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Les 12 travaux des universités québécoises

Si l’année 2021 a été faste en matière de production de rapports sur l’université québécoise, il faudra encore attendre avant de voir où mèneront toutes ces réflexions.

par JEAN-FRANÇOIS VENNE | 17 JAN 22

En 2021, le gouvernement du Québec a présenté le rapport sur L’université québécoise du futur, dévoilé un plan sur la réussite étudiante, démarré un colossal — et controversé — programme de bourses visant à diriger les étudiants vers certains secteurs stratégiques et réalisé une commission sur la liberté académique. Que signifie cette hyperactivité?

« La bonne nouvelle, c’est que le gouvernement s’intéresse à l’université et surtout qu’il consulte et écoute les membres de la communauté universitaire, avance Jean Bernatchez, professeur en éducation à l’Université du Québec à Rimouski. Les rapports qu’il a produits sont bien documentés et bien plus nuancés que ceux concoctés dans les années 1990, très influencés par la volonté étatique de valoriser commercialement les activités universitaires. »

M. Bernatchez relève que ces documents sont très normatifs. Ils posent une vision du monde et de l’université et présentent de grandes orientations. « Le vrai défi consistera à traduire tout cela par des actions concrètes sur le terrain, croit le professeur. Ces bonnes intentions peuvent se heurter à de dures réalités. Par exemple, les universités restent en concurrence les unes avec les autres — tout comme les chercheurs d’ailleurs — notamment à cause des modes de financement. »

Quelques accrochages

Pour mieux comprendre les débats qui agitent le monde universitaire québécois, un retour sur 2021 s’impose. Le 19 février, la ministre de l’Enseignement supérieur, Danielle McCann, a déposé l’ambitieux rapport sur l’université québécoise du futur. Fruit de consultations tenues avec le milieu universitaire, ce document comporte 12 recommandations. Elles touchent le financement des établissements, l’accessibilité aux études, la liberté académique, la réussite et l’intégration du numérique.

Un rapport qui couvre un champ aussi vaste ne pouvait faire l’unanimité. La Table des partenaires universitaires (TPU) a déploré sa vision « trop étroite » du monde de l’enseignement supérieur. Selon eux, plusieurs corps d’emploi de la communauté universitaire représentés par la TPU seraient exclus, à tort, de cette réflexion sur l’avenir des universités.

La TPU s’est aussi inquiété que la principale recommandation sur le réinvestissement dans les universités ne condamne ni le financement par le biais des étudiants (lire : hausse des droits et frais de scolarité) ni les subsides venus du secteur privé. La TPU croit que cela découle d’une surreprésentation des directions universitaires lors des séances de consultation.

Trop tôt pour juger

De son côté, le Bureau de coopération interuniversitaire (BCI) a accueilli ce document avec un enthousiasme prudent. « L’implantation de certaines recommandations avance plus vite que d’autres — c’est normal — et il est encore trop tôt pour juger de l’impact global de ce rapport », estime Pierre Cossette, président du conseil d’administration du BCI et recteur de l’Université de Sherbrooke.

Il cite en exemple le financement. En mars 2021, le gouvernement québécois a injecté 668,6 millions de dollars supplémentaires sur cinq ans en enseignement supérieur. Ces nouvelles sommes visent surtout à favoriser la persévérance des étudiants, alléger leur fardeau financier et soutenir leur réussite. « Il y a donc eu certains ajouts, mais nous devrons attendre le prochain budget pour voir s’il y a une réponse à nos besoins réels », note M. Cossette.

Dans la foulée de ce rapport, les Fonds de recherche du Québec et le ministère de l’Enseignement supérieur (MES) ont octroyé une subvention de 100 000 dollars au chercheur Pierre-André Bouchard St-Amant, de l’École nationale d’administration publique. Il aura pour mandat de comparer le modèle de financement du Québec à ceux des administrations publiques les plus performantes au Canada et ailleurs dans le monde (Ontario, Colombie-Britannique, Angleterre, Allemagne, France, pays scandinaves, États-Unis – Ivy League). Selon l’appel d’intérêt, le rapport final pour cette étude est attendu en février prochain.

Une annonce surprenante

M. Cossette souligne par ailleurs les progrès du côté des projets pour favoriser le succès des étudiants. En septembre, le gouvernement du Québec a en effet dévoilé son Plan d’action pour la réussite en enseignement supérieur 2021-2026, assorti d’investissements de 450 millions de dollars. Il vise à améliorer l’accessibilité à l’enseignement supérieur, les transitions interordres et intercycles, les initiatives de soutien à la persévérance et à la réussite répondant aux besoins diversifiés de la communauté étudiante et la consolidation et le transfert des connaissances en matière de réussite. Il constitue une première pierre à l’implantation des recommandations 7 et 8 du rapport sur l’université du futur.

Le premier ministre François Legault en a toutefois fait sursauter plus d’un en annonçant son intention d’offrir, dès l’automne 2022, des bourses de 2 500 dollars par session aux étudiants qui choisissent de se diriger vers des professions ciblées, afin d’atténuer la pénurie de la main-d’œuvre dans certains secteurs. Ces bourses concernent surtout des programmes de technologies de l’information, de génie et d’éducation. En incluant les subsides versés aux étudiants collégiaux et universitaires, le coût de cette mesure s’élève à 1,7 milliard de dollars sur quatre ans.

Le gouvernement a rapidement croulé sous les accusations de « marchandiser le savoir », de négliger les sciences humaines et sociales et de dévaloriser certains secteurs d’emploi. On peut surtout se demander si de telles initiatives n’enlèvent pas du poids à la grande consultation qui a préparé la parution du rapport sur l’université du futur. En effet, si le gouvernement a discuté, à huis clos, de son projet Perspective Québec avec les recteurs, celui-ci n’a pas fait l’objet de débats lors des journées de réflexion sur l’université du futur et n’apparaît pas dans le document. Il s’agit pourtant d’un changement d’orientation majeur.

Pomme de discorde

Le même genre de question se pose en ce qui concerne la liberté académique. Les consultations sur l’université du futur ont montré un consensus au sujet de l’importance de protéger la liberté académique. Elles ont surtout fait apparaître des divergences d’opinions quant aux moyens à prendre pour y arriver. Alors que certains intervenants, notamment la Fédération québécoise des professeures et professeurs d’université (FQPPU), réclament une loi, d’autres, dont les recteurs, rejettent cette idée. Les recteurs souhaitent conserver leur autonomie dans l’encadrement de cette liberté.

Encore une fois, le gouvernement a décidé d’avancer avec sa propre démarche. En décembre, la Commission scientifique et technique indépendante sur la reconnaissance de la liberté académique dans le milieu universitaire (Commission Cloutier) a recommandé que le gouvernement légifère sur la liberté académique. Très large, cette loi définirait la liberté académique et les responsabilités qu’elle entraîne pour les membres de la communauté universitaire.

Toutes ces initiatives et ces plans d’action ne risquent-ils pas, en fin de compte, de manquer de cohérence? « Le défi est de s’assurer que tous ces projets convergent et qu’ils ne créent pas trop d’effets secondaires indésirables », admet M. Cossette.

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