Violence sexuelle : des universités adoptent un outil en ligne
Destinée aux survivant.e.s de violence sexuelle, la plateforme REES propose divers moyens sûrs de signaler des incidents et de trouver des services d’aide.
Plus d’une dizaine d’établissements postsecondaires se sont tournés vers un nouvel outil numérique pour accroître les options de signalement de cas de violence sexuelle sur leur campus. La plateforme Respect, Educate, Empower Survivors (REES) se veut un carrefour en ligne où étudiant.e.s ainsi que membres du personnel et du corps professoral peuvent signaler des incidents et trouver des services d’aide.
L’Université Mount Allison a adopté la plateforme en février 2022 à la suite d’un audit externe de ses politiques et procédures en matière de violence sexuelle. La combinaison de ce qui est ressorti de cet audit, des recommandations formulées par un groupe de travail et des comités consultatifs internes et « la réalité du travail dans le domaine de la violence sexuelle auprès de survivant.e.s » a mis en évidence que l’établissement devait se doter d’une stratégie de signalement, explique Tasia Alexopoulos, coordonnatrice à la prévention et à l’éducation en matière de violence sexuelle de l’Université. « Nous avons exploré diverses avenues, et la plateforme REES s’est imposée comme la meilleure option pour nous. »
Mary Lobson, fondatrice et présidente-directrice générale du REES Technology Group, une entreprise basée à Winnipeg, mentionne que l’équipe qui a conçu la plateforme n’a pas qu’une connaissance théorique de la violence fondée sur le genre. Avant de concevoir l’outil, ses membres ont consulté « des étudiant.e.s, des survivant.e.s, des professeur.e.s, des membres du corps policier, des procureur.e.s de la Couronne et du personnel infirmier chargé d’examiner des victimes d’agression sexuelle – en somme, toutes les personnes pouvant agir comme ressources auprès des survivant.e.s », précise Mme Lobson. Selon elle, il était important de faire cette démarche afin que l’expérience utilisateur soit centrée sur les survivant.e.s et qu’elle tienne compte des traumatismes.
Cette approche place « la prise de décision entre les mains des étudiant.e.s », ajoute Mme Alexopoulos. La convivialité de l’outil et la possibilité de l’utiliser à toute heure du jour et de la nuit étaient aussi des aspects attrayants pour l’Université, mais c’est l’approche à l’égard de la sécurité qui a été décisive. « Tous les renseignements saisis dans la plateforme REES et qui nous sont transmis sont cryptés. C’est fondamental pour la protection de la vie privée des étudiant.e.s. Ils et elles se sentent en sécurité lors de l’utilisation de la plateforme. »
De plus, les données sont stockées au Canada (comme l’exigent certaines lois provinciales sur la protection de la vie privée) et la plateforme n’autorise pas le suivi par des tiers. « L’anonymat complet était important pour nous, dit Mme Lobson. C’est une des choses que les étudiant.e.s nous demandaient. » La protection de la vie privée et la sécurité étaient aussi des critères qui intéressaient les établissements d’enseignement, en particulier en raison de leurs obligations légales en matière de protection des renseignements personnels.
Fonctionnement de la plateforme REES
Pour utiliser la plateforme, on doit se rendre sur le site Web de REES, où chaque université participante a son propre portail personnalisé. L’outil invite celles et ceux souhaitant ouvrir un dossier à répondre à une série de questions. Plusieurs options leur sont ensuite offertes. Il est possible : de sauvegarder le dossier sans l’envoyer, d’envoyer un rapport anonyme à l’établissement, de se connecter directement à des services d’aide sur le campus ou, pour certaines universités, d’envoyer un rapport directement au service de police local. Le site Web fournit les coordonnées des ressources offertes sur le campus et de ressources communautaires ainsi que de l’information générale sur les agressions sexuelles. Une fonction d’identification de récidivistes permet aussi aux utilisatrices et utilisateurs de communiquer des éléments d’identification propres à la personne qui les a agressés. Si d’autres personnes ont indiqué ou indiquent les mêmes éléments, le système établira une concordance entre les deux dossiers et l’établissement en sera informé.
Ces diverses caractéristiques ont su convaincre l’Université St. Francis Xavier, qui a adopté la plateforme en décembre 2021. « Nous voyons cet outil comme un point d’entrée de plus, un moyen de lever un obstacle, explique Heather Blackburn, porte-parole de la prévention et de l’intervention en matière de violence sexuelle de l’établissement. Un rapport anonyme dans la plateforme REES ne peut pas vraiment faire l’objet d’une enquête, justement parce qu’il est anonyme. Mais la personne peut y sélectionner l’option de ʺConnexion avec mon campusʺ, ce qui la met directement en contact avec moi. » Cette fonction a déjà été utilisée. « Je sais que ces gens ne seraient pas venus me voir autrement », ajoute Mme Blackburn.
« Pas de solutions instantanées »
Charlene Senn, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en violence sexuelle à l’Université de Windsor, a participé au groupe de travail qui a choisi la plateforme REES pour l’établissement en septembre dernier. Selon elle, le véritable test est à venir. « L’outil étant relativement nouveau, nous ne saurons pas avant un certain temps à quel point il est véritablement utile aux survivant.e.s, et combien de personnes obtiendront l’information dont elles ont besoin et seront mises en contact avec les ressources », souligne-t-elle.
La chercheuse pense néanmoins que la plateforme peut combler des lacunes. « Quand nous encourageons les étudiant.e.s à s’impliquer, ils et elles veulent souvent savoir comment faire un signalement si quelque chose arrive à une autre personne. » Or, les structures de signalement habituelles ne permettent pas vraiment de le faire. « Je pense qu’il est possible d’obtenir une forte réponse sur les campus sans un outil comme la plateforme REES, dit Mme Senn. Toutefois, tant que les témoins ne disposeront pas d’un canal pour signaler des cas ou produire des rapports anonymes, les universités vont toujours sous-estimer le nombre de cas d’agression sexuelle sur leur campus, ou de violence sexuelle de manière plus globale. »
Les autres établissements qui ont adopté la plateforme jusqu’ici sont l’Université de Brandon, l’Université mennonite canadienne, l’Université de Saint-Boniface, l’Université de Winnipeg et l’Université Bishop’s. Mme Senn a cependant une mise en garde pour les autres universités qui envisageraient d’utiliser la plateforme REES ou un outil similaire : « Il n’existe pas de solutions instantanées au problème de la violence sexuelle sur les campus. Selon moi, ce genre d’outil ne donnera de bons résultats que si l’établissement a fait un important travail en amont. Chez nous, la prévention sur le campus ne date pas d’hier, nous l’avons même institutionnalisée. C’est dans ce type de contexte, je pense, que la plateforme REES a le plus de chances de produire des retombées réelles. »
Postes vedettes
- Médecine - Professeur(e) adjoint(e) (communication en sciences de la santé)Université d'Ottawa
- Medécine- Professeur.e et coordonnateur.rice du programme en santé mentaleUniversité de l’Ontario Français
- Littératures - Professeur(e) (Littérature(s) d'expression française)Université de Moncton
- Droit - Professeur(e) remplaçant(e) (droit privé)Université d'Ottawa
- Chaire de recherche du Canada, niveau 2 en génie électrique (Professeur(e))Polytechnique Québec
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