Sophie Malavoy : au cœur des sciences et de l’humain

La directrice du Coeur des sciences de l'UQAM fait de la communication son cheval de bataille.

23 janvier 2020

Née au Québec, mais de parents français, Sophie Malavoy est « une vraie hybride » selon ses dires. Elle est aussi et surtout une scientifique aguerrie et respectée dans son domaine. Depuis 2005, elle dirige le Coeur des sciences, un centre culturel scientifique développé par l’Université du Québec à Montréal. Dans un an et demi, elle prendra sa retraite après avoir œuvré plus de 30 ans dans la vulgarisation scientifique. Rencontre avec cette humaine de la science.

« Je n’avais pas de plan de match, je flottais totalement », lance simplement celle qui a quitté le Québec à 18 ans pour poursuivre des études en mathématiques et en chimie à Paris avant de revenir à Montréal à 24 ans et d’intégrer l’École Polytechnique (aujourd’hui Polytechnique Montréal). À l’époque, elle faisait déjà partie des rares femmes à oser s’aventurer dans le secteur des sciences. « On était 12 femmes sur 35 étudiants à Chimie Paris. Et à Polytechnique Montréal, il y en avait encore moins ! », se souvient Mme Malavoy qui a fréquenté les bancs de l’établissement avant la tuerie du 6 décembre 1989.

Si elle a toujours beaucoup aimé les mathématiques, elle avoue avoir longtemps été une mauvaise élève. « C’est l’attention de l’une de mes profs qui m’a donné envie de faire des études en maths », confie la sexagénaire qui croit beaucoup en l’humain, surtout dans le milieu scientifique et n’y voit aucun paradoxe.

En sortant de Polytechnique Montréal, elle a cherché un peu sa voie avant de laisser le destin décider à sa place. « J’aimais les sciences, mais je ne me voyais pas travailler dans ce domaine! Bidouiller des affaires dans des labos, ce n’était pas mon truc », raconte celle qui a fini par devenir rédactrice en chef de la revue de l’ACFAS, Interface (aujourd’hui Découvrir) de 1984 à 1998. Elle a aussi été réalisatrice à l’émission de télévision Découverte de Radio-Canada et rédactrice en chef, journaliste et réalisatrice des émissions Zone Science et Zone X à Télé-Québec.

« Ça m’allait bien, d’autant plus que durant mes études à la Polytechnique, j’avais commencé à faire un peu de journalisme. En fait, je ne sais pas pourquoi ni comment je me suis retrouvée ingénieure, car j’ai toujours aimé écrire », lance l’ingénue. « Même si j’ai divisé mon salaire d’ingénieure par 2, je referai le même choix à l’heure actuelle », raconte la passionnée qui a pris goût au journalisme en apprenant sur le terrain.

« J’ai commencé à éditer des textes, à travailler avec des chercheurs pour rendre leurs textes intelligibles : on arrivait parfois à 9 versions! J’étais assez tenace », avoue Mme Malavoy qui donne régulièrement des formations en vulgarisation scientifique. « En fait, je me suis mise à me passionner pour la science, ce qui ne m’était jamais arrivé pendant mes études ! »

« On ne donne pas le goût des sciences à l’école »

À celles et ceux qui estiment que le premier diplôme obtenu est forcément déterminant, elle répond qu’ils ont tort. « Il faut aimer ce qu’on fait et garder ses autres passions! Par un concours de circonstances, on arrive parfois à tout mettre ensemble. »

« Les études sont une base et après c’est soi-même qu’on doit développer. À l’heure actuelle, on ne donne pas le goût des sciences à l’école. Il suffirait pourtant de donner des cours de culture scientifique », estime Mme Malavoy. Elle considère que la science est partout, mais pas encore à la portée de tous.

« Au Cœur des sciences, on organise des excursions sur le terrain et parfois, des ados se révèlent, découvrent qu’ils aiment ça! Tout comme il faut lire des articles de vulgarisation scientifique, ça donne le goût de la science », insiste l’auteure du Guide pratique de vulgarisation scientifique publié par l’Acfas.

Voir les humains derrière la science

Son credo qui fait de plus en plus d’adeptes : l’interdisciplinarité et les regards croisés sur un même sujet. « Il faut parvenir à fouiller avec des regards différents », explique-t-elle avant de rebondir avec un exemple concret. « Faut-il manger de la viande ou pas? Il y a là-dedans des questions d’environnement, de nutrition, d’anthropologie, etc. C’est fascinant de mélanger les savoirs », lance Mme Malavoy qui fait du Cœur des sciences une maison culturelle scientifique interdisciplinaire.

Sa manière d’innover au Cœur des sciences ? « En continuant à rapprocher les intellectuels et les scientifiques du grand public, car il y a une sorte de rejet en ce moment. Alors il faut organiser des mêlées, même si c’est inconfortable et difficile. »

Alors, au quotidien, Mme Malavoy et son équipe accompagnent les chercheurs, au corps à corps. « Le Cœur des sciences, c’est la communication. Il y a encore des chercheurs qui arrivent avec des diapos remplies de textes dans des caractères illisibles… »

Confiante malgré tout, elle estime que la science a encore un bel avenir devant elle. « Ce n’est pas fini du tout, mais ce sont les scientifiques qui vont devoir changer les choses! Les jeunes s’y mettent, ils en veulent et savent qu’il faut multiplier les compétences. Je leur fais confiance. »

Ses conseils à celles et ceux qui voudraient prendre la relève? « Je ne crois pas à quelqu’un qui vulgarise par devoir, un bon vulgarisateur prend du plaisir à le faire. C’est beaucoup de temps d’apprendre à vulgariser! Un bon communicateur est d’abord quelqu’un d’humain », affirme Mme Malavoy qui, durant sa retraite, va continuer à faire de la formation en vulgarisation scientifique.

« Contente » du chemin qu’elle a parcouru, Mme Malavoy n’a pas dit son dernier mot, loin de là. « J’ai un projet d’écriture plus personnel… Je fonctionne par projet, j’aime ça! J’ai envie de continuer comme ça. » Ce n’est qu’un au revoir. À suivre…

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