Titulaires de doctorat, de quelle couleur est votre parachute?

Le livre De quelle couleur est votre parachute? constitue une excellente ressource pour quiconque souhaite travailler hors du milieu universitaire.

23 octobre 2018
parachute learning

Critique de l’édition 2019 du livre De quelle couleur est votre parachute? Un guide pratique pour les chercheurs d’emploi et les personnes en transition de carrière de Richard N. Bolles (What Color Is Your Parachute 2019: A Practical Manual for Job-Hunters and Career-Changers [New York : Ten Speed Press, 2018]). L’édition 2014-2015 est également disponible chez les éditions Reynald Goulet inc.

Quand j’ai commencé à réfléchir sérieusement à ce que je ferais après mon doctorat, j’ai consulté plusieurs ressources, dont le guide classique de cheminement professionnel intitulé De quelle couleur est votre parachute? Une version numérique de l’ouvrage empruntée à la bibliothèque publique de Toronto m’a appris des choses importantes. Les souvenirs sont parfois si étranges : je me rappelle que l’auteur faisait un usage quelque peu intempestif de la virgule.

Ce livre m’a permis de mieux comprendre les mécanismes de la recherche d’emploi hors du milieu universitaire. Je pensais en général que les emplois faisaient suite à une demande officielle et à un processus d’entrevue. Peut-être passiez-vous quelques tests pour circonscrire vos options, mais finalement, vous scrutiez les offres d’emploi, posiez votre candidature et croisiez les doigts. Or, s’en tenir uniquement à cette démarche serait la stratégie la plus inefficace.

M. Bolles préconisait plutôt une stratégie me paraissant plus exigeante : apprendre à se connaître, puis parler à de nombreuses personnes. Vous pouviez ensuite commencer à postuler des emplois, mais, idéalement, seulement si vous aviez un bon contact au sein de l’organisation ou une expérience de travail linéaire manifeste (et peu courante). Depuis le temps que j’appuie les titulaires de doctorat dans leur recherche d’emploi et que je discute avec eux de la façon dont ils ont réussi à obtenir des emplois enrichissants, je sais que M. Bolles a raison. Environ 95 pour cent des personnes (ou plus!) qui ont rédigé des billets de blogue, passé des entrevues en personne, participé à des tables rondes ou dirigé des séminaires pour « Beyond the Professoriate» affirment que le réseautage a joué un rôle décisif dans leur recherche d’emploi. Et parfois, de façon étonnante.

L’éditeur Ten Speed Press m’a fait parvenir la plus récente version du livre de M. Bolles (qui est décédé en 2017, avant la publication de l’ouvrage). Une bonne raison pour relire l’ouvrage en entier.

La bonne façon de chercher un emploi

Les étudiants aux cycles supérieurs et les titulaires de doctorat qui cherchent un emploi dans un milieu autre que celui de l’enseignement pensent souvent, comme moi avant, qu’il suffit de postuler, souvent en réponse à une offre d’emploi en ligne, pour obtenir le poste. Autrement dit, vous n’avez qu’à créer un curriculum vitæ (une version modifiée du CV universitaire) et, peut-être, à rédiger une lettre de présentation, puis à réitérer le processus au besoin : en fulminant contre les responsables des RH et en déplorant la rareté des entrevues.

Sauf que, selon M. Bolles, les employeurs ne suivent pas ce processus pour pourvoir les postes. Ils ne commencent pas par lire une pile de curriculum vitæ et de lettres de présentation provenant d’inconnus, comme le font certains comités d’embauche d’universités. Ils préfèrent recruter à l’interne – ce qui est rarement le cas pour les postes menant à la permanence en milieu universitaire – ou rencontrer des candidats qui leur ont été recommandés par des personnes de confiance.

En ce qui concerne les titulaires de doctorat, la seule modification que j’apporterais au diagramme (cliquez ici pour une image agrandie en anglais) concerne les preuves. Les candidats possédant des compétences ou des connaissances techniques spécialisées peuvent recourir aux candidatures spontanées et obtenir une entrevue sans avoir de contacts au sein de l’organisation. Nous connaissons des titulaires de doctorat qui y sont parvenus, par exemple un ingénieur principal cumulant plusieurs années d’expérience dans l’utilisation d’un instrument scientifique particulier et une bio-informaticienne détenant un doctorat en, vous l’aurez deviné, bio-informatique. Mais même dans de tels cas, le réseautage demeure crucial.

La grande majorité des titulaires de doctorat qui viennent de quitter le milieu universitaire dénichent un emploi intéressant dans le cadre d’une embauche à l’interne ou par l’intermédiaire d’un ami ou d’un collègue de travail. Il ne faut pas y voir du népotisme, mais plutôt des pratiques d’embauche sensées.

L’exercice de la fleur

La première étape du processus présenté dans le livre consiste à dresser l’inventaire de ses propres capacités. Ce n’est pas une mince tâche. M. Bolles y consacre près de 100 pages (chapitres 4 et 5) qui contiennent une multitude de questions et d’exercices allant de listes par ordre d’importance des compétences et d’éventuels lieux de résidence, à la mise en récit des moments les plus énergisants et stimulants de votre vie. Une fois effectué, tout ce travail permet de créer une « fleur » formée de sept pétales représentant les différents inventaires que vous dressez ou les décisions que vous prenez par rapport à votre carrière, profession ou vie idéale.

