Quand la recherche prend la forme de balados
La valorisation de formats alternatifs de communication savante ouvre la porte à des méthodes novatrices de création et de diffusion du savoir.
Bien que les établissements d’enseignement canadiens soient des entités publiques, le savoir reste souvent inaccessible aux cercles non universitaires. Entre les verrous d’accès payant et le jargon technique, la recherche évaluée par les pairs – la principale contribution du milieu universitaire – est souvent hors de portée. Ces barrières sont d’autant plus importantes pour les personnes racisées, autochtones et LGBTQIA2S+, qui restent marginalisées dans les espaces universitaires.
Or, la recherche touche souvent à des enjeux politiques contemporains – par exemple la liberté d’expression, le populisme, les droits de la personne et la décolonisation – qui sont des sujets d’intérêt public majeurs. En limitant l’accès à ces discussions, les établissements et les éditeurs agissent comme des gardiens du savoir au détriment de l’échange communautaire et du dialogue pluraliste.
Il est donc essentiel que les universitaires mobilisent le savoir à travers des canaux accessibles pour renforcer, et non entraver, le dialogue entre le milieu universitaire et le public canadien.
En tant que jeunes chercheurs et chercheuses en sciences politiques, nous plaidons pour une diversification des supports de diffusion du savoir – notamment avec les balados – pour enrichir et éclairer le débat public. Au cours de la dernière décennie, les balados se sont imposés comme un moyen de communication privilégié pour des raisons évidentes : ils sont accessibles, divertissants et pratiques. Leur facilité de production permet aussi aux créateurs et créatrices de toucher un vaste public. C’est pourquoi les universitaires y recourent de plus en plus souvent.
Nous en sommes deux exemples. En partenariat avec le Centre d’études constitutionnelles de l’Université de l’Alberta, nous avons récemment élaboré une minisérie de balados collaborative intitulée Extremism, Polarization, and the Future of Democracy. Cette série fait intervenir des militant.e.s, des cinéastes, des journalistes et des universitaires pour comprendre les phénomènes jumeaux de l’extrémisme politique et de la polarisation.
Nous avons utilisé les questions posées par des étudiant.e.s d’un cours d’études politiques de troisième année à l’Université Queen’s pour créer nos scripts d’entrevue. Les travaux de nos invité.e.s faisaient partie de la matière du cours. Cette démarche a transformé les étudiant.e.s en collaborateur.trice.s dans la mobilisation des connaissances, affinant leurs compétences analytiques et valorisant leurs contributions dans un format ouvert à toutes et à tous. Nous avons ainsi créé une ressource pédagogique précieuse pour les versions ultérieures du cours et un savoir accessible qui fait le pont entre différents milieux.
Utiliser des vecteurs publics de diffusion des connaissances comme les balados offre des avantages significatifs pour le discours public et universitaire. Bien que les nouveaux médias puissent parfois être critiqués parce qu’ils contournent les canaux d’information traditionnels comme le journalisme et peuvent générer de l’information de moindre qualité, les chercheurs et chercheuses – largement perçu.e.s comme des sources d’information fiables –, peuvent apporter une contribution essentielle à un débat public de plus en plus médiatisé. Les balados offrent aussi un moyen de responsabiliser les médias traditionnels, en apportant des perspectives critiques et diversifiées. En tant qu’universitaires, nous avons l’occasion unique d’enrichir le discours public avec des analyses approfondies.
En outre, les balados, en tant que moyen de diffusion du savoir, jouent un rôle clé dans la lutte contre les barrières universitaires en ouvrant la voie à une reconnaissance plus large de ce qui constitue une contribution de recherche valable. Les établissements opposent traditionnellement la « recherche universitaire » à la « recherche publique », cette dernière étant souvent considérée comme moins rigoureuse en raison de l’absence de révision par les pairs. Pourtant, le contenu de cette dernière est souvent tout aussi substantiel que celui des articles scientifiques et touche un public bien plus vaste. Reconnaître la baladodiffusion comme une contribution de recherche légitime constitue l’une des façons de lutter contre les hiérarchies disciplinaires qui privilégient certains modes d’enquête. Cela incite également tout le milieu universitaire à se questionner sur le public cible et les objectifs de ses recherches.
Repenser les critères d’une recherche valide pourrait soulager la pression énorme subie par les étudiant.e.s aux cycles supérieurs ainsi que les chercheurs et chercheuses en début de carrière, qui doivent publier fréquemment pour espérer obtenir un emploi sur le marché très compétitif. L’approche actuelle privilégiant la quantité de publications sur la qualité peut conduire à des pratiques douteuses, voire à la falsification de données dans les cas extrêmes. De plus, les balados peuvent bénéficier d’une évaluation par les pairs : Les presses de l’Université Wilfrid Laurier ont récemment mis en place un projet pilote d’évaluation par les pairs financé par le Conseil de recherches en sciences humaines, qui porte sur trois saisons du balado Secret Feminist Agenda, animé par Hannah McGregor, professeure d’édition agrégée à l’Université Simon Fraser.
Nous sommes bien conscient.e.s que les articles revus par les pairs sont un pilier universitaire. Cependant, il est essentiel que le milieu valorise une diversité de contributions, en particulier celles qui encouragent un dialogue bénéfique pour la société. Nous y trouvons aussi notre compte : en élaborant un savoir à la fois pertinent et accessible, nous affinons nos compétences communicationnelles et augmentons l’incidence de nos recherches. Cela nous permet aussi de découvrir une multitude de perspectives. Bien loin d’affaiblir la vocation universitaire, la diffusion du savoir en accès libre est en parfait accord avec notre mission première : forger une communauté et un dialogue pluraliste pour faire face aux enjeux majeurs de notre époque.
Kaitie Jourdeuil est doctorante au Département des études politiques de l’Université Queen’s. Dax D’Orazio est chercheur postdoctoral au Département des études politiques de l’Université Queen’s.
Postes vedettes
- Littératures - Professeur(e) (Littérature(s) d'expression française)Université de Moncton
- Médecine - Professeur(e) adjoint(e) (communication en sciences de la santé)Université d'Ottawa
- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
- Medécine- Professeur.e et coordonnateur.rice du programme en santé mentaleUniversité de l’Ontario Français
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