L’enseignement et l’apprentissage centrés sur l’humain à l’ère de l’IA
L'humain au cœur de la mission universitaire.
L’intelligence artificielle (IA) pousse les têtes dirigeantes, le corps professoral et la population étudiante à réinventer les universités. À quoi ressemblera le secteur de l’enseignement supérieur dans dix ans? En 2035, les établissements feront-ils les mêmes choses de la même manière qu’aujourd’hui? Si le changement est inévitable, comment peut-on l’orienter de manière à renforcer la mission universitaire?
Pour réfléchir à ces questions, je me suis encore une fois entretenu avec Christie Schultz, doyenne du Centre de formation continue à l’Université de Regina et éminente chercheuse dans le domaine du leadership axé sur le soin et l’enseignement supérieur. Dans cet article, Christie et moi discutons de la manière dont notre secteur peut s’adapter aux défis qui découlent de l’IA tout en renforçant son engagement envers l’excellence en enseignement et en apprentissage.
Les universités sont des lieux propices à la création de savoirs et à l’épanouissement des êtres humains
Les universités sont bien placées dans la société pour favoriser la croissance et le développement des êtres humains en transmettant, en préservant et en faisant progresser les savoirs. En effet, comme le veut la pédagogie de John Dewey, nous apprenons non seulement de l’expérience, mais aussi de son étude et de sa mise en application pour produire de nouvelles idées et possibilités. Idéalement, les universités sont aussi des lieux d’épanouissement, qui aident les êtres humains à vivre en adéquation avec leurs valeurs et leurs aspirations.
Dans les années à venir, les occasions ne manqueront pas d’utiliser l’IA générative, la robotique et l’automatisation pour remplacer le travail humain par la technologie. Comme tous les autres secteurs, les universités ne devront saisir que les occasions qui leur sont avantageuses – en évaluant et en établissant ce qu’elles valorisent collectivement – et rejeter celles qui contreviennent à leur vocation en matière de création de savoirs et d’épanouissement des êtres humains.
Pour commencer, il faut reconnaître que les êtres humains sont le principal atout dont disposent les universités pour atteindre leurs objectifs. Des aspects cruciaux de la création de savoirs sont relationnels : l’enseignement, le mentorat, le leadership, l’encadrement, le soin, la prestation de conseils et la collaboration. D’autres sont idéationnels : l’identification de problèmes et d’occasions, la recherche, la mise en commun des connaissances, le travail artistique, l’entrepreneuriat, l’innovation et la créativité. Ce sont les membres du corps professoral, les stagiaires postdoctoraux, les chercheuses et chercheurs, les membres du personnel et la population étudiante qui, ensemble, effectuent le travail de création de savoirs de l’université.
Nous estimons que le travail sur lequel se fonde la mission des universités doit être réalisé par des êtres humains.
C’est pourquoi les universités doivent délibérément se centrer sur l’humain, ainsi qu’investir dans le travail qui nécessite une intervention humaine et le promouvoir. Si l’IA et la technologie fournissent indubitablement des outils, le travail relationnel et idéationnel ne peut pas et ne devrait pas être réalisé sans que des êtres humains y jouent un rôle central. Peter Felten et Leo M. Lambert soutiennent que les relations et le contact humain jouent un rôle déterminant dans l’apprentissage; nous sommes d’accord, et ajoutons qu’ils jouent selon nous un rôle tout aussi déterminant dans la créativité et l’innovation qui stimulent l’avancement des connaissances.
Ce sont dans les sphères non relationnelles et non idéationnelles que l’IA et la technologie devraient entrer en jeu. On pourrait par exemple utiliser l’IA pour faciliter la création d’une grille d’évaluation, préparer une ébauche de programme d’études ou accélérer l’élaboration du matériel associé à l’admission ou à l’examen de candidatures pour une bourse. Les êtres humains restent au cœur du processus – ils supervisent essentiellement l’IA et les robots – et l’intervention humaine dans les tâches les plus facilement automatisables est minimisée. Là encore, ces décisions doivent être prises en tenant compte des valeurs de l’université et de sa mission globale.
Par ailleurs, les universités peuvent s’employer à créer des milieux humains qui favorisent le travail relationnel et idéationnel. Elles doivent pour ce faire porter attention aux espaces et aux lieux de connexion comme les salles de classe, les bibliothèques, les cafés, les salons et les salles à manger, ainsi que favoriser et multiplier les occasions de tisser des liens spontanément en personne.
Les professeures et professeurs peuvent contribuer à faire de l’université un lieu centré sur l’humain par leur enseignement et la conception de leur programme. Nous pouvons ainsi nous assurer que nos cours – qu’ils aient lieu en personne ou en ligne – favorisent l’engagement et l’inclusion. Les outils d’IA étant plus répandus, les professeures et professeurs peuvent saisir l’occasion de renforcer les compétences humaines de leurs étudiantes et étudiants, notamment en matière d’écoute efficace, de travail d’équipe et de compétences interculturelles. Les membres du corps enseignant peuvent enseigner explicitement aux étudiantes et étudiants en quoi la lecture, l’écriture et la compréhension des limites des données font progresser leur esprit critique, ce qui les prépare à assumer leur rôle de citoyennes et citoyens.
Considérons le moment présent comme une occasion d’épanouissement
Les changements technologiques modifient les attentes et les possibilités quant à la manière dont les universités transmettent, préservent et font progresser le savoir. Dans un contexte financier difficile, les bouleversements découlant de l’automatisation et de l’IA forcent les universités à repenser leurs pratiques, leurs façons de faire, leurs valeurs et leur manière de les incarner.
Certaines universités chercheront simplement à préserver leurs pratiques et leurs façons de faire, en se servant de l’IA pour diminuer leurs charges d’exploitation tout en encadrant l’utilisation étudiante de cette technologie. Il s’agit selon nous d’une occasion ratée. Les universités pourraient également adopter une approche s’appuyant sur le contraste, mis en lumière par Jessica Riddell, entre résilience et épanouissement. Confronté à un défi, un établissement résilient prend du recul puis rebondit. Un établissement axé sur l’épanouissement se sert des défis pour s’engager plus résolument à concrétiser sa mission. Nous privilégions un état d’esprit fondé sur l’épanouissement pour affronter les défis actuels, qui touchent l’ensemble du secteur.
Autrement dit, nous considérons le moment présent comme une occasion pour les universités de s’épanouir. Posons alors les questions difficiles : comment les activités d’enseignement, de recherche et d’engagement des universités bénéficient-elles à la société? En quoi les établissements d’enseignement supérieur améliorent-ils les collectivités, les provinces et le Canada en entier? Pourquoi est-il essentiel de transmettre, de préserver et de faire progresser les connaissances? Servons-nous des réponses à ces questions pour renforcer nos missions et notre secteur. Définissons avec ambition notre identité et nos contributions.
La plus grande richesse des universités, ce sont les êtres humains. Le moment est venu d’établir des universités centrées sur eux et de favoriser leur épanouissement.
Postes vedettes
- Sociologie - Professeure ou professeur (méthodologie quantitative)Université Laval
- Sciences de la terre et de l'environnement - Professeure adjointe ou professeur adjoint (hydrogéologie ou hydrologie)Université d'Ottawa
- Aménagement - Professeure adjointe / agrégée ou professeur adjoint / agrégé (design d’intérieur)Université de Montréal
- Génie - Professeures ou professeurs (génie électrique, systèmes embarqués)École de technologie supérieure
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