Les titulaires de doctorat et la précarité

La précarité est indissociable de notre culture professionnelle, mais une fois compris, les défis qu’elle pose peuvent être surmontés.

25 mai 2018

À la fin du mois de mars, les ministres du Travail du G7 ont tenu une rencontre de deux jours pour discuter des perturbations du marché mondial du travail liées à l’économie à la demande. Internet et les avancées technologiques ont incontestablement transformé notre manière de travailler, le type de travail que nous effectuons et même les lieux et les moments où nous travaillons. Ces évolutions technologiques sont toutefois peu de choses par rapport aux énormes changements à venir. L’automatisation, qui comprend entre autres les logiciels, devrait avoir une incidence sur 15 pour cent de la main-d’œuvre mondiale. La plus grande préoccupation concerne l’emploi contractuel qui, selon certaines études, touchera 40 pour cent de la main-d’œuvre mondiale.

Pour les titulaires de doctorat, la notion d’emploi précaire n’est pas nouvelle. Chaque nouveau titulaire de doctorat se pose les mêmes questions. Devrais-je poursuivre des études postdoctorales et reporter ma recherche d’emploi? Devrais-je donner les cours qu’on me propose et devenir chargé de cours, dans l’espoir d’obtenir un poste permanent? Le milieu universitaire a en quelque sorte fait office de marché test pour l’économie à la demande, et le résultat n’est pas encourageant. La situation se caractérise par des mesures syndicales, des conflits constants ainsi que des appels à la réforme de la part des chargés de cours et des étudiants. Rentable à court terme, la pratique consistant à offrir des contrats peu rémunérés à du personnel enseignant hautement qualifié ne semble toutefois pas près de disparaître.

Le personnel enseignant n’est pas le seul touché par la vague contractuelle. Pour les étudiants aux cycles supérieurs qui aspirent à un avenir plus stable hors du milieu universitaire, les prédictions en matière d’emploi et d’embauche peuvent être décourageantes à l’heure où la précarité devient la norme. Si l’on considère que jusqu’à 40 pour cent de la main-d’œuvre mondiale devra aller de contrat en contrat, quitter le milieu universitaire en vaut-il toujours la peine?

Bien sûr! Inversons l’équation. Si 40 pour cent des employés deviennent d’ici peu contractuels, 60 pour cent devraient en toute logique conserver leur statut. On ne pourrait évidemment parler de crise de l’embauche universitaire si 60 pour cent des titulaires de doctorat, toutes disciplines confondues, obtenaient chaque année un poste menant à la permanence. Poussons le raisonnement plus loin. Certaines disciplines sont plus menacées que d’autres par l’emploi contractuel. Le secteur technologique, le Saint-Graal des gouvernements et de l’industrie, regroupe un certain nombre de professions axées sur la réalisation de projets. Création de nouveaux sites Web? Modification de systèmes organisationnels? Modernisation d’infrastructure? Les organisations qui mènent de tels projets risquent d’embaucher des employés contractuels jusqu’à ce que la transition soit achevée. Il existe d’ailleurs un certain nombre de sites d’emploi consacrés aux contrats et aux projets dans le secteur technologique qui aident les employeurs à entrer en relation avec les bonnes personnes.

Le secteur à but non lucratif n’est pas non plus à l’abri de l’emploi contractuel. La dotation constitue l’une des principales défenses des organisations de ce secteur. Comme elles sont souvent financées par des subventions, des propositions de projets et des collectes de fonds, il est fréquent que ces organisations embauchent du personnel dont le contrat peut ensuite être renouvelé année après année tant que le financement le permet.

Il est clair que tous les contrats ne se valent pas. Que peuvent donc faire les titulaires de doctorat pour se protéger et se doter d’un plan de carrière solide et judicieux? Voici trois petits conseils.

Ciblez les employeurs intéressants

VousCiblez avez l’occasion de mettre en pratique vos compétences durement acquises en matière de recherche. Les rapports du secteur, les enquêtes réalisées dans votre domaine professionnel, les annuaires d’entreprises de votre région et LinkedIn peuvent vous aider à dresser une liste d’employeurs susceptibles de vous rémunérer pour ce que vous souhaitez faire. Si la sécurité d’emploi est votre préoccupation première, renseignez-vous sur chaque employeur inscrit sur votre liste pour connaître ses pratiques d’embauche et décider de lui soumettre ou non votre candidature. Si un employeur vous semble privilégier l’embauche d’employés contractuels, rien ne vous empêche de passer au suivant.

Renseignez-vous sur votre profession et votre secteur

Commencez par interroger les membres de votre réseau pour connaître les pratiques d’embauche des organisations. Si vous n’avez pas encore de relations dans le domaine que vous avez choisi, demandez à votre association d’anciens si certains de ses membres travaillent dans votre domaine. Même si votre réseau initial paraît modeste, ne vous inquiétez pas : demandez simplement à vos relations de vous référer à d’autres personnes. Il suffit de connaître quelques personnes au départ et d’obtenir de l’information privilégiée pour connaître les pratiques d’embauche.

Élaborez un plan quinquennal souple

Il est peu probable que votre premier poste hors du milieu universitaire corresponde à l’emploi de vos rêves. C’est rarement le cas. Toutefois, si vous recherchez un premier emploi pour être en mesure de payer vos factures, de bâtir votre réseau, d’améliorer vos compétences et de démontrer vos aptitudes professionnelles, un poste contractuel n’est pas forcément une mauvaise affaire. Après avoir discuté avec vos relations du secteur, vous constaterez peut-être que les organisations préfèrent recruter comme employés permanents des personnes ayant déjà quelques années d’expérience dans leur domaine. Si tel est le cas dans votre profession, n’hésitez pas à élaborer un plan de perfectionnement professionnel, de formation et de réseautage. Il est rare que les employés contractuels se voient offrir des occasions de perfectionnement professionnel. Il vous faudra donc veiller vous-même à progresser professionnellement et à acquérir de nouvelles compétences. Élaborer un plan pourra vous aider à convaincre un futur employeur de vos mérites. En cas d’échec, persévérez. Votre plan doit être mis à jour régulièrement et pouvoir être adapté aux diverses occasions qui se présenteront pendant les premières années de votre carrière.

Malgré les difficultés auxquelles ils sont confrontés hors du milieu universitaire, les titulaires de doctorat sont particulièrement qualifiés pour relever les défis liés à l’emploi contractuel. La précarité est indissociable de notre culture professionnelle, mais une fois compris, les défis qu’elle pose peuvent être surmontés.

Catherine Maybrey, Ph. D. CDP, est propriétaire et gestionnaire de CM Coaching Services. Après avoir obtenu en 2005 un doctorat en histoire, elle a connu les joies et les peines d’avoir à acquérir une nouvelle formation en passant du milieu universitaire à celui du développement de carrière. Forte de 10 ans d’expérience dans ce domaine, Mme Maybrey a travaillé auprès d’organisations et d’universités canadiennes et américaines ainsi qu’avec des particuliers, leur proposant des programmes d’accompagnement professionnel et des services de développement de carrière personnalisés et de grande qualité.

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