. « Il s’agit souvent de mesures simples et peu coûteuses, comme la pose d’une pellicule plastique sur les puits de fenêtre, le nettoyage des gouttières et l’allongement des tuyaux de descente pluviale pour les éloigner le plus possible de la maison », précise Blair Feltmate, professeur à l’École d’environnement, d’entreprise et de développement de l’Université de Waterloo et directeur du Centre Intact.

Le gouvernement fédéral a lui aussi recours aux spécialistes de l’adaptation. En juillet, le Conseil des académies canadiennes (CAC) a publié un rapport, commandé par le Conseil du Trésor du Canada, qui attire l’attention sur les mesures d’adaptation les plus efficaces et les pièges à éviter. « Les mesures d’adaptation sont coûteuses et exigent une action stratégique », souligne Deborah Harford, directrice générale de l’équipe ACT (Adaptation to Climate Change Team) à l’Université Simon Fraser et membre de l’équipe de sept experts ayant contribué au rapport. Les experts du CAC ont ciblé 12 secteurs de risque prioritaires pour le gouvernement fédéral, parmi lesquels les infrastructures, les collectivités côtières et nordiques, la santé humaine, les écosystèmes et les pêches.

Toutefois, la création de projets de recherche à grande échelle sur l’adaptation aux changements climatiques n’entraîne pas nécessairement une mise en oeuvre des résultats sur le terrain, prévient Louise Comeau, directrice du Centre de recherche sur l’environnement et le développement durable à l’Université du Nouveau-Brunswick. Mme Comeau dit avoir été déçue, par exemple, de constater que bon nombre des propriétaires durement touchés l’an dernier par les inondations au Nouveau-Brunswick reconstruisaient leur maison de la même façon et au même endroit. « Et le gouvernement les laisse faire », ajoute-t-elle.

Enfin, il faut aussi se demander à qui l’adaptation aux changements climatiques profitera le plus. Les entreprises exploiteront-elles de nouvelles sources d’eau au détriment des collectivités locales? Les personnes instruites et aisées seront-elles les seules à avoir les moyens de protéger leur maison des inondations? « L’adaptation a été considérée jusqu’ici comme un problème de génie physique, mais ce qui manquait dans cette approche, ce sont les angles de la justice sociale, de la santé et de l’équité », soutient Mme Harford. La bonne nouvelle, ajoute-t-elle, c’est que l’équité entre de plus en plus en ligne de compte.

« Nous allons dans le bon sens, estime M. Feltmate, mais pas à la bonne vitesse. Si vous roulez sur l’autoroute dans une petite voiture et que vous voyez un gros camion arriver derrière vous à vive allure, vous avez intérêt à appuyer sur l’accélérateur. »

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