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Conseils carrière

Cinq conseils pour éviter la procrastination durant les études supérieures

« La seule ressource non renouvelable dont nous disposons, vous et moi, c’est le temps », affirme Tim Pychyl, professeur à l’Université Carleton.

par TARA SIEBARTH | 27 SEP 18

Vous devez commencer à rédiger le prochain chapitre de votre thèse, mais vous n’en avez pas envie. Vous êtes peut-être fatigué ou découragé par les derniers commentaires de votre superviseur. Vous allumez votre téléphone en vous disant : « Je vais seulement vérifier si j’ai reçu des messages importants. Cela ne prendra que quelques minutes. » Tout à coup, vous réalisez que deux heures se sont écoulées et que vous avez regardé la bande-annonce de Captain Marvel quatre fois de suite.

Comment réagir? Vous savez qu’une tâche vous attend, mais vous n’avez pas envie de vous y atteler. Tim Pychyl, professeur agrégé de psychologie à l’Université Carleton, vous donne cinq conseils pour sortir de cette impasse.

1. Concentrez-vous sur votre prochaine action

Selon M. Pychyl, qui étudie la question depuis plus de 20 ans, la procrastination est souvent considérée à tort comme un problème de gestion du temps, alors qu’il s’agit d’une stratégie d’adaptation émotionnelle : le procrastinateur croit qu’en évitant une tâche, il se sentira mieux. C’est faux, affirme M. Pychyl, qui associe la procrastination à un dérèglement des émotions. Il faut apprendre à reconnaître nos émotions et, au lieu de fuir l’incertitude, accepter qu’elle fait partie de l’apprentissage. Au lieu de faire comme si nos émotions n’existaient pas, M. Pychyl propose de se concentrer sur l’action.

« Posez-vous la question suivante : quelle serait la prochaine chose à faire si je m’y mettais? » Selon lui, il peut s’agir d’un geste aussi anodin que d’allumer l’ordinateur et d’ouvrir un document.

« En vous fixant de petits objectifs, et en vous concentrant sur l’action, vous êtes plus susceptible de les atteindre. Cela vous aidera grandement à vous mettre en marche. Bien sûr, vous devrez répéter cette démarche plusieurs fois. En fait, vous devrez peut-être la répéter toute la journée. Mais vous réussirez ainsi à détourner votre attention de vos émotions et à vous concentrer sur votre prochaine action. »

2. Tenez compte de votre moi futur

Une autre façon de lutter contre la procrastination est de réfléchir aux conséquences de vos actions présentes sur votre moi futur. M. Pychyl décrit les travaux de recherche menés par Hal Hershfield, professeur de psychologie à l’Université de la Californie à Los Angeles (UCLA), qui a étudié le concept du moi futur en profondeur.

Dans l’une de ses études, M. Hershfield a utilisé l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) pour examiner l’activité cérébrale déclenchée par la représentation du moi présent. Ensuite, il a étudié l’activité cérébrale des participants lorsqu’ils pensaient à un étranger, puis lorsqu’ils se projetaient dans l’avenir. Selon les résultats de ses travaux, l’activité se situe dans la même région du cerveau lorsque nous pensons à un étranger et lorsque nous nous projetons dans l’avenir. Autrement dit, nous sommes déconnectés de notre moi futur – qui nous semble irréel – et ne réfléchissons pas aux conséquences de nos actions présentes. Ces résultats ont été confirmés par Eve-Marie Blouin Hudon, étudiante de M. Pychyl aux cycles supérieurs, qui a demandé à des étudiants de se soumettre à une séance de méditation soit sur leur moi présent, soit sur leur moi futur. « Elle a découvert que ceux qui s’étaient soumis à une séance de méditation guidée axée sur leur moi futur démontraient une plus grande empathie pour celui-ci et que cette empathie était associée à des changements importants liés à la procrastination. »

M. Pychyl affirme qu’en matière de procrastination, le moi présent l’emporte toujours. « Le moi présent se dit “Chouette, je ne suis pas obligé de le faire!’’. Mais le moi futur déteste le moi présent. Par conséquent, plus nous mettons le moi futur au premier plan, moins nous sommes tentés de choisir la procrastination. »

Qu’en est-il des étudiants au premier cycle?

Même si la plupart des conseils ci-dessus peuvent s’appliquer aux étudiants au premier cycle, M. Pychyl souligne que la situation de ces étudiants est unique. « Leur problème, c’est qu’ils ne se rendent pas vraiment compte du travail qui les attend en septembre. Mais les étudiants aux cycles supérieurs devraient le savoir. En octobre, les étudiants au premier cycle se retrouvent dans une situation difficile, car ils ont accumulé beaucoup de retard et leur stress est réel. Je dirais que les problèmes de santé mentale sur le campus sont en bonne partie attribuables à la procrastination. Quand on néglige certaines choses, c’est vrai qu’on se retrouve en mauvaise posture. »

3. Pensez de manière concrète

M. Pychyl cite d’autres travaux de recherche démontrant que lorsque nous pensons aux choses de manière concrète, nous les ancrons dans le présent et ressentons un sentiment d’urgence à leur égard. À l’inverse, les choses que nous envisageons de manière abstraite nous semblent appartenir à l’avenir. Par conséquent, plus vos pensées sont concrètes, plus vous êtes susceptible d’agir.

