5 choses à savoir avant de faire du conseil scientifique
Des universitaires d’expérience suggèrent quelques éléments auxquels réfléchir avant de plonger dans l’élaboration de politiques publiques.
N’interpellant qu’un fraction des universitaires, le conseil scientifique demeure une voie méconnue pour mettre à profit ses connaissances. Afin de démystifier ce pan du travail scientifique, les Fonds de recherche du Québec (FRQ) ont rassemblé quelques universitaires qui ont pris goût à cette forme d’engagement pour en discuter lors de la Conférence sur les politiques scientifiques canadiennes de l’année dernière.
Partant d’expériences diverses en matière de conseil scientifique, les cinq invité.e.s ont accepté de livrer leurs réflexions sur les moyens à privilégier pour encourager les membres de la relève à explorer cette avenue. Questionné.e.s à savoir ce que la relève devrait savoir pour être en mesure de contribuer à ce dialogue de façon significative, voici leurs suggestions d’éléments à prendre en considération avant de se lancer dans ce champ d’activités.
1. La temporalité
D’entrée de jeu, Amélie Quesnel-Vallée, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les politiques et les inégalités en matière de santé à l’Université McGill, où elle est professeure titulaire dans les facultés des arts (sociologie) et de médecine et des sciences de la santé (épidémiologie), précise que les sphères universitaires et politiques n’évoluent pas nécessairement au même rythme. « C’est important de savoir que les échéanciers ne sont pas alignés entre la recherche et la prise de décision. Ça bouge à des vitesses différentes, variables des deux côtés. » Celle-ci explique que ce sont parfois les universitaires qui ont les coudées un peu plus franches pour avancer quand, par exemple, peu de ressources sont nécessaires pour amorcer un projet et que du côté politique, le processus décisionnel tend à prendre plus de temps. Toutefois, lorsque vient le temps de faire des recommandations, elle estime que c’est plutôt l’inverse qui se produit, c’est-à-dire que le milieu politique souhaite que les recommandations soient formulées rapidement alors que les universitaires ont plutôt tendance à vouloir soupeser les possibilités avant de conseiller quoi que ce soit.
2. Le travail d’équipe
Pour Pier-André Bouchard St-Amant, professeur de finances publiques à l’École nationale d’administration publique, élaborer des politiques scientifiques sous-entend de travailler en équipe. Si certaines personnes interpréteront cela comme une occasion de mettre l’épaule à la roue, il précise que ça requiert aussi d’accepter que « certaines idées qui nous sont chères ne feront pas partie de la résultante ». Une situation qui peut être difficile à accepter lorsqu’on se spécialise dans un domaine ou qu’on travaille habituellement sur des questions extrêmement pointues. « Ça peut prendre un peu de temps pour s’habituer à ça sur le plan personnel ou sur le plan émotif, donc de savoir travailler en équipe est une dimension extrêmement importante. » M. Bouchard St-Amant conseille entre autres « d’apprendre à aborder certains sujets avec détachement », et ce, même si c’est une question pour laquelle on a une réponse qui nous est chère parce qu’on a travaillé sur la question pendant un certain nombre d’années. Si ce n’est pas possible d’aborder l’enjeu avec détachement, il faut alors se demander s’il ne serait pas préférable de laisser un.e collègue prendre le relais.
3. La primauté du politique
Chercheuse postdoctorale pour la Chaire de recherche du Canada en économie politique internationale, Pauline Pic pense qu’il y a un truc vraiment important pour un.e jeune chercheur ou chercheuse qui s’intéresse au politique et dont on n’a pas forcément conscience, c’est de se rappeler qu’une politique scientifique, c’est d’abord une politique. « La science n’est pas le seul entrant dont les politiques ont besoin et ce n’est pas la seule information dont les politiques vont se servir pour prendre la décision. » D’ailleurs, celle-ci invite les universitaires à ne pas se décourager si leurs idées ne se retrouvent pas dans la politique. « Ce n’est pas parce qu’on a l’impression que notre apport n’a pas écouté qu’il n’informera pas éventuellement d’une autre manière », souligne-t-elle.
4. La hiérarchie de la gouvernance
Après avoir travaillé avec différents organismes locaux et nationaux, Jérôme Marty, ancien directeur de projet au Conseil des académies canadiennes et directeur exécutif de l’Association internationale de recherche sur les Grands Lacs, estime que la majorité des décisions qui doivent être prises dans la société n’ont pas besoin d’impliquer les grands niveaux de gouvernance tels que les gouvernements fédéral ou provinciaux. « La majorité des décisions sont prises dans des organismes, des groupes de recherche ou à l’université. » Ainsi, selon M. Marty, il peut être avantageux pour les étudiant.e.s aux cycles supérieurs ou les jeunes diplômé.e.s qui s’intéressent à la prise de décision d’apporter leur contribution à des niveaux de gouvernance qui ne sont pas trop grands. « Quand on obtient notre diplôme, on est des spécialistes dans le domaine qu’on a étudié et la capacité de prendre des décisions [localement] est probablement assez proche de notre expertise alors que ce n’est pas le cas quand on contribue à la prise de décision à un niveau supérieur. »
5. La confiance en son expertise
Membre du Comité intersectoriel étudiant des FRQ depuis 2020 et étudiante au baccalauréat en mathématiques et physique à l’Université McGill, Simone Têtu n’en est encore qu’à ses premières expériences d’élaboration de politiques publiques. Si elle reconnaît qu’il peut y avoir des défis à intégrer des équipes qui collaborent avec les niveaux plus élevés de prise de décision, elle tient aussi à rappeler qu’il y a « des enjeux pour lesquels les étudiant.e.s sont peut-être les spécialistes, les enjeux étudiants en premier lieu ». Celle-ci invite d’ailleurs ses collègues à cultiver cette confiance envers leur propre compréhension de certaines réalités. « Il y a des choses qu’on peut se targuer de bien connaître. Ç’a une grande valeur et peut motiver des membres de la relève à s’impliquer dans le milieu des politiques scientifiques. »
Postes vedettes
- Medécine- Professeur.e et coordonnateur.rice du programme en santé mentaleUniversité de l’Ontario Français
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
- Littératures - Professeur(e) (Littérature(s) d'expression française)Université de Moncton
- Médecine - Professeur(e) adjoint(e) (communication en sciences de la santé)Université d'Ottawa
- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
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