L’Université de Sudbury sur la voie de l’indépendance
Le conseil des régents a choisi un professeur d’histoire mis à pied par l’Université Laurentienne pour mener à bien la transformation annoncée de l’établissement.
L’historien Serge Miville est, depuis le 21 juin, le nouveau recteur de l’Université de Sudbury. Le travail qui attend le dirigeant de 35 ans est titanesque, puisque l’établissement est en plein milieu d’un combat pour sa survie.
Le choix est symbolique à plusieurs niveaux. L’Université de Sudbury, qui veut devenir la troisième université de langue française en Ontario — après l’Université de Hearst et l’Université de l’Ontario français à Toronto —, a choisi un Franco-Ontarien originaire de la petite ville nord-ontarienne et largement francophone de Smooth Rock Falls. Celui-ci fait partie de la centaine de professeurs qui ont perdu leur emploi à l’Université Laurentienne le 12 avril dernier. L’ancien titulaire de la Chaire de recherche en histoire de l’Ontario français critique ouvertement l’attitude et les décisions de l’administration de la Laurentienne depuis l’été 2020.
Une université qui retrouve son indépendance
Jusqu’au 2 mai 2021, le destin de l’Université de Sudbury était lié à celui de l’Université Laurentienne, et ce, même si la première est beaucoup plus vieille que la deuxième.
Le Collège du Sacré-Cœur a été fondé par les Jésuites à Sudbury en 1913, au début de la crise du Règlement XVII, qui interdisait l’enseignement en français en Ontario. Dès le début, la charte du collège classique lui donne le droit de décerner des diplômes universitaires. Ce qu’il fera très rapidement grâce à une association avec l’Université Laval.
Les Jésuites se servent de cette charte universitaire pour créer l’Université de Sudbury en 1957. Pendant trois ans, elle a décerné des diplômes de façon autonome. Afin d’avoir accès au financement du gouvernement provincial, les trois universités religieuses de Sudbury — Thorneloe, Huntington et Sudbury — s’associent en 1960 pour créer une université laïque. Ces quatre établissements ont ensuite formé la Fédération de l’Université Laurentienne afin de définir les règles de leur union.
Si le choc a été si brutal le 1er avril, lorsque l’Université Laurentienne a annoncé qu’elle mettait fin unilatéralement à la Fédération, c’est parce qu’elle abandonnait à la fois ses fondateurs et une entente que ces derniers considéraient comme permanente.
La Laurentienne maintient que cette décision était essentielle à sa restructuration amorcée le 1er février — et toujours en cours — sous la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC). Elle estime pouvoir ainsi conserver environ 7 millions de dollars qu’elle aurait généralement transférés aux universités fédérées.
Malgré les contestations judiciaires des universités Thorneloe et de Sudbury — Thorneloe fait présentement appel d’un premier verdict —, la décision a été entérinée par la Cour supérieure de l’Ontario et la séparation remonte au 2 mai.
Cette décision prive donc l’Université de Sudbury de financement gouvernemental et elle est dans l’incapacité d’offrir des cours pour l’instant.
Sauver par, pour et avec les Franco-Ontariens
Dès le début de son processus de restructuration, l’Université Laurentienne avait signalé son désir de revoir les modalités de la Fédération. Dans le but de se protéger, l’Université de Sudbury avait à son tour annoncé le 12 mars offrir sa charte à la communauté francophone et abandonner sa vocation religieuse pour devenir une université de langue française, et ce, après avoir été bilingue depuis 1963.
Précisément un mois plus tard, la Laurentienne annonçait l’abolition de près de la moitié de ses programmes de langue française. C’est alors que l’Université de Sudbury et la Coalition nord-ontarienne pour une université de langue française ont demandé au gouvernement de l’Ontario de transférer « tout ce qui se faisait en français à la Laurentienne » à l’Université de Sudbury. C’est-à-dire aussi bien les programmes coupés que ceux qui existent encore.
La requête dépasse la question de la survie de l’université maintenant francophone, elle est également motivée par le fait que la communauté franco-ontarienne ne fait désormais plus confiance à la Laurentienne. La démonstration n’est plus à faire pour elle : les francophones n’ont pas le contrôle de leur avenir dans un établissement bilingue.
En tant qu’historien, M. Miville est au fait des nombreux combats des Franco-Ontariens pour la défense de leur langue et de leur culture. Il n’a « jamais vu une communauté aussi unanime autour d’un projet, la communauté est 100 pour cent derrière nous ».
En plus de compter sur cet appui, l’Université de Sudbury aura peut-être encore plus d’arguments pour convaincre le gouvernement dans quelques mois. La Commissaire aux services en français de l’Ontario a annoncé le 16 juin qu’elle mènerait une enquête concernant les coupes des programmes en français à la Laurentienne. Elle entend ainsi déterminer si l’Université, le ministère des Collèges et des Universités et le ministère des Affaires francophones ont respecté leurs obligations face à l’établissement partiellement désigné en vertu de la Loi sur les services en français depuis 2014.
Bien que l’Université de Sudbury ait entamé l’élaboration d’un plan d’affaires en avril, le gouvernement ontarien a jusqu’ici seulement démontré une ouverture à écouter les doléances des Franco-Ontariens. De son côté, l’Université Laurentienne refuse de se départir des programmes en français — et des 12 millions de dollars de financement fédéral pour les langues officielles qui y sont liés. La ministre fédérale des Langues officielles, Mélanie Joly, a rendu disponible du financement pour aider à régler la situation, mais accuse le gouvernement provincial de ne pas engager la discussion.
Pourtant, le temps presse pour l’Université de Sudbury et son tout nouveau recteur, qui caressent toujours la possibilité d’offrir des cours en septembre 2021. « On va tout faire, dit-il. Trouver des solutions créatives s’il le faut. Tout est possible. On est une université indépendante. Il n’y a plus de contrainte. On va explorer des partenariats, de la collaboration, on va trouver une façon et on va travailler jour et nuit là-dessus pour s’assurer qu’on garde ces jeunes-là » dans le Nord.
Les jeunes auxquels fait référence le recteur sont, dans l’immédiat, surtout ceux qui ont perdu leur programme à l’Université Laurentienne avant l’obtention de leur diplôme. Selon la Laurentienne, ce serait environ 10 pour cent de ses 9 300 étudiants qui seraient dans cette situation — francophones et anglophones confondus. Cependant, plusieurs anciens professeurs contestent cette estimation.
La place des Premières Nations
Au même moment où l’Université de Sudbury offrait sa charte aux francophones, elle offrait aussi sa charte inutilisée du Collège Lalemant aux Premières Nations.
Jusqu’au printemps, l’Université de Sudbury accueillait le deuxième plus ancien programme d’Études autochtones (en anglais) en Amérique du Nord. Les décisions de la Laurentienne ont aussi lourdement affecté les Premières Nations puisqu’elles ont forcé l’arrêt du programme. Elles aussi ne veulent plus faire affaire avec l’Université Laurentienne.
Le prédécesseur de M. Miville, le jésuite John Meehan, continuera sa collaboration avec les représentants des Premières Nations pour établir un établissement d’enseignement postsecondaire par et pour les Autochtones dans le Nord de l’Ontario. Le nouveau recteur compte bien continuer à appuyer leurs démarches.
Postes vedettes
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
- Medécine- Professeur.e et coordonnateur.rice du programme en santé mentaleUniversité de l’Ontario Français
- Médecine - Professeur(e) adjoint(e) (communication en sciences de la santé)Université d'Ottawa
- Littératures - Professeur(e) (Littérature(s) d'expression française)Université de Moncton
- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
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