Bernabé Wesley : entre savoirs et solidarité, le parcours d’un universitaire engagé
Ce professeur à l’Université de Montréal et écrivain public bénévole conjugue recherche académique et engagement social pour lutter contre l’exclusion.

Depuis son bureau au Département des littératures de langue française à l’Université de Montréal (UdeM), Bernabé Wesley mène une vie qui oscille entre les exigences académiques et un engagement communautaire hors du commun. Professeur adjoint depuis 2020, il incarne un modèle rare d’universitaire : rigoureux chercheur, enseignant dévoué et écrivain public passionné. Si son nom commence à circuler dans le milieu universitaire pour ses travaux sur la sociocritique et la psychanalyse, c’est son rôle de bénévole au Resto Chic Pop d’Hochelaga qui le distingue encore davantage.
« Quand je suis arrivé à Montréal, je me suis demandé quel service à la communauté je pouvais offrir. Je voulais redonner quelque chose de ce que j’avais reçu, notamment le privilège d’avoir pu étudier à un haut niveau », explique-t-il. Une interrogation simple, mais qui révèle une vision du monde forgée par un parcours riche et nomade. D’origine argentine, M. Wesley a grandi entre l’Argentine, la France et le Canada. Ce tissage culturel lui confère une perspective unique, que ses collègues d’UdeM reconnaissent unanimement. « C’est quelqu’un de très ouvert aux autres, sensible aux difficultés des personnes en détresse, en particulier des immigrés », souligne Claire Legendre, sa collègue au département.
Entre recherche et société : un équilibre fragile
M. Wesley décrit sa carrière universitaire comme un mélange de recherche, d’enseignement et de tâches administratives, mais il insiste sur le « service à la communauté », souvent perçu comme une note de bas de page dans la description des fonctions académiques. Pour lui, ce service est une priorité.
C’est au Resto Chic Pop, un lieu emblématique du quartier Hochelaga, qu’il a choisi d’offrir son aide comme écrivain public. « J’ai trouvé une formule qui me permettait de rendre cette activité utile et intégrée dans un réseau social local. Maya, l’ancienne directrice, a tout de suite compris l’intérêt de ce service car elle avait déjà travaillé avec un écrivain public dans le passé », raconte-t-il. Ce précédent était Michel Duchesne, qui avait tiré un livre de son expérience et co-scénarisé une série de télévision inspirée de celle-ci.
Le concept est simple en apparence, mais il se heurte à des obstacles invisibles, à commencer par le poids de la honte associée à l’illettrisme ou à l’analphabétisme. M. Wesley parle avec lucidité de ce « mal silencieux » : « Beaucoup n’osent pas demander de l’aide, car cela suppose de reconnaître une fragilité. Il faut du temps, de la patience et du bouche-à-oreille pour que les gens se sentent à l’aise de venir me voir ».
Une fois la confiance instaurée, les récits affluent. Mario, un immigrant préparant son test linguistique pour la résidence permanente, est venu chercher son aide. Ensemble, ils ont travaillé sur l’organisation d’un texte argumenté, en explorant les dimensions éthiques, politiques et sociales. Puis il y a eu Aldo, ancien itinérant, qui souhaitait rédiger une lettre de gratitude pour un directeur de journal qui avait changé sa vie. Chaque cas est unique, chaque interaction, porteuse d’une intensité émotionnelle palpable.
Des chiffres qui inquiètent, un impact immédiat
Les statistiques sur l’illettrisme au Canada sont saisissantes. Environ 49 % des adultes québécois entre 16 et 65 ans rencontrent des difficultés de lecture, dont 800 000 sont considérés comme analphabètes. M. Wesley n’a pas la prétention de résoudre une crise systémique, mais il est convaincu que son travail a une utilité tangible. « Aider quelqu’un à contester une expulsion ou à résoudre une situation administrative, c’est déjà beaucoup ».
Son influence ne se limite pas aux individus qu’il aide directement. En sensibilisant la communauté locale et en démystifiant le rôle de l’écrivain public, il contribue à changer les perceptions. La publicité involontaire que lui a valu un article dans le Journal de Montréal a permis à davantage de gens de venir le voir. « Ce genre de travail repose beaucoup plus sur le bouche-à-oreille que sur toute autre forme de communication », ajoute-t-il.
