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Matière à réflexion

Décrocher une bourse Rhodes : la préparation de la demande

 « Donnez des exemples concrets » est le conseil le plus utile reçu par les auteures.

par CONSTANCE BOURGUIGNON & VIRGINIE SIMONEAU-GILBERT | 22 SEP 21

Les bourses Rhodes, qui comptent sans doute parmi les plus prestigieuses au monde, sont décernées annuellement par la fondation du même nom aux meilleurs étudiants pour leur permettre d’étudier à l’Université d’Oxford. Les lauréates du concours du Québec en 2020 reviennent sur ce processus complexe.

La présentation d’une demande de bourse Rhodes est un processus rigoureux qui demande des mois de préparation. Les participants au concours canadien doivent soumettre une lettre de motivation de 1 000 mots, un curriculum vitæ de deux pages, six lettres de recommandation et de nombreux autres documents. Avant de vous lancer, assurez-vous d’avoir lu attentivement et à plusieurs reprises les critères d’admissibilité et les exigences relatives aux demandes.

Comment avez-vous entendu parler des bourses Rhodes

Constance Bourguignon : Je n’avais jamais entendu parler de ces bourses pendant mes études secondaires ou collégiales, mais lorsque j’ai déménagé aux États-Unis pour mes études de premier cycle, j’ai rapidement constaté que ces bourses font partie intégrante de l’expérience universitaire, surtout dans un établissement comme Harvard. Chaque année, une partie des étudiants aux cycles supérieurs présentaient une demande de bourse Rhodes, parfois avec succès, et il en était question dans le journal étudiant. Nous recevions des courriels concernant les séances de formation et les ateliers liés aux diverses bourses d’études et de recherche. Il y avait aussi un service et une équipe de conseillers chargés d’aider les étudiants souhaitant soumettre une demande. Je pense que la sensibilisation, les ressources proposées pour préparer sa demande et les connaissances sur les particularités des bourses Rhodes et du contexte québécois varient d’une université à l’autre, que ce soit au Québec, au Canada, aux États-Unis ou ailleurs.

Virginie Simoneau-Gilbert : J’ai entendu parler des bourses Rhodes pour la première fois il y a des années, par un professeur avec qui je travaillais pendant mon baccalauréat en philosophie à l’Université de Montréal. Conscient de mon potentiel, il m’avait vivement recommandé de présenter une demande pour cette bourse, même si je n’avais pas encore complété mon baccalauréat et que je m’apprêtais à entreprendre une maîtrise en philosophie. Je n’aurais jamais cru être digne de demander une bourse Rhodes si ce professeur ne m’avait pas encouragée à le faire. Sans lui, d’ailleurs, je n’aurais sans doute jamais entendu parler des bourses Rhodes, dont on parle peu à l’Université de Montréal.

Combien de temps avez-vous consacré à la préparation de votre demande? 

Mme Bourguignon : Dans mon cas, le processus s’est étalé sur quatre mois, d’août à novembre. En août, j’ai rédigé trois ou quatre versions de ma lettre de présentation et de mon curriculum vitæ, et j’ai communiqué avec deux personnes susceptibles de me fournir des lettres de recommandation. Ma candidature a été approuvée par mon université en septembre sur la base de ces documents. J’ai ensuite rédigé deux ou trois nouvelles versions de ma lettre de présentation et communiqué avec quatre autres personnes aptes à me fournir des lettres de recommandation. Cela m’a demandé du temps, car certaines de ces personnes n’avaient jamais rédigé de telles lettres pour moi, voire de lettres de recommandation tout court.

Mme Simoneau-Gilbert : Comme ma collègue, j’ai passé quatre ou cinq mois à préparer ma demande. Pendant cette période, j’ai rédigé plusieurs versions de ma lettre de présentation et cherché à inclure le plus de renseignements possible dans les deux pages de mon curriculum vitæ. J’ai aussi rédigé un projet de recherche afin de fournir aux auteurs de mes lettres de recommandation un aperçu de mes intérêts en tant que future étudiante au doctorat à Oxford. La rédaction des lettres de recommandation s’est bien passée, car les auteurs étaient des professeurs habitués à la chose. J’ai été très touchée par ce qu’ils ont écrit et de la confiance qu’ils m’ont témoignée.

