Les promesses d’innovation à court terme ne suffiront pas à faire de la recherche un investissement national

La COVID-19 a rendu le milieu universitaire très réactif, mais la recherche prend du temps.

10 juin 2020
policy practice_research collab

Au cours des derniers mois, nous avons vu les organismes de financement canadiens, les universités et les chercheurs réagir avec vigueur à la pandémie de COVID-19. Les bailleurs de fonds et les universités ont établi de nouveaux mécanismes de financement, les laboratoires de recherche se sont réorientés pour répondre aux besoins pressants, les experts de tout le pays se sont mis à échanger et à diffuser de l’information et les universitaires ont activement communiqué avec le public par différents moyens. Voilà qui témoigne d’un système de recherche efficace et réactif.

Mais ce système pourrait bien être mis à rude épreuve dans les prochaines années, selon la ligne de pensée que les dirigeants politiques adopteront à l’égard des budgets de recherche nationaux. Les dépenses en recherche seront-elles considérées comme superflues (en raison de la dette publique), ou comme un des nombreux investissements nécessaires à la reprise économique?

Dans les prochaines années, l’amortissement des déficits et la réduction de la dette pourraient perturber plusieurs secteurs et dossiers stratégiques. Parallèlement, les gouvernements devront malgré tout prendre des mesures vigoureuses pour protéger les personnes les plus vulnérables de la société, qui seront probablement les plus touchées par la récession à laquelle nous nous attendons à court terme. Les dépenses non liées au maintien de soins de santé efficaces, à la reprise de l’activité économique et à la réduction du chômage deviendront secondaires.

Dans un tel scénario, il faudra bien plus que des promesses d’innovation pour promouvoir la recherche en tant qu’investissement national. L’idée selon laquelle les gouvernements doivent financer la science pour ouvrir la voie aux avancées technologiques est depuis longtemps surutilisée et trop simplifiée. Alors que le monde entier attend avec impatience un vaccin contre la COVID-19, les dirigeants universitaires et la communauté scientifique pourraient être tentés de simplement faire valoir leur rôle à cet égard.

Les percées ponctuelles du milieu de la recherche quant aux nouveaux traitements et appareils médicaux visant à contrer la pandémie sont encourageantes, mais elles ne représentent en rien la réalité de la recherche universitaire dans son ensemble. Pas plus qu’elles ne représentent un modèle réaliste de l’importance des investissements en recherche pour la société.

La science n’est pas une unité d’intervention tactique. Fondamentalement, la recherche universitaire est un exercice à long terme et son pouvoir réside dans la production cumulative de connaissances et dans la formation avancée qu’acquièrent les étudiants et les chercheurs postdoctoraux. De temps en temps, elle donne naissance à une innovation utile, mais le plus souvent, elle ne permet que de mieux comprendre certains phénomènes naturels et sociaux en permettant aux étudiants d’acquérir des compétences et de l’expérience. La recherche est avant tout un processus d’apprentissage.

La formation de « personnel hautement qualifié », comme on le dit dans les organismes scientifiques et stratégiques d’Ottawa, pourrait donc contribuer à faire valoir les dépenses en recherche comme un investissement dans les prochains budgets. Cette démarche tomberait non seulement à point sur le plan stratégique, mais elle irait aussi de pair avec une des priorités de longue date des organismes subventionnaires fédéraux.

Nous devons nous attendre à ce que les études aux cycles supérieurs gagnent en popularité dans les prochaines années, tant auprès des étudiants qui arrivent tout droit du premier cycle que des membres du grand public effectuant un retour aux études pour se perfectionner ou éviter le chômage. Ces étudiants auraient tout à gagner d’un financement adéquat de la recherche en milieu universitaire afin d’améliorer leurs perspectives d’emploi et d’apprentissage.

Il apparaît donc essentiel de faire rapidement place à l’essor probable des études aux cycles supérieurs dans le débat sur les politiques scientifiques. Mais il faudra aller au-delà du rôle important des organismes subventionnaires fédéraux qui consiste à verser les bourses dont bon nombre d’étudiants ont de toute évidence besoin pour obtenir leur diplôme. Tout dépendra plutôt de l’environnement d’apprentissage offert dans les départements universitaires ainsi que de la qualité et de l’ampleur des travaux de recherche auxquels les étudiants seront exposés.

Creso Sá est directeur du Centre d’études en enseignement supérieur canadien de l’Institut pédagogiques de l’Ontario (IEPO) de l’Université de Toronto.

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