Université Laurentienne : un aperçu des tâches à accomplir
Quatre récents documents brossent un premier portrait de ce qui a causé les problèmes de l’université bilingue du Nord de l’Ontario et offrent des pistes pour améliorer la situation.
Trois rapports concernant l’Université Laurentienne et ses états financiers pour l’exercice de 2020-2021 ont été rendus publics en mars. Ils dépeignent un portrait assez sombre de la situation de l’établissement avant et au début de sa restructuration. Le plus récent est celui de l’Unité des services en français de l’ombudsman de l’Ontario, présenté le 31 mars.
Déficit des services en français
La commissaire des services en français de l’Ontario, Kelly Burke, conclut que l’Université Laurentienne, le ministère des Affaires francophones et le ministère des Collèges et Universités de l’Ontario n’ont pas respecté leurs obligations face à la Loi sur les services en français (LSF).
Le rapport dénonce le manque de communication entre les trois entités au sujet de l’impact sur l’offre de programme en français. Les premières discussions ont été informelles et aucune n’a été proactive pour éviter la perte de 48 % des programmes en français offerts par l’établissement.
Mme Burke soulève également l’ambiguïté entourant la désignation sous la LSF de l’Université Laurentienne. Alors que les plaignants considéraient que les programmes étaient protégés, les ministères et l’Université affirment que ce sont plutôt 13 grades qui l’étaient. Cependant, aucun détail n’est donné sur ce qui constitue un niveau de service adéquat.
« Selon moi, c’est une interprétation qui va à l’encontre de l’esprit de la Loi sur les services en français », qui exige la promotion et l’assurance de la pérennité de la culture et de la langue française en Ontario. « L’esprit de la Loi vaut beaucoup en francophonie. Ce que j’ai constaté, c’est qu’avec une interprétation qui voit un seul programme menant à un grade pourrait satisfaire l’obligation en vertu de la Loi. Je suis en désaccord avec cette interprétation », dit Mme Burke.
En raison du flou qui règne, la commissaire peut seulement affirmer que les obligations n’ont pas été respectées pour deux grades : la maîtrise en activités physiques et la maîtrise ès arts dont 100 % de leurs programmes ont été abolis. Elle insiste quand même : tous les grades en français ont été affectés négativement par les coupes, mêmes ceux qui n’ont perdu aucun programme.
Les 19 recommandations qu’elle formule visent à clarifier ce qui est protégé par la LSF, définir les responsabilités de chacune des entités dans le respect de la désignation et améliorer la communication pour que ce genre d’événements ne se reproduise plus.
L’Unité des services en français du bureau de l’ombudsman a lancé son enquête en juin 2021. Il a reçu 60 plaintes concernant les coupes à l’Université Laurentienne.
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Déficit dû à la restructuration
L’Université Laurentienne a déposé ses états financiers pour l’année 2020-2021 au début mars. Au terme de cet exercice financier, l’établissement semblait bel et bien en mauvaise posture. Les chiffres vérifiés par la firme KPMG font état d’un déficit de près de 69 millions de dollars au 30 avril 2021.
Cependant, les coûts de la restructuration, lancée trois mois avant cette date, comptent pour 79,1 millions de dollars des dépenses totales s’élevant à 261,5 millions de dollars. Les coûts de restructuration comprennent divers frais reliés au congédiement, des frais légaux ainsi que les pertes dues à la fin d’ententes de transferts de taux d’intérêt sur ses dettes.
On y retrouve le détail de ces dettes auprès d’institutions bancaires avec des échéances de paiement allant de 2023 à 2043. Ces prêts totalisent 89,9 millions de dollars et ont été contractés pour « le financement de diverses résidences, la construction de l’École d’éducation et du Centre pour étudiants ainsi que divers projets de modernisation du campus », peut-on lire dans les états financiers.
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Déficit de gouvernance
En plus de la restructuration financière, la Laurentienne s’est également engagée dans une restructuration administrative. La firme Nous Group a été retenue pour produire deux rapports qui analysent la gouvernance et la gestion de l’Université. Les rapports ont été publiés le 2 mars dernier.
L’Association des professeures et professeurs de l’Université Laurentienne (APPUL) accueille les rapports froidement. Elle souhaitait faire partie de la solution, mais Nous Group a considéré une seule de ses suggestions dans ses rapports, pour ultimement la rejeter, raconte le président, Fabrice Colin.
Cette suggestion, c’était de modifier la Loi de l’Université Laurentienne de Sudbury afin d’accorder au corps professoral deux sièges votant au conseil des gouverneurs. « Ça ferait accroître la transparence et réduirait le recours au huis clos, qui a été utilisé de manière très régulière par l’administration », explique M. Colin.
Dans le rapport Examen de la gouvernance de l’Université Laurentienne, Nous Group formule des recommandations concernant, entre autres, la taille du conseil des gouverneurs et du sénat, la communication entre les deux entités et la définition des critères de recrutement.
