Se faire réviser : quand et pourquoi?
Les études montrent que les articles et manuscrits soumis à une révision professionnelle sont mieux appréciés par les pairs.
Question : J’ai le privilège d’être en congé sabbatique cette année, et j’en profite pour retravailler ma thèse dans le but d’écrire mon premier livre. Je sais que je devrais sûrement embaucher une réviseure ou un réviseur pour m’aider, mais le projet avance déjà lentement, et je crains que cela prenne encore plus de temps. Comment savoir si c’est la bonne chose à faire?
– Anonyme, histoire de l’art
Réponse :
Cela me surprendrait que la révision professionnelle vous ralentisse. Les réviseures et réviseurs font leurs suggestions directement dans votre texte, ce qui vous guidera dans la communication optimale de vos idées et vous donnera des idées de reformulations pour que les points les plus importants soient placés aux meilleurs endroits de vos phrases et paragraphes. Les universitaires ont l’habitude de laisser leurs commentaires dans les marges, mais en révision professionnelle, ces changements sont faits pour vous. Le gros du travail sera fait à votre place.
Si l’idée de confier votre œuvre à une autre personne vous intimide, vous pouvez utiliser les Principes directeurs en révision professionnelle de Réviseurs Canada pour délimiter l’ampleur des interventions possibles. Si vous souhaitez que la révision porte seulement sur la qualité du langage, sans toucher à la structure, ou si vous voulez faire peaufiner votre texte sans rien y ajouter, ce sont des contraintes valables que vous pouvez imposer.
Si la dernière personne avec qui vous avez travaillé vous a compliqué la tâche (par exemple, en faisant des « corrections » inappropriées qui changent le sens du passage ou en imposant des changements qui vous semblent inadéquats), cela ne veut pas dire que ce sera pareil la prochaine fois. Je vous recommande de chercher parmi les membres de Réviseurs Canada. Vous augmenterez ainsi vos chances de trouver une professionnelle ou un professionnel d’expérience, formé et hautement qualifié.
Comme j’ai déjà rédigé un article qui parle de l’embauche d’une réviseure ou un réviseur, je me concentre ici sur le « pourquoi » et le « quand ».
Pourquoi
Faites-vous réviser si vous en avez les moyens, par exemple si vous touchez des fonds de lancement annuels en lien avec votre nomination à un poste menant à la permanence, que vous pouvez utiliser à votre guise.
« Quand on impose aux professeures et professeurs les frais d’une révision, on leur refile le coût du travail », dit Justin Leifso, politologue à l’Université de Victoria. M. Leifso connaît l’utilité de la révision universitaire; il y a lui-même eu recours pour sa récente demande de subvention. « J’ai été surpris de voir que la révision n’était pas strictement technique. On m’a aussi fourni des conseils fondamentaux et stratégiques sur la nature de ma proposition. Cela dit, demander aux professeures et professeurs de payer de leurs propres poches pour ces services, ce n’est pas juste. Je ne suis pas d’accord. »
Je suis du même avis, et j’aimerais voir plus d’établissements (aussi bien parmi les universités individuelles et dans les trois organismes subventionnaires fédéraux) promouvoir la recherche en finançant la révision, comme dans le programme d’aide à la production d’une demande du Conseil des arts du Canada.
Je vous recommande également d’engager quelqu’un si vous entamez la rédaction d’un ouvrage important. Il peut s’agir de votre premier livre, d’une demande de subvention majeure ou d’un article destiné à une revue prestigieuse. En effet, des études récentes en Nouvelle-Zélande montrent que la révision peut aider à surmonter les obstacles à la publication posés par des universitaires réactionnaires. Dans son étude publiée dans le Journal of Economic Behavior and Organization, Jan Feld conclut que les pairs examinateurs accueillaient plus favorablement les articles révisés que les non révisés. Les textes révisés n’étaient pas seulement mieux rédigés; ils étaient meilleurs, un point c’est tout. Les examinatrices et examinateurs étaient 4,1 points de pourcentage plus susceptibles d’approuver la publication d’un article dans une bonne revue économique et 8,4 points de pourcentage plus susceptibles d’accepter l’article à une conférence.
