L’attrait de l’analyse de l’apprentissage
Les chercheurs ont accès à un flot de données sur les étudiants et espèrent qu’elles leur permettront d’améliorer l’expérience d’apprentissage. Est-ce que ce sera le cas?
Ce texte est un sommaire de l’article « The lure of learning analytics ».
Il y a deux ans, Marek Hatala, professeur à l’Université Simon Fraser, enseignait l’informatique à des étudiants dont ce n’était pas le principal champ d’études. Devant faire des projets difficiles qui leur demandaient souvent trois ou quatre semaines de travail, les étudiants se sont plaints de toujours manquer de temps. Le plan de cours de M. Hatala était-il trop difficile, ou était-ce plutôt les étudiants qui ne savaient pas gérer leur temps?
Dans le milieu de l’éducation postsecondaire, les questions portant sur la meilleure méthode pédagogique à adopter ont toujours été résolues à l’aide d’une combinaison d’expérience, d’intuition et de constatations empiriques. Mais en 2019, les professeurs doivent composer avec un nombre incalculable de données numériques. Ce qui signifie que la plupart d’entre eux doivent s’asseoir devant un écran et faire le suivi des notes, des présences et de tout le reste, à l’aide de systèmes de gestion de l’apprentissage comme Blackboard ou Canvas.
Ces tableaux de bord numériques comprennent des listes de cours et des données permettant aux chargés de cours d’assurer un certain suivi, comme le nombre d’étudiants qui ont pris connaissance d’un devoir, à quel moment, et combien ont remis leur devoir à temps. Ces données peuvent être présentées sous forme de graphiques ou de tableaux, essentiellement de manière à donner une vue d’ensemble de l’évolution d’une classe ou d’un devoir en particulier.
Voilà justement l’idée derrière un domaine émergent de l’éducation nommée « analyse de l’apprentissage ». Réduite à sa forme la plus simple, l’analyse de l’apprentissage désigne l’étude des données liées à l’apprentissage et comprend les gestes les plus élémentaires tels que prendre les présences ou calculer la note moyenne d’un examen. Mais avec l’évolution de la technologie, les volumes et les types de données à recueillir ne cessent de croître.
M. Hatala, qui enseigne à l’école d’arts interactifs et de technologie de l’Université Simon Fraser, s’intéresse aux façons d’utiliser l’analyse de l’apprentissage pour motiver les étudiants, surtout dans un contexte d’apprentissage en ligne. Son problème – l’apparente surcharge de travail des étudiants – l’a poussé à créer un logiciel qui évalue la façon dont les étudiants consultent les documents didactiques. « J’entendais dire que les étudiants manquaient de temps, mais étonnamment, les données ont prouvé le contraire », explique-t-il.
« Je peux voir la façon dont les étudiants consultent les documents dans Canvas. Par exemple, un groupe n’avait pas pris connaissance du devoir, même s’il était en ligne depuis plusieurs jours. En classe, je peux alors dire aux étudiants que 30 pour cent d’entre eux n’ont même pas ouvert le devoir. »
Assurément, il s’agit là de conclusions intéressantes. Toutefois, M. Hatala a obtenu ces résultats, somme toute rudimentaires, grâce à sa capacité de créer des scripts compatibles avec le système de gestion du contenu de son établissement; des compétences techniques que la majorité des professeurs n’ont pas. Cette situation illustre que l’analyse de l’apprentissage n’est encore qu’un domaine émergent.
En 2010, George Siemens (alors à l’Université Athabasca, en Alberta, et aujourd’hui directeur général du Learning Innovation and Networked Knowledge Research Lab de l’Université du Texas, à Arlington) a communiqué avec certains universitaires pour savoir si l’étude de ce nouveau domaine pouvait les intéresser. Éventuellement, ces universitaires se sont regroupés pour former la Society for Learning Analytics and Research, ou SoLAR dont M. Siemens a été le président fondateur. La première conférence internationale du groupe – aujourd’hui un événement annuel – a eu lieu en 2011 à Banff, en Alberta.
Selon M. Siemens, l’engouement pour l’analyse de l’apprentissage, comme dans tous les domaines liés à l’analyse des données, résulte du même phénomène, soit la « mise en données » de la société. « Ce phénomène est attribuable à la disponibilité des données qui, elle, résulte du fait que nous enregistrons nos moindres faits et gestes, de nos achats en ligne jusqu’aux mentions “j’aime” que nous laissons sur les réseaux sociaux. »
Dans le contexte de l’éducation, la création de systèmes de gestion de l’apprentissage « a produit quantité de données inutilisées, ajoute-t-il, puis quelques personnes ont constaté qu’elles pouvaient servir par exemple à cibler les étudiants à risque de décrocher, à déterminer ce qui les intéresse ou à trouver des façons de les aider à maîtriser une matière ou un concept donné ». Voilà l’essence même de l’analyse de l’apprentissage : plus le milieu de l’éducation utilise la technologie numérique, plus il génère des données. Le but est d’utiliser les connaissances fines qui en résultent pour améliorer l’expérience et les résultats des systèmes d’éducation.
Certaines entreprises, comme la société ontarienne Desire2Learn, qui a créé le système de gestion de l’apprentissage Brightspace, tirent leur épingle du jeu en élaborant des outils visant à faciliter l’analyse de l’apprentissage. Cependant, Brightspace n’est qu’un outil d’analyse parmi tant d’autres, et il n’existe aucune plateforme ni aucun format normalisé. Bref, ce domaine manque de structure, et les solutions maison comme celle de M. Hatala sont fréquentes. En outre, les données produites par la plupart des systèmes de gestion de l’apprentissage ne sont pas aussi détaillées que certains professeurs et chercheurs le souhaiteraient. Certes, de tels systèmes permettent de faire le suivi des notes ou des présences, mais la plupart sont incapables de produire des données plus précises, par exemple sur les méthodes d’étude ou le genre d’information que les étudiants peinent à assimiler.
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