La firme s’est également penchée sur la possibilité de faire passer la Laurentienne à un modèle de gouvernance monocaméral, moins courant, mais adopté par quelques universités à travers le monde.
Si les experts-conseils soutiennent qu’un système monocaméral comporte plusieurs avantages — comme « la clarté des pouvoirs et des responsabilités », un problème notamment présent au sénat notent-ils —, ils recommandent plutôt d’améliorer le système bicaméral, entre autres en raison de la rapidité de ce processus. Ils suggèrent quand même de repenser au système monocaméral plus tard.
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Tour à tour, le conseil des gouverneurs et le sénat ont discuté des rapports les 30 et 31 mars. Du côté du sénat, ils ont choisi d’ignorer certaines parties des recommandations qui pourraient, évaluent les membres, réduire les pouvoirs du sénat. Malgré tout, ils se sont entendus sur la création d’un comité qui évaluera les suggestions de Nous Group et explorera comment instaurer quelques-unes des recommandations, comme la réduction du nombre de membres pour gagner en efficacité.
M. Colin est aussi déçu qu’il n’y ait pas de recommandation concernant un mécanisme qui permettrait au sénat de faire respecter ses décisions par le conseil des gouverneurs. Il cite en exemple la décision prise par un vice-recteur par intérim de suspendre l’admission dans plus d’une quinzaine de programmes en 2020. Malgré une motion adoptée au sénat soulignant que celui-ci est la seule entité ayant le pouvoir de prendre ce genre de décision et « demandant de réinstaurer les admissions dans les programmes en question », l’administration n’avait pas agi.
Le président de l’APPUL s’oppose également à la recommandation qui suggère de nommer les sénateurs plutôt que de conserver le système d’élection interne actuellement en place.
Loin d’être rejeté en bloc, le rapport contient des idées qui ont le potentiel d’améliorer la gestion de l’Université, croit M. Colin. Comme la création d’un secrétariat qui assurerait la communication entre le sénat et le conseil des gouverneurs ou l’idée visant à donner plus de pouvoir à la présidence du sénat. « À la fin, tout va revenir à la mesure de l’efficacité. »
Déficit de gestion
L’Examen opérationnel de l’Université Laurentienne est encore moins tendre à l’égard de l’établissement en ce qui concerne sa gestion. Les lacunes relevées sont nombreuses.
Nous Group fait état d’une planification stratégique qui manque de clarté, des prestations de services construites à partir des demandes des employés plutôt que des besoins des étudiants, un manque de rigueur et de cohérence dans la gestion financière, des processus inefficaces et une adoption beaucoup trop limitée des outils technologiques.
Parmi les processus critiques qui manquent de rigueur, il y a les embauches. Certaines embauches étaient faites par des gestionnaires sans consultations avec les ressources humaines, qui elles n’ont pas accès à des données essentielles à leur travail, comme les salaires.
Fabrice Colin dit avoir été témoin de l’érosion de la transparence au fil des années, comme pour le recrutement des administrateurs de niveau supérieur. « Les processus devenaient de plus en plus secrets. À tel point que lors de récentes embauches, même les sénateurs n’avaient connaissance que du candidat ou de la candidate retenu.e, même plus connaissance des autres individus sur la liste courte. »
Pour sa part, l’Université Laurentienne est satisfaite des rapports. « La mise en œuvre des recommandations des examens touchant les activités et la gouvernance prendra beaucoup de temps et d’argent à l’instar de tout type de projet de transformation. L’Université est pleinement engagée dans le changement et comprend que les recommandations sont faites dans le but d’apporter des changements positifs. Le processus comprendra des discussions avec la communauté universitaire et le soutien de nombreux intervenants », répond l’établissement par écrit.
Le rapport le plus attendu
Une autre enquête d’un agent du gouvernement de l’Ontario concernant l’Université Laurentienne est toujours en cours. Le bureau de la vérificatrice générale de l’Ontario a reçu le mandat d’effectuer une vérification de l’optimisation des ressources au printemps 2021.
La direction de la Laurentienne refusait à l’automne de remettre les documents demandés par la vérificatrice générale, Bonnie Lysyk. Après une bataille en cour et l’intervention du gouvernement de l’Ontario et de l’Assemblée législative, l’Université a changé son fusil d’épaule et lui a fait parvenir une grande quantité de documents au début février.
Malgré cela, le bureau de la vérificatrice générale a confirmé à Affaires universitaires qu’ils n’avaient pas encore reçu tous les documents demandés. Il n’a pas été possible d’obtenir plus de précision de sa part puisque l’enquête est encore en cours.
Postes vedettes
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
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- Medécine- Professeur.e et coordonnateur.rice du programme en santé mentaleUniversité de l’Ontario Français
- Médecine - Professeur(e) adjoint(e) (communication en sciences de la santé)Université d'Ottawa
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