Avez-vous des conseils à donner au sujet de la rédaction de la lettre de présentation?

Mme Bourguignon : Les sous-questions à aborder sont somme toute assez usuelles. Il s’agit d’expliquer dans quelles mesures l’obtention d’une bourse Rhodes afin de suivre un programme ciblé à l’Université d’Oxford est la suite logique de votre parcours, quelle contribution vous comptez apporter en tant que boursier à la communauté universitaire et comment votre démarche s’inscrit dans les objectifs des bourses Rhodes. En ce qui concerne la rédaction proprement dite, le conseil le plus utile que j’ai reçu est d’illustrer les propos généraux ou abstraits par des exemples concrets. Il est bon aussi de relire sa lettre à haute voix et de prendre quelques jours de recul entre chaque version, puisque nous ne sommes pas autorisés à solliciter un point de vue extérieur. Enfin, un conseil a principalement guidé mes décisions pendant la préparation de ma demande : réfléchissez plus à ce que vous voulez dire qu’à l’image que vous souhaitez projeter. Ça m’a vraiment aidé à atténuer mes attentes envers moi-même, et à pleinement assumer mes écrits. J’ai été franche, en gardant en tête que si le comité de sélection rejetait ma demande, ce serait sans doute mieux ainsi.

Mme Simoneau-Gilbert : Un autre conseil qui s’est avéré fort utile pour rédiger ma lettre de présentation est le suivant : racontez votre parcours de vie, en précisant, par exemple, ce qui vous motive à vous engager dans la société, et en quoi les choix que vous avez faits jusqu’à présent ont contribué à vous façonner. Dans mon cas, j’ai souligné que mon intérêt pour le bien-être animal remontait à l’enfance. J’ai expliqué que j’ai grandi entourée d’animaux et que je voulais déjà devenir végétarienne à neuf ans. Cela explique pourquoi je consacre aujourd’hui ma vie à la protection des animaux. Je ne crois pas que les membres du comité souhaitent lire des lettres de présentation au ton savant. Je pense qu’ils souhaitent plutôt cerner la personnalité des candidats.

Quel programme d’Oxford avez-vous demandé à intégrer? 

Mme Bourguignon : Le parcours d’études que j’ai proposé au comité de sélection était un peu inhabituel. J’ai indiqué que je voulais suivre deux programmes d’un an, pour décrocher une maîtrise en éducation comparative et internationale et un certificat d’études supérieures en éducation. C’était audacieux parce que la Fondation Rhodes ne finance habituellement pas les études menant à ce type de certificat, qui ne confère pas de grade. Il s’agit d’un programme de préparation à la profession d’enseignant qui mène à l’obtention de titres de compétence et d’un certificat d’études, plutôt qu’à un diplôme de maîtrise. J’ai accepté la bourse en étant consciente que je risquais de ne pas parvenir à convaincre les administrateurs de la Fondation d’accorder à ma formation en éducation la même valeur que celle accordée aux autres programmes d’études supérieures. L’an dernier, ils m’ont clairement dit que ce ne serait pas possible.

Cette année pourtant, ils ont consenti à faire une exception : sans modifier les conditions liées à la durée de la bourse pour les élargir à tous les certificats et diplômes d’études supérieures, ils vont me permettre de m’inscrire à un certificat d’études supérieures en éducation, et continueront à étudier au cas par cas les demandes particulières comme la mienne. Je ne peux dire à quel point cette décision compte pour moi. Enseigner, c’est montrer la voie. Enseigner, c’est contribuer à la course du monde. Et enseigner exige certainement une expertise équivalente à celle d’un titulaire de maîtrise. La décision des administrateurs de la Fondation en témoigne, et j’en suis ravie.

