Un an après la tragédie du vol 752, la douleur persiste

Les universités marquent le premier anniversaire de l’écrasement de l’avion en Iran qui a touché durement le milieu universitaire canadien.

09 février 2021

En 2020, Zahra Abbasi, chercheuse postdoctorale à l’Université de Waterloo, a vu ses travaux publiés dans six revues différentes. Chaque fois, elle retombait dans le chagrin car, parmi les noms des coauteurs figurait celui de sa mentore Mojgan Daneshmand. « Je lui dédie l’ensemble de mes travaux », a déclaré Mme Abbasi.

Mme Daneshmand et son mari Pedram Mousavi, tous deux professeurs de génie à l’Université de l’Alberta, faisaient partie, avec leurs deux filles, des 176 personnes tuées à bord du vol 752 de la Ukraine International Airlines qui a été abattu par un missile sol-air quelques minutes après avoir décollé en Iran le 8 janvier 2020.

Parmi les victimes, 138 avaient des vols de correspondance vers le Canada, dont des dizaines d’étudiants, de professeurs et de diplômés d’au moins 21 établissements postsecondaires canadiens.

Hommages aux victimes

Pour marquer le premier anniversaire de la tragédie, des universités de partout au pays ont rendu hommage aux victimes. Sur de nombreux campus, les drapeaux ont été mis en berne, et des rassemblements publics et privés ont été organisés en ligne.

« Nous continuons tous à travailler, à apprendre et à enseigner en leur hommage, et à perpétuer leur héritage, a affirmé le recteur de l’Université de l’Alberta, Bill Flanagan. Jamais nous n’oublierons la contribution de ces personnes remarquables. »

À l’Université de l’Alberta, où le campus est en grande partie désert en raison des restrictions liées à la COVID-19, les étudiants et le personnel ont été invités à se recueillir en souvenir des 10 étudiants et professeurs tués dans l’écrasement.

À Toronto, 176 représentants des familles des victimes ont marché du campus du centre-ville de l’Université de Toronto jusqu’à l’hôtel de ville – un rassemblement public et en personne inhabituel en ces temps de pandémie. Les participants portaient des masques ornés d’un avion traversant un cœur, et brandissaient des photographies grand format des victimes.

À Windsor, en Ontario, la Ville s’est associée à l’Université de Windsor pour installer le long de la rivière une plaque rendant hommage aux cinq étudiants et universitaires de l’établissement qui ont perdu la vie en rentrant de vacances. « Ils incarnaient tout ce que nous chérissions – l’espoir d’un avenir rempli de détermination et de réussites, et dans lequel les rêves se concrétisent », a témoigné Rob Gordon, recteur de l’Université de Windsor.

Les étudiants et le personnel sont encore éprouvés par le deuil. Mme Abbasi, de l’Université de Waterloo, a d’ailleurs raconté avoir eu du mal à terminer les derniers mois de son doctorat et avoir souffert d’attaques de panique.

Un héritage à perpétuer

Après avoir perdu sa partenaire, Saba Saadat, étudiante à l’Université de l’Alberta, dans la catastrophe, Daniel Ghods-Esfahani a interrompu ses études de médecine à l’Université de Calgary pour se rapprocher de sa famille et de ses amis à Edmonton. Il a pris une année de congé et a travaillé avec l’Association des familles des victimes du vol PS752. Cet automne, il a repris ses études, mais à l’Université de l’Alberta. Il fera partie de ce qui aurait pu être, en 2024, la promotion de Mme Saadat, qui a reçu sa lettre l’invitant à une entrevue d’admission à l’école de médecine après son décès. « Je ressens l’obligation morale de continuer dans ce domaine, d’une certaine façon, pour nous deux », a-t-il expliqué.

D’autres poursuivent les travaux de recherche qu’avaient entamés certaines victimes, et qui sont aujourd’hui freinés par la pandémie. Meghan Riddell, professeure adjointe au Département d’obstétrique et de gynécologie de l’Université de l’Alberta, a présenté un article issu des travaux de recherche de Mme Saadat sur le placenta et les complications de la grossesse. « Elle était comme une doctorante dans la peau d’une étudiante de premier cycle », a affirmé Mme Riddell.

En juin 2020, Mme Saadat et quatre autres étudiants de l’Université de l’Alberta tués dans l’écrasement ont été reconnus par un diplôme décerné à titre posthume lors d’une collation des grades en ligne.

À l’Université de Guelph, les collègues de Ghanimet Azhdari se sont engagés à poursuivre ses travaux. Cette doctorante, née dans la tribu autochtone Kachkaï en Iran et devenue experte en cartographie participative, travaillait avec des peuples autochtones afin de traduire leurs connaissances sur la biodiversité de leurs terres et de leurs eaux. Bien que la pandémie de COVID-19 ait rendu le travail sur le terrain impossible pendant une grande partie de l’année 2020, ses projets se poursuivent, a confirmé Faisal Moola, professeur agrégé à l’Université de Guelph. « Elle est encore parmi nous grâce au travail qu’elle avait entamé et que nous espérons achever », a affirmé celui qui était aussi le directeur de thèse de Mme Azhdari.

Daniel Ghods-Esfahani tient une photo de sa partenaire Saba Saadat. Celle-ci était étudiante à l’Université de l’Alberta et est décédée dans la tragédie du vol 752. Photo par La Presse Canadienne/Amber Bracken.

Des bourses d’études commémoratives

Le gouvernement de l’Ontario a créé 57 bourses d’études commémoratives d’une valeur de 10 000 dollars chacune en hommage aux 57 Canadiens qui sont morts dans la catastrophe. Des dizaines d’autres bourses ont été créées un peu partout au pays, y compris la bourse d’études en mémoire des étudiants iraniens, octroyée par l’Université de Toronto, qui soutient aussi bien les étudiants iraniens que ceux de toute origine poursuivant des études sur l’Iran.

En outre, l’Université de Toronto a créé la bourse d’études Razgar Rahimi, Farideh Gholami et Jiwan Rahimi en honneur d’une jeune famille décédée dans l’écrasement. Mojan Majid, étudiante iranienne en informatique, en est la première récipiendaire. « La bourse d’études m’a apporté une aide précieuse », a-t-elle exprimé depuis son domicile en Iran, où elle suit actuellement des cours en ligne. Elle prévoit commencer ses cours en personne à l’Université de Toronto à l’automne.

Selon Mehrdad Hariri, président-directeur général irano-canadien du Centre sur les politiques scientifiques canadiennes, cet avion abattu en Iran représente « la plus grande perte de talent de l’histoire récente » pour le milieu scientifique canadien, dont plus de 80 membres se trouvaient à bord. Il a souligné que les nombreuses bourses favoriseront les relations entre les étudiants iraniens et les établissements universitaires canadiens.

En outre, il espère que les Canadiens continueront à se souvenir de ceux qui ont péri dans la tragédie et qu’ils tiendront l’Iran responsable de violations du droit international. « Entendez les appels à la justice des familles. »

En hommage aux victimes du vol 752, le gouvernement du Canada a désigné le 8 janvier comme la « Journée nationale de commémoration des victimes de catastrophes aériennes ».

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