Reconnaître l’importance des responsables des plateformes scientifiques

Pleins feux sur ce groupe méconnu du milieu universitaire et son rôle central dans l’innovation scientifique.

29 avril 2024

Les plateformes scientifiques, aussi appelées installations centrales, sont présentes dans la plupart des universités et établissements de recherche du Canada. Elles sont dotées d’expertes et d’experts en technologie spécialisée (des responsables de plateformes scientifiques) et d’une infrastructure de pointe, où elles offrent des services personnalisés. Fondamentalement multidisciplinaires, les plateformes scientifiques offrent un moyen plus collaboratif de mener des recherches et permettent des économies d’échelle grâce au partage des coûts. Elles accélèrent la recherche reproductible de haute qualité à l’aide de processus expérimentaux simplifiés et disposent d’un personnel spécialisé axé sur l’innovation, la formation de la prochaine génération de chercheurs et chercheuses et la gestion de la qualité. Les équipes de recherche bénéficient grandement de l’expertise des responsables des plateformes scientifiques. Le moment est maintenant venu de reconnaître leur importance croissante dans l’offre d’occasions de perfectionnement professionnel et de cheminements de carrière structurés dans ce domaine, ainsi que leur contribution à la recherche.

Fondé en 2016, le Réseau canadien des plateformes scientifiques représente actuellement 30 établissements, 234 installations dans neuf provinces et deux réseaux pancanadiens composés de divers membres des domaines de l’ingénierie, des sciences physiques, des sciences de la vie et des sciences de la santé. Les responsables des plateformes scientifiques travaillant à ces pôles de l’écosystème de recherche collaborent avec :

1) les chercheuses principales et chercheurs principaux pour fournir des services personnalisés et des conseils spécialisés sur la technologie et les applications les mieux adaptées pour répondre aux questions de leurs projets de recherche;

2) les fabricantes et fabricants d’instruments pour veiller à ce que l’infrastructure fonctionne de façon optimale et demeure à la fine pointe de l’innovation;

3) les entreprises de réactifs pour tester et optimiser les produits et fournir des commentaires sur ceux-ci;

4) les étudiants et étudiantes aux cycles supérieurs, les chercheuses postdoctorales et chercheurs postdoctoraux (personnel hautement qualifié [PHQ]), et les professionnelles et professionnels de la recherche en offrant de la formation sur les services ou l’utilisation de l’infrastructure et du soutien relatif à la conception expérimentale et à l’analyse des données;

5) la direction des établissements pour présenter des demandes de financement, puis pour tester et confirmer les meilleurs services et l’infrastructure requis pour répondre aux besoins des équipes de recherche, et formuler des recommandations à cet égard.

Défis pour les responsables des plateformes scientifiques

Il est clair que les responsables des plateformes scientifiques assument de nombreuses fonctions, accomplissent diverses tâches (conception expérimentale, gestion, formation et éducation, transfert de connaissances, élaboration et innovation des méthodes, gestion de la qualité, promotion d’intérêts et sensibilisation, innovation technologique) et agissent comme point central dans l’environnement interdisciplinaire. Ces personnes viennent souvent des laboratoires de recherche, où elles ont démontré leur aptitude à faire progresser la technologie et à former du PHQ, tout en offrant du soutien dans le cadre de plusieurs projets.

Malgré leur contribution essentielle à l’avancement des connaissances scientifiques, les responsables des plateformes scientifiques occupent généralement des postes dont la description et les perspectives de carrière ne correspondent pas à leurs compétences hautement spécialisées et à leurs diverses responsabilités (technicienne et technicien, associée et associé de recherche). Les universités et les établissements ont peu, voire pas du tout, d’occasions de perfectionnement professionnel s’adressant à ces professionnelles et professionnels de la recherche. En outre, les publications ne reconnaissent habituellement pas les responsables des plateformes scientifiques à titre d’auteures ou d’auteurs, et ce, malgré leur contribution intellectuelle importante. Ces personnes sont souvent exclues de l’élaboration et de la rédaction des propositions de financement et ne peuvent généralement pas agir à titre de codemandeuses pour les demandes de subventions de recherche. Contrairement au PHQ, les responsables des plateformes scientifiques ont peu d’options de financement de la mobilité pour participer à des cours, à des conférences ou à des visites d’autres laboratoires ou plateformes pour apprendre et mettre en commun leurs expériences. Pourtant, les responsables et les plateformes scientifiques font partie intégrante de la perception de tout mécanisme de financement des frais « de fonctionnement », y compris celui des organismes subventionnaires, et garantissent que l’infrastructure de recherche de pointe est offerte « clé en main » aux équipes de recherche, tandis que les frais liés aux services ou aux utilisatrices et utilisateurs ne couvrent qu’une fraction des coûts de fonctionnement réels en raison du budget limité issu des subventions.