Le regard des collègues : entre collégialité et inspiration
Ses collègues à l’UdeM ne tarissent pas d’éloges sur lui. Mme Legendre souligne : « J’ai appris récemment l’engagement de Bernabé comme écrivain public et cela ne me surprend pas. C’est quelqu’un de très ouvert aux autres, et sensible aux difficultés des personnes en détresse et des immigrés en particulier. Son parcours entre l’Argentine, la France, le Canada lui donne une vision du monde plus vaste que beaucoup d’entre nous. Il travaille souvent en collaboration avec l’étranger. Et puis, s’intéresser à la fois à la sociocritique et à la psychanalyse n’est pas si fréquent. Il me semble que c’est ce qui fait la complexité et la richesse du parcours de Bernabé en tant que chercheur. »
Leur collaboration sur une journée d’études autour de l’essayiste Pierre Bayard est un exemple parmi d’autres. M. Wesley avait invité M. Bayard, qu’il connaissait bien pour avoir fait son post-doctorat sous sa direction. Cette année, il a également participé à un colloque sur Pierre Bayard à Chicago. Il était l’un des rares chercheurs invités à avoir fait l’effort d’écrire sa communication en anglais pour l’occasion. Finalement, comme il y avait une majorité de francophones dans la salle, il a aussi fait l’effort de la retraduire en français.
Emeline Pierre, une autre collègue, souligne sa générosité dans l’accueil des nouveaux membres du corps professoral. Elle rappelle comment il a créé un guide informel pour les aider à s’intégrer au département. « Lors de ma première assemblée, il m’a spontanément proposé de m’accompagner, ce qui m’a évité de me sentir isolée ou intimidée », raconte-t-elle.
Une approche holistique de la recherche
Si son engagement communautaire est au cœur de son identité, Bernabé Wesley n’en est pas moins un chercheur rigoureux. Son intérêt pour la sociocritique et la psychanalyse reflète son approche interdisciplinaire. « Ce n’est pas très fréquent de croiser quelqu’un qui travaille sur ces deux champs à la fois. Cela ajoute une richesse et une complexité à son parcours », observe Mme Legendre.
Cette approche holistique s’exprime aussi dans son enseignement. Ses cours, qui abordent souvent des thèmes liés à la marginalité et à la représentation, attirent des personnes étudiantes qui apprécient autant sa rigueur intellectuelle que son humanité. « Il fait preuve d’une grande capacité d’écoute, ce qui est rare et précieux dans un cadre universitaire », ajoute Mme Pierre.
Une vocation qui résonne
Pour M. Wesley, l’écriture publique est bien plus qu’un service ponctuel : c’est une manière de tisser des liens, de restituer une partie des privilèges qu’il a reçus, et de donner une voix à ceux qui en ont besoin. Cet engagement résonne à la fois dans sa carrière universitaire et dans sa vie personnelle.
Alors qu’il continue de jongler entre ses multiples casquettes, Bernabé Wesley offre une leçon discrète mais essentielle : celle de l’importance d’utiliser ses compétences pour créer des répercussions tangibles, au-delà des murs de l’université. Au cœur de sa démarche, on retrouve une conviction profonde : la littérature, la recherche et l’action communautaire ne sont pas des mondes éloignés, mais des dimensions qui s’enrichissent mutuellement. Et c’est peut-être là que réside la vraie richesse du parcours de Bernabé Wesley.
Postes vedettes
- Musique - Professeure ou professeur (interprétation classique, musique ancienne)Université Laval
- Droit - Professeure adjointe/professeur adjoint (droit du commerce international)Université d'Ottawa
- Génie - Professeure ou professeur (systèmes intelligents et systèmes cyberphysiques)Université Laval
- Psychoéducation et travail social - Professeure régulière ou professeur régulier (méthodologie de l'intervention en travail social, santé mentale ou du bien-être)Université du Québec à Trois-Rivières
- Chaire de recherche du Canada, niveau 1 en économie de la santé (professeure ou professeur titulaire)Uniiversité d'Ottawa
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1 Commentaires
Bonjour. Merci pour cet article touchant.