« Si je demande à l’un de mes étudiants aux cycles supérieurs sur quoi il travaille et qu’il me répond “ma thèse”, je lui dis “alors tu ne fais rien du tout”. Sa réponse est trop abstraite. Mais s’il me répond “dans la section que vous avez commentée, j’ai du mal à trouver une phrase de transition convenable”, je me dis qu’il est bel et bien en train de travailler. »

4. Concrétisez vos intentions

Peter Gollwitzer, professeur de psychologie à l’Université de New York, fait valoir un autre élément lié à la procrastination qu’il a nommé l’intention de concrétisation (implementation intention). M. Pychyl explique qu’il existe une différence entre l’intention d’objectif (écrire un article, par exemple) et l’intention de concrétisation (choisir quel comportement adopter le moment venu). Pour illustrer ce concept, il donne un exemple tiré de sa propre expérience : il ne passait pas la soie dentaire. Il a donc trouvé l’intention de concrétisation suivante : chaque fois qu’il prend sa brosse à dents et son dentifrice, il doit poser la soie dentaire sur le comptoir.

« C’est ce que j’ai fait. Chaque fois que je pose ma brosse à dents, je prends la soie dentaire. Les étudiants doivent se dire “lorsque je sors du cours, je vais au laboratoire pour réviser telle ou telle chose”. Une situation donnée appelle désormais un nouveau comportement. Cette puissante technique cognitive nous aide à nous défaire de vieilles habitudes. »

5. Pardonnez-vous

En 2010, M. Pychyl a mené, avec un collègue, Michael Wohl, une étude auprès d’étudiants qui repoussaient toujours leurs révisions avant un examen et obtenaient de mauvais résultats. Il a demandé aux membres d’un groupe de se pardonner leur procrastination et n’a donné aux membres de l’autre groupe aucune consigne à cet égard. Il a constaté que ceux qui s’étaient pardonnés étaient moins enclins à la procrastination et se préparaient mieux à leur examen suivant. « La procrastination est une faute envers soi. Tant qu’on ne se pardonne pas, le comportement d’évitement perdure. »

Selon M. Pychyl, les étudiants aux cycles supérieurs doivent se rappeler que l’échec est inévitable. « Certains jours, ils n’arriveront à rien ou n’accompliront pas les tâches qu’ils se sont données. Mais s’ils ne se pardonnent pas, ils ne feront qu’accentuer leur charge émotionnelle. Ensuite, ils paniqueront. S’ils ne se pardonnent pas, ils seront moins tentés d’essayer de nouveau. »

M. Pychyl estime qu’en fin de compte, la procrastination est une question profondément existentielle.

« Lorsque je travaille avec les jeunes – qu’il s’agisse d’étudiants au premier cycle ou aux cycles supérieurs – le problème se résume souvent à la notion de capacité d’agir. Comprenez-vous qu’il s’agit de votre vie, de votre thèse? Le sujet continue de m’intéresser, car la seule ressource non renouvelable dont nous disposons, vous et moi, c’est le temps. Et nous ignorons combien de temps il nous reste. Par conséquent, il ne faut pas le gaspiller. »

La procrastination active n’existe pas

À ceux qui affirment qu’il existe une procrastination « active » (c’est-à-dire « je vais faire telle ou telle tâche à la dernière minute, car je travaille mieux sous pression »), M. Pychyl cite les travaux de recherche effectués par l’un de ses anciens étudiants aux cycles supérieurs, Mohsen Haghbin, qui a créé une typologie des retards et a découvert qu’il en existe six types :

  • Retards inévitables : lorsqu’une personne est interrompue par une autre obligation ou un autre besoin.
  • Retards de motivation : lorsqu’une personne décide qu’elle serait plus motivée si elle accomplissait ses tâches à la dernière minute.
  • Retards hédonistes : lorsqu’une personne décide de faire autre chose qui lui procure une gratification instantanée.
  • Retards attribuables à des problèmes psychologiques: par exemple, le deuil ou un problème de santé mentale.
  • Retards intentionnels: lorsqu’une personne a besoin, par exemple, de réfléchir à un problème ou à une œuvre de création avant de commencer la rédaction ou la production proprement dite.
  • Retards irrationnels: le procrastinateur ne peut se les expliquer et ils sont habituellement causés par la peur de l’échec ou l’anxiété.

« Nous accusons constamment les retards, ils font partie de la vie. L’action raisonnée, la planification et le retard présentent toutes sortes d’avantages, mais la procrastination, quant à elle, n’en comporte aucun, car il s’agit du report volontaire d’un acte prévu, même si ce report risque vraisemblablement d’empirer la situation », conclut M. Pychyl.

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