Mme Simoneau-Gilbert : Durant l’hiver 2020, j’ai présenté des demandes pour effectuer un doctorat en philosophie et un baccalauréat en philosophie, mais les deux ont été rejetées. Le fait d’être boursier Rhodes ne signifie pas que l’on puisse automatiquement suivre tous les programmes de l’Université d’Oxford, dont ceux de philosophie, qui sont parmi les plus prisés. De plus, il n’est pas inhabituel pour les boursiers Rhodes de se heurter à de tels refus, ce que j’aurais bien aimé savoir l’an dernier. À l’époque, le refus de mes demandes m’avait donné le sentiment d’être isolée et indigne des bourses Rhodes, malgré l’incroyable soutien reçu de la Rhodes House et du comité de sélection du Québec.

J’ai donc décidé d’entamer un baccalauréat spécialisé en philosophie, politique et économie à l’Université d’Oxford en octobre 2020. Ayant toutefois vite compris que ce programme recoupait partiellement mes études en philosophie effectuées à l’Université de Montréal, j’ai eu du mal à trouver la motivation d’aller jusqu’au bout l’automne dernier. Avec le feu vert de la Rhodes House et les encouragements de mon directeur de thèse potentiel, j’ai donc présenté de nouvelles demandes pour intégrer un baccalauréat en philosophie et un doctorat en philosophie. J’ai finalement été autorisée à intégrer le programme de doctorat en octobre 2021. Je serai éternellement reconnaissante aux gens de la Rhodes House pour leur formidable soutien, qui a changé ma vie.

Comment avez-vous sélectionné les auteurs de vos lettres de recommandation?

Mme Bourguignon : En ce qui concerne les références du milieu universitaire, j’ai sélectionné les quatre professeurs de mon établissement qui, d’après moi, me connaissaient le mieux en tant que personne, étudiante et chercheuse. J’avais suivi un ou deux cours avec chacun d’eux. L’un était aussi mon directeur de thèse, et deux étaient responsables de départements. Tous m’avaient donc vu progresser au fil des ans. Une telle sélection n’a été possible que parce que j’ai eu le privilège de fréquenter de petits départements bien financés où une grande attention est accordée à chaque étudiant. J’ai eu plus de mal à trouver des auteurs de recommandations liées à ma personnalité, puisque les activités parascolaires suivies ou les emplois occupés lors de mes études au premier cycle n’étaient généralement pas supervisés et je travaillais de manière autonome. Les recommandations de pairs n’étant pas admises, j’ai finalement sélectionné deux personnes qui avaient été témoins de mon travail axé sur les causes qui me tiennent à cœur. Je les ai rencontrés afin de leur expliquer ce que ces expériences avaient représenté au-delà de ce qu’ils ont perçu.

Mme Simoneau-Gilbert : J’ai sélectionné quatre professeurs de l’Université de Montréal dont j’avais suivi les cours au premier cycle ou aux cycles supérieurs. Je tenais à obtenir des lettres de recommandation de professeurs rattachés à des branches très différentes de la philosophie et qui avaient pu constater ma capacité à réussir dans celles-ci. Pour les recommandations liées à la personnalité, j’ai sélectionné deux professeurs d’universités établies à l’extérieur de Montréal avec lesquels j’avais travaillé à la Société de philosophie du Québec, une société savante axée sur la promotion de la philosophie au Québec.

Dans la deuxième partie de cet article, nous traiterons du processus d’entrevue menant à l’obtention d’une bourse Rhodes et des étapes subséquentes.

 

À PROPOS CONSTANCE BOURGUIGNON & VIRGINIE SIMONEAU-GILBERT
Constance Bourguignon effectue une maîtrise en éducation comparative et internationale. Virginie Simoneau-Gilbert effectue un baccalauréat spécialisé en philosophie, politique et économie et entamera en octobre 2021 un doctorat en philosophie.
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