La Fondation canadienne pour l’innovation (FCI) offre du financement pour l’exploitation et l’entretien de nouvelle infrastructure à hauteur de 12 pour cent du coût total du projet. Ce financement est souvent utilisé pour payer le salaire des responsables des plateformes scientifiques, mais ces personnes sont responsables de nombreux instruments et offrent du soutien à un grand nombre d’utilisatrices et d’utilisateurs, souvent seules en termes de personnel. Les subventions de recherche des chercheuses principales et chercheurs principaux ainsi que les revenus issus des services, de la formation et de l’utilisation des instruments constituent habituellement le reste de leur salaire. Par conséquent, le salaire annuel des responsables des plateformes scientifiques provient souvent de multiples sources avec des budgets variables, offrant une faible sécurité d’emploi.

Saluer le travail des responsables des plateformes scientifiques

Pour aider à relever certains de ces défis, les membres du réseau international Global BioImaging ont récemment publié le rapport intitulé « Charting a course for success: International recommendations for Imaging Scientist Careers in core facilities » (tracer une voie vers la réussite : recommandations internationales pour les scientifiques en imagerie dans les installations centrales). Bien qu’elles aient été rédigées à l’intention des scientifiques en imagerie travaillant dans les plateformes, les recommandations s’appliquent aux responsables des plateformes scientifiques, peu importe leur domaine de recherche. S’appuyant sur des études de cas réalisées dans le monde entier, où des cheminements de carrière clairs élaborés, mis en place et promus avec succès ont eu d’immenses retombées positives sur les résultats de recherche, le rapport présente des directives pour recruter et retenir les meilleurs talents, des suggestions pour élaborer des mécanismes de financement durables, et les éléments nécessaires à la formation et au perfectionnement professionnel des scientifiques en imagerie pour assurer leur réussite. Le document du Global BioImaging fournit aux universités et aux établissements de recherche une feuille de route et un guide pour élaborer et mettre en place des cheminements de carrière pour les responsables des plateformes scientifiques.

Un autre fait encourageant : la récente annonce par la FCI d’une nouvelle source de financement pour les plateformes scientifiques (installations centrales) dans le cadre du concours de 2025 du Fonds d’innovation. Les frais liés aux activités suivantes peuvent être couverts par le financement :

1) la gestion et la coordination de la plateforme;

2) l’exploitation et l’entretien de l’équipement spécialisé;

3) les interactions avec les chercheuses et chercheurs de diverses disciplines;

4) les communications et la collaboration avec des partenaires du secteur privé;

5) la formation du PHQ en recherche au sein de laboratoires privés, publics ou universitaires.

Ce financement ciblé et cette reconnaissance claire de l’importance des plateformes scientifiques sont la première étape d’un processus important de reconnaissance du rôle essentiel que jouent les professionnelles et professionnels de la recherche comme les responsables des plateformes scientifiques dans l’écosystème de recherche au Canada.

Il est temps pour les universités et les établissements de recherche de miser sur ces progrès initiaux et d’élaborer des cheminements de carrière clairs et des mécanismes pour le perfectionnement professionnel et le financement de la mobilité, d’investir dans des postes stables financés par les établissements et de reconnaître le rôle essentiel que jouent les responsables des plateformes scientifiques dans la recherche collaborative multidisciplinaire, la formation de la prochaine génération, ainsi que l’innovation et l’accélération des découvertes scientifiques afin que le Canada reste à l’avant-garde.

Claire M. Brown, Ph. D., présidente et cofondatrice
Vidhu Sharma, Ph. D., vice-présidente
Guillaume Lesage, Ph. D., trésorier et cofondateur
Brooke Ring, M. Sc., secrétaire
Marie-Ève Paquet, Ph. D., représentante dans l’Est du Canada
Dominic Therrien, Ph. D., représentant dans le centre du Canada
Jeffrey LeDue, M. Sc., représentant dans l’Ouest du Canada
Laurence Lejeune, M. Sc., ancienne vice-présidente et cofondatrice
Derek Oliver, Ph. D., ancien secrétaire
Diane Miller, M. Sc., PMP, ancienne représentante dans l’Ouest du Canada

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