Pour les documents très importants, il vaut donc la peine d’investir dans la révision. Comme je présume que votre premier livre fait partie de ces documents très importants, je vous recommande fortement de faire réviser votre manuscrit avant de le soumettre à la revue universitaire de votre choix. Et je crois que c’est le bon moment pour le faire.
Quand
Faites réviser votre travail lorsque vous hésitez au point de demander l’avis d’une chroniqueuse, lorsque votre progression est lente comme celle d’une tortue, ou lorsque vous avez perdu votre élan.
Il y a deux façons d’analyser la nécessité d’une révision : soit en fonction de l’état d’avancement du manuscrit, soit en fonction de l’étape du processus.
Je suis d’avis qu’il est bon d’engager quelqu’un dès le premier jet, aussi brouillon soit-il, puisque comme l’explique M. Leifso, la révision jouera un rôle plus fondamental que peuvent l’imaginer les universitaires. La révision universitaire « est souvent perçue comme un travail en surface, indépendant du contenu, alors qu’elle concerne en fait l’essence même du message et des arguments originaux. Une bonne réviseure ou un bon réviseur [universitaire] peut presque jouer un rôle de corédaction », souligne l’auteure et essayiste primée Pamela Haag. « Les questions de style se limitent rarement au style ».
Or, les horaires des spécialistes les plus convoités se remplissent souvent des mois à l’avance. Il faut s’y prendre tôt pour se garantir une place. Si vous prévoyez remettre votre premier manuscrit dans huit mois, je vous recommande de faire tout de suite votre demande. Il se peut que la personne ne puisse pas commencer avant août ou septembre.
Outre le « premier jet », vous pouvez aussi vous faire réviser à l’étape du « troisième jet », c’est-à-dire quand votre texte est fonctionnel, mais que vous voulez le rendre plus convaincant, plus clair ou plus concis. Si vous faites réviser votre manuscrit à cette étape, alors que la structure est déjà bien établie, la personne pourra se concentrer sur la révision de forme : le choix de mots, la fluidité des phrases, la cohérence entre les paragraphes, la clarté, le ton, la voix.
Voilà pour l’état d’avancement du manuscrit. Qu’en est-il du processus? Si c’est la transformation de votre thèse en livre qui vous pose problème (et c’est bien normal), je vous propose de retenir des services de révision dès maintenant, plutôt que de continuer de vous buter contre un mur.
J’ai parlé à Ozlem Cankaya, chercheuse en éducation à la petite enfance à l’Université MacEwan. Elle m’a raconté qu’elle a déjà reçu un courriel, la veille du début de la période de soumission, qui disait : « Ozlem, je réfléchissais au titre de votre demande de subvention en prenant ma douche, et je pense que vous devriez y aller avec la version longue. Voici pourquoi… » Elle s’est dit : « Cette personne est aussi investie que moi dans ma réussite et ma démarche! » Ce courriel a transformé sa journée.
Quand vous êtes en plein cœur d’une relecture épineuse, la réviseure ou le réviseur peut vous offrir un soutien émotionnel et propulser votre démarche, en suggérant un mode d’organisation et en donnant son avis sur des sections, paragraphes, phrases ou segments à reformuler. Ces interventions devraient à la fois vous faciliter la tâche et améliorer la qualité du texte envoyé en édition.
Bref, si vous n’avez pas les moyens de vous faire réviser, pensez à déposer une pétition auprès de votre établissement, association universitaire ou parlementaire. Une demande unique peut passer inaperçue, mais le rassemblement des voix peut mener au changement. Si vous avez la chance de pouvoir vous payer vous-même ces services, faites-le sans tarder, afin que la personne puisse réserver une place dans son horaire pour votre premier jet, votre troisième jet ou même un bout de texte brouillon que vous avez du mal à clarifier.
Postes vedettes
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
- Littératures - Professeur(e) (Littérature(s) d'expression française)Université de Moncton
- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
- Médecine - Professeur(e) adjoint(e) (communication en sciences de la santé)Université d'Ottawa
- Doyen(ne), Faculté de médecine et des sciences de la santéUniversité de Sherbrooke
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