Retraction Watch garde un œil sur la science

Les deux fondateurs du site Web estiment que les avantages associés à la publication doivent changer pour éradiquer l’inconduite scientifique.

22 août 2018

Ce texte est un sommaire de l’article « Retraction Watch keeps its eye on the seamier side of academe ».

Ouvrant une fenêtre sur la publication scientifique, le blogue Retraction Watch signale les retraits d’articles scientifiques et met principalement en lumière le côté sombre du milieu universitaire, exposant les mensonges, vols et comportements frauduleux qui se cachent derrière son apparente respectabilité.

Retraction Watch a été lancé en 2010 par deux journalistes spécialisés en journalisme médical : Ivan Oransky, qui, après avoir été rédacteur en chef de plusieurs publications scientifiques, enseigne désormais cette discipline à l’Institut de journalisme Carter de l’Université de New York, et Adam Marcus, rédacteur pigiste et directeur des rédactions de Gastroenterology and Endoscopy News ainsi que d’Anesthesiology News. Tous deux ne touchent aucun salaire de la gestion de ce blogue à but non lucratif, financé par des subventions. Enregistrant chaque mois quelque 150 000 vues, Retraction Watch a récolté d’élogieuses critiques et révélé plusieurs affaires ensuite relayées par les médias du monde entier.

M. Oransky raconte qu’ils ont décidé de lancer ce blogue à la suite du scandale impliquant l’anesthésiste américain Scott Reuben, auteur de plus de 20 articles basés sur des données forgées de toutes pièces. L’affaire, qui a mené à l’incarcération du Dr Reuben dans une prison fédérale, avait été révélée par M. Marcus.

« Pour nous, les retraits ne sont pas seulement intéressants du point de vue journalistique, précise M. Oransky. Ils permettent de voir comment fonctionne ou ne fonctionne pas le milieu scientifique. J’ai donc proposé à Adam de créer un blogue sur la question, et il a tout de suite trouvé mon idée excellente. Nous ne pensions pas qu’il y aurait tant à écrire sur le sujet. Le dossier s’est révélé bien plus étoffé que nous ne l’avions imaginé. »

Les auteurs du blogue ont vite découvert que les revues n’étaient pas très efficaces en matière de retrait d’articles, et « qu’elles entretenaient un certain flou rendant difficile pour le lecteur de faire la part des choses, raconte M. Marcus. Nous avons saisi l’occasion de faire la lumière sur un problème de taille, jusqu’alors resté dans l’ombre. »

Les deux auteurs ont constaté une véritable explosion du nombre d’articles retirés : il y a eu 10 fois plus de retraits en 2012 qu’en 2004 malgré une augmentation d’à peine 40 pour cent du nombre d’articles publiés. Cette explosion tient en partie au fait que plus de gens scrutent les articles que par le passé, « mais il est clair que les cas d’inconduite se multiplient », souligne M. Oransky, qui estime que les deux tiers des retraits sont la conséquence d’inconduites. « Nous observons des tas de choses, comme la manipulation d’images, la falsification de données et le plagiat. »

Interrogé sur ce qui peut pousser un chercheur à l’inconduite, M. Oransky évoque l’obligation de devoir choisir entre publier ou tomber dans l’oubli. Les chercheurs dont le rendement est évalué en fonction de leurs publications dans des revues influentes « font ce qu’il faut pour y être publiés, explique-t-il. À cette fin, la plupart d’entre eux redoublent d’efforts et tentent de se surpasser intellectuellement. En revanche, un petit pourcentage d’entre eux décide plutôt de bâcler le travail. Et un pourcentage encore moindre le bâcle à tel point que cela se traduit en inconduite. »

Selon M. Marcus, des études indiquent que les revues très influentes procèdent à plus de retraits que celles qui jouissent d’une moins grande renommée. Les retombées liées à la publication dans des revues influentes atteignent par ailleurs une ampleur inégalée. « La publication d’un seul article dans une revue prestigieuse comme Science ou The New England Journal of Medicine peut valoir une offre d’emploi à son auteur. En Chine, les enjeux sont colossaux. Les chercheurs publiés dans des revues phares occidentales peuvent en effet obtenir d’énormes primes en argent et des emplois. Beijing exerce de vives pressions pour accentuer le prestige de la science chinoise. »

Malgré le succès de Retraction Watch, M. Marcus estime qu’on ne peut pas faire grand-chose pour éradiquer l’inconduite scientifique. « Une fois un article retiré, il faut inciter la revue concernée à faire preuve d’une transparence accrue et à préciser les raisons du retrait. Plus vite les revues procéderont aux retraits qui s’imposent, mieux la science se portera. »

M. Oransky émet quelques propositions : « Il faut mettre en place des mesures qui récompensent non seulement la publication d’articles dans des revues influentes, mais aussi le type de comportement que l’on attend réellement des chercheurs. Nous voulons le partage des données, nous voulons une science ouverte et honnête. Alors il faut récompenser tout ça. »

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