Désinscription de 104 personnes étudiantes
à l’UQAC: maladresse ou nécessité?

Il s’agit de la première fois dans l’histoire des universités québécoises que l’on assiste à une désinscription massive de personnes étudiantes. 

07 janvier 2025
Illustration de : Edward Thomas Swan

À la fin du mois de novembre, l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) a procédé à la désinscription de 104 personnes étudiantes, dont 65% provenant de l’étranger.  Une démarche qui suscite de nombreuses interrogations sur les politiques de paiements ainsi que sur les communications entre l’administration et les personnes étudiantes. 

« C’est correct de demander aux gens de payer leurs droits de scolarité, mais l’UQAC a changé les règles en cours de session », déplore Étienne Paré, président de l’Union étudiante du Québec. « Quand il y a eu des discussions à ce sujet il y a quelques mois avec l’UQAC, il n’y avait aucune mention d’un renvoi immédiat. La manière dont cela a été fait est maladroite et cavalière. On explique mal ce changement drastique ». 

Pour plusieurs personnes étudiantes provenant de l’étranger, cette décision de l’UQAC provoque de lourdes conséquences. « On s’entend que, pour les étudiants québécois, les conséquences sont nettement moins élevées que pour les étudiants internationaux quand on parle d’expulsion.  C’est une mesure draconienne pour punir un ou deux cas d’exception. Il faut arrêter de faire de la politique sur le dos des étudiants internationaux », plaide le responsable. 

L’institution défend sa décision. « La majorité des personnes désinscrites n’avaient encore aucun paiement au dossier », précise Marie-Karlynn  Laflamme , directrice des Affaires publiques de l’UQAC. « Quatre personnes inscrites ne se sont jamais présentées à l’UQAC, mais nous sommes d’accord que l’avis était très court. Nous sommes préoccupés par la saine gestion de notre université et l’équité quant aux modalités de paiement ». 

À titre de rappel, l’Université du Québec à Chicoutimi présente un déficit de 6,4 millions de dollars pour l’année financière 2023-2024. 

Un manque de communication ? 

Le 25 septembre 2024, l’établissement a annoncé un changement majeur dans les modalités de paiement des droits de scolarité.  Les personnes étudiantes devaient obligatoirement payer 60 % des droits avant le 3 octobre 2024. Si elles ne respectaient pas cette échéance, elles se voyaient désinscrites de l’université, malgré les factures émises en juillet et août qui mentionnaient d’une pénalité de 25$ par tranche de retard.  Il en allait de même si le deuxième versement n’était pas acquitté avant le 7 novembre. Cependant, le 3 octobre, l’UQAC a prorogé la date de désinscription au 25 octobre. Le 23 octobre, plus de 700 personnes étudiantes se sont mobilisées pour débattre des questions reliées aux droits de scolarité lors d’une assemblée générale spéciale. L’événement a abouti sur la création d’un comité de mobilisation. 

« Il faut arrêter de faire de la politique sur le dos des étudiants internationaux ».

Selon l’association étudiante de l’UQAC, le MAGE-UQAC, les droits de scolarité des personnes étudiantes internationales ont augmenté de 12 % au cours de la dernière année, les obligeant désormais à débourser plus de 10 000 $ par session. Cette hausse a entraîné des droits de scolarité pouvant dépasser 1 500 $ supplémentaires par session pour certaines personnes étudiantes, qui doivent désormais payer 10 300 $ au lieu de 8 700 $. L’UQAC a toutefois nié que cette augmentation ait été mise en place pour réduire son déficit. 

Un étudiant finissant à la maîtrise qui a déboursé près de 40 000 $ en droits de scolarité depuis septembre 2023 partage son expérience. « Je dois dire que tout ça me laisse un goût amer, même les universités que l’on pourrait qualifier de moins prestigieuses ne traitent pas leurs étudiants, leurs « clients », de cette manière ». L’étudiant finissant désire garder l’anonymat. Il déplore le manque de transparence de la part de l’administration de l’université ainsi que de l’Association étudiante. « On cherche des réponses et des solutions, mais tout ce qu’on nous répond, c’est qu’on aurait dû avoir les capacités financières avant de venir ici. Pourtant, une fois arrivés au Canada, nous avons découvert que les droits de scolarité avaient augmenté entre 16 % et 20 % pour certains, sans aucun avertissement ni communication. La calculatrice de simulation des coûts a été enlevée de la plateforme quand nous avions commencé à contester l’augmentation. Encore une fois, les personnes étudiantes internationales sont traitées comme des vaches à lait, et leur réputation en pâtit. On en est rendu à faire porter tous les torts aux étudiants internationaux ». L’étudiant venu d’Afrique ne fait pas partie des personnes expulsées, mais demeure inquiet pour ses congénères. « Plusieurs ne dorment plus, et vivent un stress immense, en plus d’être démotivés ».  

« On peut se demander pourquoi l’UQAC est la seule université au Québec à en être rendue là », s’interroge Alexandre Beaupré-Lavallée, professeur agrégé en administration de l’enseignement supérieur à l’Université du Québec à Montréal.  « Même si je maîtrise assez bien la notion de financement, il y a des petites choses qui ne sont pas claires. Mais j’en suis venu à la seule explication que le fait de désinscrire ces étudiants soulagerait la dette de l’université, qui doit remettre 610 $ au Ministère de l’Éducation pour chaque crédit universitaire d’un étudiant international ». Si la personne étudiante ne paye pas ses droits de scolarité, l’UQAC doit tout de même transférer cette somme au gouvernement du Québec. 

Une hypothèse que l’université confirme. « Pour l’année budgétaire en cours, c’est effectivement le cas », affirme Mme Laflamme. « De plus, la désinscription évite le recours à des mécanismes administratifs qui ne sont pas à valeur ajoutée, comme le recours au recouvrement, par exemple ». 

Dans la section réservée aux comptes en souffrance du site internet de l’UQAC, on peut lire « qu’il est essentiel d’acquitter les frais liés à votre facture (incluant les soldes antérieurs à votre dossier) avant la date d’échéance de paiement prévue au calendrier universitaire à défaut de quoi l’Université se réserve le droit de procéder sans autre avis ni délai à l’annulation de votre inscription ». 

« Dans les faits, l’UQAC est la seule université québécoise à avoir cette clause dans leur politique », explique M. Beaupré-Lavallée.  « Ce qui fait que d’un point de vue d’une personne qui travaille sur la gouvernance, cette particularité de l’UQAC n’a peut-être pas été assez mise en évidence. Quand il y a une clause qui vous distingue des autres, il y a un effort de communication à faire. » 

Par ailleurs, ce dernier rappelle que les établissements d’enseignement n’ont aucune responsabilité de soutenir financièrement les personnes étudiantes provenant de l’international. « Ces dernières sont censées arriver sans avoir besoin d’aide. Certaines universités font une contre-vérification des moyens financiers des étudiants ». L’UQAC ne procède pas à ces vérifications. 

L’établissement a précisé que les étudiantes et étudiants désinscrits qui avaient déjà payé un certain montant pour la session en cours ont été remboursés et qu’ils pourront revenir aux études en janvier prochain s’ils ont payé la totalité de leur dû. 

Des réajustements en vue 

Lors de l’assemblée générale du MAGE-UQAC, le 27 novembre dernier, la communauté étudiante de l’UQAC a voté en faveur des propositions de la direction d’étaler les paiements des droits de scolarité dans le futur au lieu de payer deux gros montants mais s’opposait à la désinscription.  

L’UQAC fera le point sur la situation au cours du mois de janvier 2025. 

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