Non à la fin des devoirs, dit un professeur en éducation
Abolir les devoirs? Non, croit Thierry Karsenti, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les technologies en éducation.
À chaque rentrée scolaire, la question de l’utilité et de l’efficacité des devoirs ressurgit. Certaines commissions scolaires au Québec ont même décidé de les abolir, au grand dam de Thierry Karsenti, professeur titulaire à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal. Le professeur, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les technologies en éducation, a donc décidé de recenser 300 études sur la question. Il en a retenu un peu plus de 200 pour son livre intitulé Les devoirs : ce que dit la recherche les stratégies gagnantes, l’impact des technologies, qui vise à mieux comprendre cette question afin d’aider les enseignants, les parents et les élèves à faire de cette tâche « une expérience positive et bénéfique », a expliqué le chercheur à Affaires universitaires.
Affaires universitaires: Pourquoi s’être intéressé à la question des devoirs?
Thierry Karsenti: C’est un sujet brûlant d’actualité. Les élèves n’aiment pas ça, les parents trouvent que c’est une source de conflit à la maison. Les enseignants ne savent pas trop comment se situer – on l’oublie souvent, mais les devoirs peuvent leur causer une surcharge de travail.
Plusieurs commissions scolaires au Québec se sont prononcées contre les devoirs, en disant que ce n’était pas bon pour la réussite des jeunes. Mais est-il possible que le fait de travailler davantage ne soit pas bon pour la réussite? Nous nous sommes posé la question, et avons voulu faire le point, pour déterminer si oui ou non les devoirs ont un impact sur la réussite. Nous voulions aussi comprendre toutes les nuances qui entourent la question des devoirs à l’école.
Quelles conclusions en tirez-vous? Les devoirs sont-ils bénéfiques?
T.K.: Globalement, les devoirs ont un impact positif sur la réussite. Lorsqu’on sépare le primaire et le secondaire, les devoirs deviennent un des éléments qui a le plus d’impact sur la réussite des jeunes. Dans une des méta-analyses les plus importantes sur le sujet, l’auteur, John Hattie, parle d’un facteur d’impact de 0,64 au secondaire. Si l’on simplifie, les devoirs expliqueraient plus ou moins 46 pour cent de la réussite scolaire au secondaire, ce qui est quand même beaucoup. Au primaire, le lien est beaucoup plus faible, mais il est quand même positif. Certains médias ont mal interprété cette donnée : en effet, M. Hattie n’a pas dit que l’impact était négatif, ou nul; il a dit que l’impact était négligeable. Mais le mot négligeable ne veut pas dire négatif ! Et pour être capable de faire des devoirs au secondaire, encore faut-il s’être exercé au primaire : d’où l’importance de commencer les devoirs dès le primaire.
C’est pour cette raison que nous avons voulu faire cette recherche. Il ne faut pas oublier que les balises qu’on donne ne peuvent être transposées en règles absolues. Le discernement de l’enseignant a sa place. Ces études sont tout de même importantes puisqu’elles fournissent des données qu’on appelle probantes. Mais comme enseignant ou parent, il faut comprendre que les données dites « probantes » ne sont pas toujours synonymes de preuve irréfutable, tout particulièrement en sciences humaines. Il faut donc trouver un équilibre entre celles-ci et les connaissances pratiques des enseignants.
Est-ce que les devoirs sont bons ou pas? demandent la plupart. Nous concluons que ce n’est pas la bonne question à poser! Les devoirs c’est bon, mais ça dépend du type, de la manière dont on les donne, de leur durée.
Comment les devoirs peuvent-ils être bénéfiques?
T.K : Nous avons isolé une douzaine de facteurs particulièrement importants pour que les élèves puissent profiter pleinement de leurs devoirs : entre autres, il ne faut pas qu’ils prennent trop de temps aux élèves ni qu’ils soient trop faciles ou trop difficiles. De plus, il ne faut pas accentuer les différences sociales : si l’on donne des devoirs trop difficiles, seuls les enfants plus favorisés, qui ont plus de ressources à la maison, vont pouvoir les faire. Il faut donner des devoirs où les enfants et non les parents sont véritablement les maîtres d’œuvre (parce que la tâche demandée serait trop complexe). Les devoirs doivent aussi motiver les élèves, en leur donnant des choix, en les amenant à se sentir plus compétents, ce qui favorise ultimement la réussite.
Il y a également d’autres éléments positifs qui entourent les devoirs. Les devoirs permettent aux enseignants de créer des liens avec les parents, d’établir un lien entre l’école et la maison, et aux élèves, de devenir plus organisés. Certains s’améliorent dans la collaboration avec les autres élèves, une compétence importante à développer et qui servira au secondaire, au cégep et à l’université.
Comment expliquez-vous qu’un pays comme la Finlande, où les étudiants ne font presque pas de devoirs, ait un taux si élevé de réussite?
T.K : Entendons-nous, la Finlande n’a jamais éliminé les devoirs. De plus, les élèves en difficulté doivent obligatoirement participer à de la récupération; on peut considérer ce temps de récupération comme une forme de devoir.
D’après vous, quel serait la quantité ou le type « idéal » de devoir?
T.K : C’est fort complexe à établir, mais nous avons conçu un tableau dans lequel on a mis des balises de temps. D’ailleurs, beaucoup des balises dont nous nous sommes inspirés sont basées sur la Finlande! Ce ne sont pas des règles ou des lois, mais bien des balises : l’art d’enseigner, de donner des devoirs, ne peut être régi par des recherches. Les recherches doivent servir de repères pour éclairer la pratique. Notre tableau vise donc à contrecarrer le fait que certains enseignants donnent beaucoup trop (ou trop peu) de devoirs : en 5e année du primaire, certains élèves ont 2 h de devoirs à faire le soir! C’est beaucoup trop : les recherches montrent que lorsque les devoirs deviennent chronophages, cela a un impact démotivateur qui se transposera à tout ce qui est lié à l’école. Dans notre tableau, nous recommandons par exemple 30 minutes de devoirs en 6e année du primaire, et pas nécessairement tous les soirs.
Que diriez-vous aux détracteurs qui affirment qu’il serait mieux de remplacer les devoirs par une courte période d’étude ou de lecture?
T.K: Quand on parle de « devoirs » ça regroupe un nombre de choses : devoirs, leçons, c’est la même chose. Une courte période de lecture à la maison, c’est un devoir! Au primaire, il y a énormément d’études qui ont montré que la réussite scolaire est en grande partie liée à la lecture. L’examen de français reste celui le moins réussi au Québec; en mathématiques, on peut expliquer 30 à 35 pour cent de la note par la compréhension de texte. On ne fait pas assez de lecture à l’école, il faut donc lire à la maison. Bref, les devoirs scolaires c’est une tâche de l’école qu’on exécute à la maison.
Cet entretien a été revu et condensé pour en favoriser la clarté.
Postes vedettes
- Médecine - Professeur(e) adjoint(e) (communication en sciences de la santé)Université d'Ottawa
- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
- Littératures - Professeur(e) (Littérature(s) d'expression française)Université de Moncton
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
- Medécine- Professeur.e et coordonnateur.rice du programme en santé mentaleUniversité de l’Ontario Français
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