La recherche sur la COVID-19 met d’autres projets sur la glace

Des professeurs s’inquiètent de l’interruption de leurs travaux de recherche – et des répercussions sur les étudiants aux cycles supérieurs.

06 avril 2020
Chemical laboratory

La propagation rapide de la COVID-19 a entraîné une vague de projets de recherche novateurs sur le sujet. Toutefois, cette recherche se fait au détriment d’autres études essentielles en santé, alors que les universités et les instituts de recherche demandent à leur personnel de consacrer leurs ressources aux projets sur la COVID-19 lorsque c’est possible et de suspendre les autres activités.

Bien que les chercheurs de partout au pays conviennent que cette réaction est appropriée, la pandémie a des incidences majeures sur leur travail.

« En une semaine, il a fallu interrompre tous nos programmes de recherche », relate Gianni Parise, doyen associé à la recherche de la faculté des sciences de l’Université McMaster. Cependant, les projets liés à la COVID-19 et les essais sur les patients exigeant une surveillance étroite se poursuivent.

« C’est sans contredit le problème le plus important avec lequel j’ai dû composer », précise M. Parise.

Jess Haines, professeure agrégée au département de relations familiales et de nutrition appliquée de l’Université de Guelph et codirectrice de l’étude sur la santé familiale de Guelph, dit avoir reçu l’ordre d’interrompre de multiples études sur les comportements familiaux liés à la santé, y compris une étude portant sur le stress chez les enfants, qui devait commencer juste avant que la pandémie de COVID-19 ne frappe.

« Nous allions commencer le recrutement. L’étude avait pour but de comprendre comment le stress chez les jeunes enfants influe sur leurs comportements et leur santé », explique Mme Haines tout en faisant remarquer que les résultats de cette étude auraient pu être pertinents pour les conséquences de la COVID-19.

Des chercheurs en laboratoire ont également vécu des situations semblables, selon Meaghan Jones, professeure adjointe en biochimie et médecine génétique à l’Université du Manitoba. Mme Jones menait une étude expérimentale à long terme sur les animaux qui devait se conclure au début d’avril et employait jusqu’à 300 heures-personnes de travail. Elle a toutefois pris l’initiative de cesser les activités deux semaines plus tôt que prévu.

« Ce fut un dur coup pour le laboratoire sur le plan des travaux, se désole Mme Jones. C’est une triste décision, mais je crois que c’était la bonne. »

Andreas Laupacis, rédacteur en chef du Journal de l’Association médicale canadienne et chercheur à l’hôpital St Michael’s de Toronto, souligne que de nombreux collègues cliniciens sont maintenant appelés à lutter contre la COVID-19. « Si nos prévisions sont justes, ces personnes passeront plus de temps en première ligne qu’à écrire », dit M. Laupacis.

Vu les interruptions, de nombreux bailleurs de fonds canadiens ont accepté de prolonger le financement des projets qui ont de fortes chances de reprendre après la crise. C’est le cas des trois organismes subventionnaires canadiens (les Instituts de recherche en santé du Canada, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie et le Conseil de recherches en sciences humaines).

Les IRSC, par exemple, ont annoncé le 2 avril qu’ils avaient entièrement annulé leur concours de subventions de projet pour le printemps 2020. De plus, à compter de maintenant, l’agence de financement a automatiquement appliqué une prolongation d’un an à toutes les subventions actives et a suspendu les initiatives de financement stratégiques existantes pendant trois mois (à l’exception des programmes liés à la COVID-19).

Mme Haines pense que les chercheurs devront réévaluer la pertinence et la validité des études entreprises avant l’arrêt des activités. Elle explique qu’elle pourrait elle-même réorienter ses travaux pour étudier les répercussions de la COVID-19 sur le comportement des familles.

M. Parise de l’Université McMaster affirme qu’en plus d’être touché par ce coup dur pour la recherche, il s’inquiète beaucoup pour le financement des étudiants aux cycles supérieurs. « Avant la crise, certains de nos étudiants étaient en voie de terminer leurs travaux avant la fin de leur cycle de financement. Or, plusieurs d’entre eux ne pourront probablement plus y parvenir. »

Afin de maintenir la dynamique, M. Parise incite les membres de son laboratoire de kinésiologie à continuer de travailler sur divers aspects de leurs projets, comme les analyses documentaires.

L’équipe du laboratoire de Mme Jones à Winnipeg se tourne maintenant vers la planification des prochains travaux de recherche. « Nous devions lancer deux projets de recherche cet été, mais nous avons simplement repoussé la date de début. Nous serons donc très bien préparés quand les travaux débuteront. »

M. Laupacis voit aussi la crise comme une occasion pour les chercheurs de faire avancer des projets en travaillant de la maison : « Ceux qui ne travaillent pas en laboratoire pourraient enfin avoir le temps de se consacrer aux articles qu’ils voulaient écrire depuis longtemps. »

Bien qu’il faille tirer le maximum de la situation actuelle, Mme Haines a déconseillé aux membres de son équipe de travailler sans relâche pendant le confinement. « Je me souviens d’un excellent conseil de mon superviseur de thèse, qui m’avait dit : “Ne fais pas que ça de tes journées”. Il faut rester en contact entre nous et avec d’autres personnes aussi. Les liens sociaux atténuent le stress et nous aident à garder le moral. »

Comme le disent Mmes Jones et Haines, il n’y a pas que la recherche dans la vie. Mme Haines nous donne d’ailleurs le conseil suivant : « Faites des choses frivoles qui vous font rire. »

Allison Daniel est candidate au doctorat à l’Université de Toronto et journaliste dans le cadre du programme de certificat sur les incidences sur la santé de l’École de santé publique Dalla Lana.

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