Études supérieures en arts : il est temps de penser au développement des talents
On ne prépare pas adéquatement les étudiantes et étudiants au marché du travail. Il faut que ça change.
Les études supérieures en arts au Canada ont besoin d’un bon remaniement. En sciences humaines et sociales, les programmes de maîtrise et de doctorat préparent à des carrières universitaires réservées à une infime minorité ou ignorent carrément les réalités du marché, ce qui rend la transition particulièrement difficile pour les étudiantes et étudiants fraîchement diplômés. Il est temps pour les départements de réfléchir sérieusement à la situation.
Dans notre dernier livre, intitulé For the Public Good: Reimagining Arts Graduate Programs in Canadian Universities, Jonathan Malloy, Lisa Young et moi expliquons, données à l’appui, pourquoi le modèle actuel d’études supérieures en arts ne fonctionne pas :
- Moins d’un quart des titulaires de maîtrise et de doctorat considèrent avoir reçu une formation professionnelle de qualité (édition 2019 de l’enquête auprès des étudiants à la maîtrise et au doctorat; analyse par les auteurs).
- Le taux d’emploi trois ans après l’obtention du diplôme baisse avec l’augmentation du niveau de scolarité (Statistique Canada, 2020).
- Même si beaucoup de candidates et candidats entament leur doctorat avec l’objectif de travailler à l’université, la plupart finiront par occuper un emploi dans un autre milieu, pour lequel on les a peu ou pas formés.
Et ce ne sont pas les seuls problèmes. Par conséquent, mes co-auteurs et moi-même en appelons à une révision complète des programmes d’études supérieures en arts. Plus précisément, nous demandons aux départements de sciences humaines et sociales de repenser leurs programmes d’études supérieures pour les axer sur les besoins réels de la population étudiante, le perfectionnement efficace et inclusif des talents et les principaux enjeux de bien public. Pour ce faire, nous proposons le modèle « IDÉES » (Inclusif, Délibéré, centré sur la population Étudiante, Efficace, Sensible au développement des talents), ou « EDITS » dans le livre. Cette semaine, nous nous attarderons surtout à la nécessité de développer les talents.
Comment un programme d’études supérieures peut-il « développer les talents »?
Le Canada a besoin de talents spécialisés pour répondre aux besoins sociaux et économiques que l’intelligence artificielle ne peut pas combler. Ces compétences pointues nécessitent la maîtrise d’au moins une des trois « nouvelles littératies » nécessaires à l’économie technologique, selon Joseph E. Aoun :
- La littératie humaine, soit la capacité à s’adapter au contexte social, à communiquer efficacement et à collaborer. (J’en donne un exemple dans un article en anglais intitulé « Why universities need to include intercultural skill development in curricula », paru en mars 2023.)
- La littératie des données, soit la capacité à utiliser les données avec efficacité et discernement. (J’en donne un exemple dans un article en anglais intitulé « Teaching students how to work with and understand the limits of data », paru en avril 2023.)
- La littératie technologique, soit la capacité à utiliser les technologies, à exploiter ses compétences en numératie et en conception créative et à repérer les possibilités d’amélioration des processus. (J’en donne un exemple dans un article en anglais intitulé « Skills training in the age of rapid technological change », paru en février 2023.)
Pour développer les talents, un programme de cycle supérieur doit délibérément et explicitement favoriser l’acquisition et l’application des connaissances dans au moins un des trois domaines de littératie mentionnés. Le développement des talents doit donc faire partie des objectifs d’apprentissage du programme et se concrétiser dans les objectifs des cours eux-mêmes. Il ne suffit pas d’affirmer que les étudiantes et étudiants acquièrent une pensée critique et des compétences en communication, en supposant que le processus se fait de lui-même au cours du passage à l’université. Dans un programme qui aide à développer les talents, on doit explicitement enseigner et évaluer ces compétences en littératie.
Évaluer l’efficacité de vos programmes pour le développement des talents
Dans notre livre, nous proposons une grille qui permet d’évaluer les programmes selon les critères du modèle IDÉES, qui ont chacun leurs sous-critères. Par exemple, le critère « sensible au développement des talents » a cinq sous-critères :
- Objectifs d’apprentissage du programme
- Objectifs d’apprentissage du cours
- Auxiliaires
- Évaluation
- Lien avec le monde extérieur
Les professeures et professeurs peuvent rapidement évaluer le degré de développement des talents dans leur programme en comparant les objectifs de celui-ci à ceux de la grille, et s’en servir pour proposer des changements qui rendraient le programme satisfaisant, ou mieux encore, bon ou excellent. Prenons par exemple le sous-critère « objectifs d’apprentissage du programme ». Selon notre grille, un programme qui n’inclut pas de compétences en littératie dans ses objectifs est considéré comme insatisfaisant. En ajoutant des compétences en littératie aux objectifs du programme, on rehausse ses capacités en développement des talents.
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Pour participer à la discussion sur les études supérieures en arts, inscrivez-vous à notre infolettre Substack gratuite (en anglais), « Reimagining Graduate Education », ou faites-nous part de votre point de vue en commentaires. Pour d’autres conseils sur l’enseignement, la rédaction et la gestion du temps, consultez mon blogue Substack (en anglais), Academia Made Easier.
J’ai hâte de vous lire. À la prochaine, et portez-vous bien.
Postes vedettes
- Médecine - Professeur(e) adjoint(e) (communication en sciences de la santé)Université d'Ottawa
- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
- Medécine- Professeur.e et coordonnateur.rice du programme en santé mentaleUniversité de l’Ontario Français
- Doyen(ne), Faculté de médecine et des sciences de la santéUniversité de Sherbrooke
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1 Commentaires
Bonjour, Je suis perplexe car il me semble que le titre français de cet article porte à confusion. En français, je ne crois pas qu’on emploie le terme « art » pour désigner les programmes en sciences humaines. En lisant votre titre, j’ai cru que le sujet traiterait des programmes en arts visuels, ce qui n’est clairement pas le cas. Mais n’étant pas traductrice, je n’ose vous dire qu’il s’agit là d’une erreur. J’aimerais toutefois lire une explication de vos spécialistes sur le sujet.
Merci de partager les résultats sommaires de votre étude et de proposer un groupe de discussion sur un sujet toujours d’actualité.
P. S. Si je peux me permettre une suggestion. N’oubliez pas de souligner à quel point les compétences linguistiques, bilinguisme et multilinguisme, sont très utiles pour une carrière post-universitaire.