Recherche universitaire sur les vaccins : en quoi la donne a-t-elle changé?
La COVID-19 a engendré son lot d’occasions et de défis.
En 2019, l’École de médecine et de dentisterie Schulich de l’Université Western a inauguré un laboratoire de confinement à la fine pointe d’une valeur de 16 millions de dollars destiné à l’étude des maladies infectieuses.
« C’est de la folie. Vous perdez du temps et de l’argent », ont dit certaines personnes au professeur Eric Arts pendant la construction de ce laboratoire de 7 000 pieds carrés, qui comprend des installations de confinement de niveau 2+ et de niveau 3.
Quelques mois plus tard, les projets entrepris au laboratoire ne manquaient pas : on y mettait à l’essai des antiviraux, des vaccins et des médicaments contre la COVID-19 au nom de 35 sociétés différentes. « Les installations du genre étaient très rares au Canada. Et nous étions prêt.e.s à aider », raconte M. Arts, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la pathogenèse du VIH et la régulation virale.
Depuis, l’Université Western a reçu une enveloppe additionnelle de 16 millions de dollars du gouvernement fédéral pour l’aménagement d’une installation consacrée à l’étude de la propagation des pathogènes. M. Arts et ses collègues s’emploient en outre à créer la première banque de semences de vaccin du monde, où seront emmagasinés des milliers de semences de vaccin prêts à être reproduits en cas d’éclosion ou de pandémie.
Ces trois dernières années, les universitaires étudiant les vaccins ont profité d’un intérêt et d’investissements jamais vus. Pour ce champ jadis sous-financé, l’année 2020 a déclenché une importante arrivée de fonds, dont 887 millions de dollars du gouvernement fédéral, par l’intermédiaire de la Stratégie en matière de biofabrication et de sciences de la vie.
« La pandémie a rappelé au monde entier l’incidence des maladies infectieuses sur notre quotidien », explique Volker Gerdts, directeur et président-directeur général de l’Organisation de recherche sur les vaccins et maladies infectieuses (VIDO) de l’Université de la Saskatchewan. Il se souvient d’avoir averti pendant des années les gouvernements et d’autres entités qu’une pandémie s’annonçait et que le Canada n’y était pas prêt. Peu l’ont cru.
Anna Blakney, professeure adjointe aux laboratoires Michael Smith (un département interdisciplinaire de biotechnologies) à l’Université de la Colombie-Britannique, a commencé à étudier les vaccins à ARN en 2016, un champ d’intérêt alors plutôt restreint. « Les vaccins étaient un sujet beaucoup moins populaire à l’époque. Maintenant, tout le monde comprend leur importance et leur incidence. » En effet, Santé Canada a approuvé des vaccins contre le virus respiratoire syncytial (VRS) et le virus Ebola cette année.
La pandémie de COVID-19 a contribué à l’élaboration de nouvelles approches de développement et à l’établissement de plateformes efficaces, mais elle a également entraîné une pression publique de plus en plus complexe.
La mise au point d’un vaccin est maintenant éclairée par cette expérience récente. « J’en ai assez d’être en mode réactif. Pendant deux ans, j’ai travaillé 70 heures par semaine et je suis exténué. Nous devons favoriser certaines prises de conscience pour ne plus jamais vivre la même chose », commente M. Arts, qui a récemment pu consacrer plus de temps à sa recherche sur le VIH.
M. Gerdts et son équipe ont aussi adopté une nouvelle vision des choses. « La façon de mettre au point les vaccins a changé. Ils doivent offrir ce qu’on appelle une “protection large”, c’est-à-dire être efficaces contre plusieurs souches et, idéalement, contre plusieurs agents pathogènes. Nous n’avons plus le luxe d’élaborer des vaccins sur cinq, huit et encore moins 10 ans. » Un vaccin rapidement mis au point pourrait contenir une éclosion et prévenir une pandémie ou du moins la ralentir jusqu’à ce qu’un vaccin plus ciblé soit développé.
Les groupes qui ont réussi à élaborer des vaccins contre la COVID-19 disposaient tous d’installations internes de production. La VIDO a reçu du financement pour en ouvrir une l’an dernier, tandis que le Conseil national de recherches a construit un tel centre à Montréal en 2021. « Un centre comme le nôtre peut mettre en application des travaux de recherche prometteurs et lancer les premières étapes de production », explique M. Gerdts. La VIDO tirera parti de ses installations pour mettre au point un vaccin pancoronavirus et un autre contre une maladie bactérienne qui touche les vaches en Afrique subsaharienne.
