Comment mieux soutenir la santé mentale des universitaires de rang supérieur?
Bon nombre des problèmes de santé mentale que les universités tentent de régler sont exacerbés par la fierté des universitaires eux-mêmes.
Dans mon dernier billet consacré à la culture du « travail soutenu » qui prévaut dans les laboratoires du monde entier, je fais allusion aux problèmes de santé mentale qu’une telle culture professionnelle peut engendrer. Cela ne veut pas dire que ceux qui travaillent dur sont tous condamnés à l’épuisement professionnel, mais on observe depuis cinq ans environ une nette augmentation du temps, des investissements et des discussions consacrés à lutter contre les problèmes de santé mentale des étudiants, du personnel, des chercheurs en début de carrière et des universitaires de rang supérieur.
En 2018, Universities UK a publié un rapport intitulé Minding our future: starting a conversation about the support of student mental health, qui constitue pour ceux qui ne l’ont pas fait un excellent moyen (rapide en plus!) de réfléchir au nouvel accent mis sur la santé mentale. Ce rapport vise avant tout à amorcer une discussion sur le sujet en expliquant que même si la solution miracle n’existe pas, il est essentiel de cerner les grands enjeux pour mieux soutenir les étudiants, les chargés de cours et les chercheurs. Deux faits importants ressortent du rapport :
1) Plus de la moitié de la population actuelle du Royaume-Uni fréquentera l’université d’ici ses 30 ans. Les étudiants forment donc une plus grande partie de la collectivité que jamais.
2) Un nombre croissant d’étudiants informent leur établissement d’enseignement supérieur qu’ils sont aux prises avec un problème de santé mentale.
Entre 2008 et 2016, la divulgation de ce type de problème a été multipliée par 6,4 chez les étudiants aux cycles supérieurs, et par 5,8 chez les étudiants au premier cycle. Si les optimistes peuvent y voir un signe que les étudiants sont moins réticents qu’avant à en parler, les pessimistes peuvent en revanche considérer que ces chiffres témoignent d’un taux alarmant de problèmes de santé mentale chez la jeune génération. Quoi qu’il en soit, au Royaume-Uni, au moins 56 000 étudiants (répartis dans 165 établissements) présentent des problèmes de santé mentale, ce qui veut dire que des centaines, voire des milliers, d’étudiants de CHAQUE établissement ont à ce jour reconnu avoir de tels problèmes. L’ampleur du soutien dont ils bénéficient est toutefois très variable. Je n’ai pas consulté tous les chiffres au Canada, mais je sais qu’au moins un rapport ontarien fait état de tendances comparables en termes de divulgation et de soutien. (Si vous connaissez les chiffres canadiens, merci de nous en faire part!)
Nous avons par le passé beaucoup publié d’articles anecdotiques ou superficiels sur la question, dont ceux de Sabrina Zeddies sur l’effondrement postdoctoral. Nous avons de plus aidé à faire connaître les stratégies menées pour favoriser la santé mentale et la culture de la recherche. Même si les efforts déployés pour améliorer la prise en charge des problèmes de santé mentale portent déjà leurs fruits chez beaucoup, il sera difficile de trouver des solutions aux problèmes de ce type qui touchent les universitaires de rang supérieur.
L’auto-identification passive ne suffit pas
Il semble que la grande majorité des actions en matière de santé mentale consistent à proposer des services aux personnes qui pensent en avoir besoin. Or, les universitaires ne sont guère enclins à avouer leurs faiblesses, nombre d’entre eux ayant passé des années à apprendre à les dissimuler pour obtenir un poste. Dans Times Higher Education, une universitaire atteinte de dépression admet cacher son état par crainte que sa révélation lui nuise. Ces quelques lignes en disent long :
« Le mieux qui peut arriver à ceux qui parlent de leur maladie est d’être perçus comme émotionnellement faibles par leurs collègues. La plupart du temps, la maladie est tout bonnement ignorée. La dépression est en effet très souvent assimilée à un manque de ressources internes, à l’incapacité de saisir les occasions, ou encore à une aliénation suscitée par la marchandisation des universités ou à un symptôme de celle-ci. »
Il est irréaliste d’attendre des professeurs de rang supérieur qu’ils avouent leurs problèmes de santé mentale et demandent de l’aide. Certains d’entre eux n’imaginent pas pouvoir obtenir de l’aide à la hauteur de leur intelligence et ne voient donc aucune raison de s’engager dans ce processus.
