Un prix de l’Acfas lève le voile sur la recherche participative

La lauréate du prix pour l’engagement social situe la recherche participative au croisement de la science et du cœur.

10 décembre 2020
Pierre Chastenay, professeur du Département de didactique à l’Université du Québec à Montréal parle avec Joanne Otis pendant le gala.

Joanne Otis, professeure au Département de sexologie de l’Université du Québec à Montréal, est l’une des 13 lauréats des Prix de l’Acfas remis le 9 décembre lors du tout premier gala virtuel de l’Association.

Récipiendaire du Prix Pierre-Dansereau pour l’engagement social en raison du rôle qu’elle a joué dans le cadre de l’épidémie du VIH, Mme Otis était particulièrement touchée de recevoir cet honneur. « Après 30 ans de recherche participative avec les communautés, d’avoir cette reconnaissance, ça légitimise les choix que j’ai faits comme chercheuse », indique-t-elle.

Quand elle parle de légitimité, elle fait principalement référence au fait que la recherche participative « a longtemps été considérée comme une recherche de second niveau ».

Pierre Chastenay, professeur au Département de didactique à l’Université du Québec à Montréal, parle avec la lauréate Joanne Otis pendant le gala.

Celle-ci se réjouit à l’idée que la recherche participative ne souffre désormais plus autant de ce préjugé à son endroit. « La scientificité de ce type de recherche n’est plus du tout contester maintenant. Il reste certaines disciplines qui résistent un peu, mais les bailleurs de fonds nous demandent d’avoir ce qu’ils appellent des utilisateurs des connaissances, donc il faut démontrer que notre recherche sera utile. »

Si au départ, Mme Otis a fait allusion à sa carrière en recherche participative comme à un choix qu’elle avait fait, elle croit plutôt que ce type de recherche est lié à des convictions profondément ancrées en soi. « Si on n’a pas le désir de changer les choses, ça ne sert absolument à rien de s’engager dans ce type de recherche. C’est de la recherche engagée, donc on ne peut pas se cacher, il faut prendre position », affirme la scientifique.

Celle-ci décrit d’ailleurs la recherche participative comme « un engagement à vie ». À son avis, on ne peut pas collaborer pendant quatre ans avec certaines communautés et mettre la clé sous la porte au bout de quatre ans parce que le projet se termine. Cette particularité explique en grande partie que tous les projets sur lesquels Mme Otis a travaillé s’imbriquent les uns dans les autres. « Il y a comme un fil conducteur omniprésent dans tous les projets. »

Citer un projet dont elle est particulièrement fière n’est pas chose facile pour la chercheuse. Non pas parce qu’aucun ne lui vient en tête, c’est même plutôt l’inverse. « Je suis fière de tous mes projets parce que ce ne sont pas ʺmesʺ projets de recherche, mais ʺnosʺ projets. Je suis fière d’avoir été à l’écoute des partenaires impliqués et des membres de la communauté et d’avoir décidé avec eux de la prochaine question de recherche, du prochain projet ou du prochain besoin à combler. »

Celle qui a consacré une trentaine d’années de sa carrière à la recherche sur la promotion de la santé en lien avec le VIH a contribué à développer de nombreuses ressources, dont certaines sont encore à la disposition des gens. Elle est notamment derrière Pouvoir Partager/Pouvoirs Partagés qui s’adresse aux femmes qui vivent avec le VIH. Ce programme vise à « outiller les femmes quant à la question du dévoilement ou non de leur statut séropositif au VIH ». Au départ destiné aux femmes québécoises, il a depuis été traduit et est disponible dans toutes les provinces canadiennes ainsi qu’au Mali. « Je suis contente parce qu’il a encore des retombées, il y a encore une utilité à ces projets. Beaucoup des interventions qu’on a mis en place continuent à vivre, à évoluer, à rendre service, à faire la différence pour les personnes qui y participent. »

 Regard sur la COVID-19

Celle qui a développé une expertise pour arrimer la recherche universitaire et l’engagement communautaire regarde d’un œil avisé la façon dont les connaissances scientifiques guident les décisions politiques dans le cadre de la pandémie. « Dans le contexte de la COVID, franchement, le problème qu’on a à porter un jugement, c’est que nos voisins américains sont tellement épouvantables. On a beau critiquer, il reste qu’il y a vraiment un respect de part et d’autre, des scientifiques impliqués en santé publique puis des instances gouvernementales. »

Elle voit d’ailleurs plusieurs parallèles entre la place de la science dans la gestion de la pandémie et celle qu’elle avait au début de l’épidémie de VIH. « Il faut avoir beaucoup d’humilité, la science est produite au fur et à mesure. Avant qu’on sache où on s’en allait avec le VIH, ç’a pris des années. Et la COVID, c’est la même chose, la science a produit les connaissances qu’elle a pu, en sachant que six mois après, on nuance des choses », précise l’universitaire.

Lauréats 2020 des Prix de l’Acfas

 

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