L’Université McMaster dispose depuis longtemps d’un centre de biofabrication, qui a permis aux chercheurs et chercheuses de développer un vaccin inhalé contre la COVID-19. Efficace contre divers variants, il limite la propagation du virus. À l’heure actuelle, les essais de phase 1 de ce nouveau vaccin achèvent et le financement de la phase 2 est déjà assuré.
Professeur agrégé de biochimie et de sciences biomédicales, Matthew Miller estime que le financement et les infrastructures au Canada se prêtent mieux à l’élargissement de la portée d’une invention médicale auprès de partenaires de l’industrie. « Les universitaires font excellente figure en matière d’innovation, mais beaucoup moins au moment de la commercialisation parce que ce n’est tout simplement pas leur travail », explique celui qui était titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les pandémies virales en 2022. Grâce au soutien que le gouvernement fédéral a accordé à deux nouveaux centres de fabrication de vaccins, soit Sanofi en Ontario et Moderna au Québec, l’innovation et la fabrication en sol canadien sont maintenant choses possibles. Or, ce parcours a été semé d’embûches : le seul vaccin contre la COVID-19 fait au pays n’a jamais été administré. Son fabricant, Medicago, a fermé ses portes au début de 2023, ses liens avec le tabac ayant causé sa perte.
Il n’en demeure pas moins que le succès des vaccins à ARN messager contre la COVID-19 a changé le visage de la science. « Le monde entier était rivé à son siège en 2020. Rien ne garantissait qu’ils fonctionneraient », explique Mme Blakney, qui se rappelle que les premières données n’étaient pas particulièrement convaincantes. Elle estime que sans pandémie, il aurait fallu 10 ans pour mettre au point un vaccin à ARN messager.
Désormais, la plateforme à ARN messager n’est plus « un facteur imprévisible » et elle éclaire un vaste éventail de travaux de recherche médicale. Personne n’a réussi à élaborer un vaccin à ARN messager contre une bactérie, mais son laboratoire travaille à mettre au point un vaccin contre la chlamydia. Mme Blakney étudie en outre la possibilité d’utiliser l’ARN messager pour encoder des anticorps et créer un traitement ciblé contre le cancer de l’ovaire.
Si le vaccin à vecteur viral contre la COVID-19 créé par AstraZeneca s’est avéré décevant, étant donné ses effets secondaires rares mais dangereux, M. Miller estime qu’une fois ce fait connu, les laboratoires de recherche disposent d’une autre plateforme valide.
Il considère par ailleurs la mise au point du vaccin contre le VRS comme une réussite confidentielle, mais impressionnante. « Il y a des décennies, un vaccin contre le VRS a été produit, mais il est apparu qu’il accentuait plutôt la maladie. Cet échec retentissant a ralenti le développement d’autres vaccins. » Selon M. Miller, la solution à cette impasse représente une « innovation majeure dans le domaine des vaccins ».
Les chercheurs et chercheuses s’intéressant aux vaccins comprennent maintenant mieux les perceptions complexes qu’ont le grand public de leurs travaux. « Ce qui nous a le plus surpris, c’est que nous avons élaboré des vaccins en un temps record, mais que les gens ont refusé de les recevoir », raconte M. Gerdts. Ces dernières années, M. Arts a vu des personnes en Ouganda, d’abord enthousiasmées à l’idée de recevoir un nouveau vaccin qui pourrait sauver leur vie, faire preuve de réticence après avoir lu de l’information erronée sur les médias sociaux.
Mme Blakney croit que les parties prenantes du secteur devraient parfaire leurs aptitudes pour la communication scientifique. « Nous devons mieux tenir la population au courant des avancées pour qu’elle puisse comprendre et accepter ces technologies. »
Comme ces expert.e.s le savent, il s’agira maintenant d’accomplir d’importants travaux avant la prochaine urgence sanitaire. « On peut s’attendre à une contraction naturelle de l’intérêt et du financement, conclut Mme Blakney. Ce sont les hauts et les bas de la science. »
Postes vedettes
- Littératures - Professeur(e) (Littérature(s) d'expression française)Université de Moncton
- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
- Medécine- Professeur.e et coordonnateur.rice du programme en santé mentaleUniversité de l’Ontario Français
- Médecine - Professeur(e) adjoint(e) (communication en sciences de la santé)Université d'Ottawa
Laisser un commentaire
Affaires universitaires fait la modération de tous les commentaires en appliquant les principes suivants. Lorsqu’ils sont approuvés, les commentaires sont généralement publiés dans un délai d’un jour ouvrable. Les commentaires particulièrement instructifs pourraient être publiés également dans une édition papier ou ailleurs.