Que peut-on faire pour repérer ou soutenir les personnes qui ne demandent pas d’aide?
Il semble que la plupart des universités fassent appel à des tiers pour offrir un service de soutien téléphonique en tout temps au personnel en crise, l’aiguiller vers les services d’urgence ou lui permettre de consulter rapidement. Mais les services de ce type peuvent poser problème. D’une part, ils ne visent généralement qu’à aider les gens à être plus productifs au travail. D’autre part, ils sont rarement assez spécialisés pour être utiles aux chercheurs universitaires et prendre en compte les facteurs de stress particuliers auxquels ils sont confrontés. Cela dit, ces services ont l’avantage de permettre aux universités de montrer qu’elles se soucient de leur personnel.
En revanche, certains départements et universités, hélas trop peu nombreux, tentent d’offrir un soutien plus pertinent à leurs chercheurs et y parviennent. En voici deux exemples :
1) Soutien par les pairs – Ce soutien, qui peut prendre la forme d’un mentorat formel ou de discussions informelles, vise à permettre aux participants d’apprendre de l’expérience de ceux qui ont vécu la même chose. Mais le tout repose grandement sur la bonne volonté des pairs en question, qui peuvent être tentés de venir ou non en aide à des collègues en fonction de leurs liens avec eux, de leur parcours ou de leur statut au sein du département.
2) Intégration des mécanismes de soutien dans des cadres formels – La plupart des départements et instituts organisent régulièrement pour la haute direction des réunions obligatoires qui sont d’excellentes occasions d’aborder des sujets d’ordinaire passés sous silence. Beaucoup d’entre nous parlent de libre accès, d’égalité, de diversité et d’engagement public. Pourquoi ne parlerions-nous pas aussi de gestion d’équipe, de problèmes de ressources humaines ou de services de counseling?
Il reste beaucoup à faire pour apporter au personnel universitaire le soutien nécessaire en matière de santé mentale, d’autant plus que ces problèmes semblent exacerbés par la fierté des universitaires eux-mêmes. Comme l’un d’eux l’écrivait avec courage dans un article paru récemment dans eLife :
« En réalité, nous sommes comme nos étudiants, fréquemment confrontés au stress, à la peur, à l’insécurité, ainsi qu’à l’anxiété, à la dépression et à l’épuisement professionnel. […] Beaucoup de professeurs croient qu’admettre souffrir de stress ou d’une crise de santé mentale serait une erreur. »
David Kent est chercheur principal à I’Institut de recherche biomédicale de l’Université de York, au Royaume-Uni. Formé à l’Université Western et à l’Université de la Colombie-Britannique, il a ensuite passé dix ans à l’Université de Cambridge, au Royaume-Uni, où il a dirigé son propre groupe de recherche jusqu’en 2019. Ses travaux portent essentiellement sur la biologie fondamentale des cellules souches du sang et sur la manière dont leur dérèglement provoque des cancers. M. Kent œuvre depuis longtemps à l’information et à la sensibilisation du public, comme en atteste la création de son blogue The Black Hole en 2009.
Postes vedettes
- Medécine- Professeur.e et coordonnateur.rice du programme en santé mentaleUniversité de l’Ontario Français
- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
- Littératures - Professeur(e) (Littérature(s) d'expression française)Université de Moncton
- Médecine - Professeur(e) adjoint(e) (communication en sciences de la santé)Université d'Ottawa
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
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