L’interdisciplinarité pour préparer la génération Z à un avenir imprévisible

La valeur d’outils comme ChatGPT dépend de l’usage que nous en faisons. C’est pourquoi la formation interdisciplinaire de premier cycle est plus importante que jamais.

17 mars 2023
Ecran d'un ordinateur.

C’est arrivé du jour au lendemain, mais ChatGPT est maintenant partout. Des réunions d’auteurs et d’autrices à Hollywood aux coulisses de Davos en passant par les couloirs du Congrès américain, le robot conversationnel est sur toutes les lèvres.

Il frappe aussi l’enseignement supérieur de plein fouet. Nous avons droit à tout un éventail de réactions : d’un côté du spectre, on accueille – parfois avec joie – l’arrivée d’un éventuel « copilote » en classe, et de l’autre, on craint la fin de la formation moderne telle qu’on la connaît.

C’est un peu des deux.

Qu’on l’adore ou qu’on la déteste, cette technologie change assurément la donne. L’intelligence artificielle (IA), l’Internet des objets et la réalité virtuelle transformeront notre manière d’enseigner non seulement les langues et l’histoire, mais aussi toutes les autres matières. ChatGPT est assez bon pour écrire du code ou rédiger une dissertation et il ne fera que s’améliorer.

Or, il ne faut pas oublier que comme tous les systèmes d’apprentissage machine, il a ses limites. Il ne fait pas appel à la raison, n’a pas de sentiments et n’a jamais vécu d’expériences personnelles. Il est incapable d’innovation. L’IA ne peut que faire des liens entre des choses qui existent déjà. Oui, elle arrive à imiter la prose humaine et à pondre une composition adéquate ou un courriel correct. Mais elle n’arrivera pas à régler la crise climatique, à négocier un accord de paix ou à enrayer la famine.

ChatGPT n’a ni empathie ni esprit créatif.

En 1994, Steve Jobs soulignait l’importance de d’abord faire confiance aux personnes et de ne pas se fier uniquement aux technologies. Les outils, disait-il, ne sont que ça : des outils. Leur efficacité dépend de leur utilisation.

M. Jobs croyait que le mariage entre technologies et sciences humaines changerait le monde pour le mieux. Selon lui, un ordinateur devait être une œuvre d’art.

Dans un même ordre d’idées, il est essentiel d’enseigner à nos jeunes à aborder leur travail – et leur vie – avec un état d’esprit multidisciplinaire afin de favoriser leur adaptation à un paysage culturel et technologique qui change à la vitesse grand V.

Les outils comme ChatGPT transforment la façon de travailler. Selon le Forum économique mondial, les technologies affecteront plus d’un milliard d’emplois d’ici 2030. En outre, la moitié des emplois actuels sont menacés par l’automatisation. Alors que les machines assumeront de plus en plus de tâches, les compétences générales d’une personne et ses connaissances acquises au contact de diverses façons de voir et de comprendre le monde seront plus utiles dans le cadre de leurs fonctions que les seules compétences en rédaction, en codage et en programmation.

Dans ce contexte, les prévisions concernant le marché du travail sont relativement peu utiles pour les étudiant.e.s qui réfléchissent à quel baccalauréat s’inscrire. Après avoir obtenu leur diplôme, ces jeunes seront sur le marché du travail pendant 40 ou 50 ans, voire plus. Qui sait combien de changements de carrière feront partie de leurs parcours?

Comment donc préparer cette génération d’étudiant.e.s de niveaux collégial et universitaire à ce qui les attend?

La solution consiste à intégrer de façon intentionnelle la pensée interdisciplinaire à la formation de premier cycle en incorporant l’histoire, l’anthropologie, la littérature, les langues, la psychologie, la philosophie et l’étude des religions aux diplômes en science, en technologie, en ingénierie et en mathématiques ainsi qu’à ceux en administration, et vice-versa.

L’Institut de technologie du Massachusetts (MIT), par exemple, le fait déjà. En effet, le quart des cours obligatoires de premier cycle sont des cours en arts, en sciences humaines et en sciences sociales. Et bien qu’il soit encore tôt pour tirer des conclusions définitives, le déclin du nombre d’inscriptions dans des programmes de sciences humaines, qui dure depuis des décennies, semble s’inverser. À l’Université de la Californie à Berkeley, l’un des établissements où la Silicon Valley recrute le plus, le nombre d’étudiant.e.s dont la majeure est en sciences humaines a augmenté de 121 % par rapport à l’an dernier, ce qui laisse entrevoir une hausse dans d’autres universités.

Préparer la prochaine génération à exceller dans des carrières qui n’existent pas encore est un défi de taille, mais nous pouvons mettre les chances de notre côté. En exposant ces jeunes à divers sujets et idées, on leur offre les fondements d’une pensée créatrice qui durera toute leur vie et qui pourra leur servir de manière inattendue. Steve Jobs a déjà mentionné que le cours de calligraphie qu’il a suivi au Reed College en 1972 est la raison pour laquelle il tenait à ce que les ordinateurs aient de belles polices, un élément distinctif des produits Apple depuis le lancement du premier Mac en 1984.

De plus en plus, les meilleures idées jailliront de la fusion entre des outils de pointe comme ChatGPT et la créativité, l’empathie et la curiosité humaines ainsi que de la capacité à voir les problèmes du monde et leurs solutions sous un prisme multifocal. Nous ne pouvons pas prédire l’avenir, mais nous pouvons aider nos étudiant.e.s à s’y préparer.

Alan Shepard est recteur de l’Université Western et président du conseil d’administration du Conseil des universités de l’Ontario.

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