 Ce travail de réflexion prend un certain temps. C’est correct. Elle vous amènera à vous pencher sur les sujets suivants : les gens avec qui j’adore travailler, mes conditions idéales de travail, ce que je sais faire et j’aime faire (compétences transférables), mon but, mon objectif ou ma mission (ou mes façons de voir la vie), mes connaissances et champs d’intérêt, mes responsabilités, mon salaire et les autres formes de gratification recherchées et les endroits où je veux vivre et les caractéristiques géographiques que je recherche. Commencez par un pétale, puis passez à l’autre, et ainsi de suite.

Améliorer vos chances d’obtenir une entrevue et un emploi

Après avoir établi vos intérêts et objectifs professionnels, vous devez examiner les possibilités d’emploi. Les titulaires de doctorat devraient moduler certains conseils de M. Bolles : une visite spontanée à l’employeur n’est probablement pas une bonne stratégie, contrairement à l’entrevue d’information qui en est une excellente. La grande majorité des titulaires de doctorat avec lesquels nous avons discuté ont tiré parti de cette stratégie à des fins de renseignements personnels et de réseautage. Le conseil de M. Bolles selon lequel les chercheurs d’emploi devraient porter une attention particulière aux petites organisations est fort judicieux. Les titulaires de doctorat sont certes nombreux à travailler chez Google, mais nettement plus nombreux à travailler ailleurs, sans compter qu’il est habituellement plus facile d’être embauché dans une petite entreprise que dans une grande.

J’invite les titulaires de doctorat à aborder avec prudence le chapitre 7 sur les curriculum vitæ, dont le titre déroutant donne à penser que « Google est votre nouveau curriculum vitæ ». Lisez-le, mais consultez d’autres sources pour obtenir des conseils et des exemples plus judicieux. Le livre offre d’excellents conseils sur LinkedIn, mais laisse de côté une composante importante de la plateforme : la fonction des articles. Au lieu de créer un blogue sur votre site Web, tirez parti de la plateforme de publication intégrée de LinkedIn. Les titulaires de doctorat ont tout ce qu’il faut pour mettre cette fonction à profit. Envisagez également la fonction vidéo de base de LinkedIn, si la communication verbale figure parmi vos principales compétences.

Les deux chapitres suivants, qui portent sur les entrevues et la négociation salariale, sont percutants. Ils abordent divers aspects et fournissent de l’information, des conseils et des pistes de préparation pertinents. Le point de vue de M. Bolles sur les « handicaps » (chapitre 10) risque d’en froisser certains, car selon lui, nous sommes tous handicapés, mais au final, seul le message compte : quelle que soit votre situation, il y a des employeurs qui n’attendent qu’à vous embaucher. Il suffit de les trouver.

Les deux derniers chapitres abordent le changement de carrière, et donc concernent bon nombre de titulaires de doctorat, et le démarrage d’entreprise. Enfin, l’annexe présente le point de vue de l’auteur quant à la définition de votre principal objectif de vie (qui comporte une dimension spirituelle ou religieuse), un guide sur la gestion de vos émotions quand vous êtes sans emploi et un guide sur le choix d’un accompagnateur ou d’un conseiller en orientation professionnelle. Vous pouvez ne lire que ce qui vous semble pertinent. Une liste d’accompagnateurs, principalement américains, est en outre présentée vers la fin du livre.

Aucun ouvrage ne contient à lui seul tous les renseignements dont les chercheurs d’emploi ont besoin. Mais le livre De quelle couleur est votre parachute? constitue une excellence ressource pour quiconque souhaite travailler hors du milieu universitaire. Son contenu est riche et diversifié : exemples (études de cas), exercices, listes de compétences et de questions, explications et définitions, rappels et paroles d’encouragement devraient vous aider à démarrer ou à dynamiser votre recherche d’emploi. Si un conseil ou un élément d’information vous semble étrange, creusez la question; les titulaires de doctorat s’y connaissent en recherche!

Cet ouvrage se démarque des autres guides de cheminement professionnel destinés aux titulaires de maîtrise et de doctorat en raison de l’importance qu’il accorde à la connaissance de soi. Il met judicieusement l’accent sur le diagramme de la fleur ainsi que sur la multitude de questions à se poser et d’exercices à faire (« sortez une feuille de papier vierge afin d’y inscrire… »). Ces activités peuvent vous sembler pénibles ou répétitives, et vous pouvez sans doute en omettre quelques-unes. Il vaut cependant la peine d’aborder ces chapitres avec sérieux, surtout quand les enjeux sont élevés. Et bien souvent, ils le sont, pour ceux d’entre nous qui détiennent des doctorats, des années d’expérience et d’expertise universitaires, des compétences spécialisées transférables, et qui doivent également composer avec les modes de vie et les responsabilités propres aux personnes qui n’ont plus 22 ans. Le temps et l’énergie que vous investissez pour apprendre à vous connaître feront de vous un candidat de grande qualité.

En fin de compte, pour dénicher l’emploi qui répond à vos besoins et à vos objectifs, et qui vous permettra d’avoir une carrière intéressante, stimulante et enrichissante, vous devrez déployer beaucoup d’efforts. Passez outre la démarche à vos risques et périls. Sur ce, je vous souhaite bonne chance, bonne lecture et… bonne création de listes!

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