Les congés de paternité s’améliorent pour les universitaires

Bien qu'il soit plus fréquent que les hommes prennent un congé parental, les politiques et les mesures de soutien sont encore loin d’être adaptées aux pères.

21 octobre 2020

Cet article est un sommaire de l’article « Paternity leave policies are improving for men in academia ».

Au Département de chimie de l’Université Simon Fraser, Danny Leznoff a été le premier homme à prendre un congé parental après la naissance de son enfant. Et il l’a même fait une deuxième fois. Sa première fille, Sayako, est née en juillet 2004. En septembre de la même année, alors qu’il venait d’obtenir sa permanence en tant que professeur agrégé, il a pris un congé de quatre mois (un trimestre), même s’il ne l’avait pas prévu au départ.

En prévision de la naissance de son premier enfant, M. Leznoff avait discuté avec son chef de département de la possibilité de modifier l’horaire d’un cours qu’il devait offrir cet automne-là pour faciliter ses déplacements et lui permettre de passer plus de temps à la maison. Il comptait continuer à enseigner après la naissance, pour ne pas alourdir la charge de travail de ses collègues. « Honnêtement, je n’avais pas pensé à demander un congé parental », dit-il.

M. Leznoff garde un souvenir très précis de sa conversation avec son chef de département de l’époque, Mario Pinto, au sujet de la réorganisation de son horaire. « Non Danny, tu devrais prendre congé, lui a-t-il répondu. Ne t’inquiète pas pour ton cours, nous nous en occuperons. Va prendre soin de ton enfant. » Et c’est ce que M. Leznoff a fait. Ce printemps, alors qu’il était en année sabbatique et en confinement à Lyon, en France, avec sa famille, il s’est remémoré cette époque avec bonheur. « Ce fut une expérience particulière », affirme-t-il.

Danny Leznoff joue avec sa fille Sayako.

Il est assez récent que tous les partenaires coparentaux, et non seulement les mères – dont les défis sont bien connus – aient accès à un congé au Canada. Depuis 2015, « l’autre parent » (typiquement le père) peut prendre jusqu’à 35 semaines en congé parental payé si celui-ci est réparti entre les parents. De plus, depuis mars 2019, « l’autre parent » (la personne qui ne prend pas le congé parental principal après la naissance ou l’adoption d’un enfant) a droit à un congé parental payé de cinq à huit semaines supplémentaires. Même si les congés de paternité sont toujours stigmatisés dans certains cercles professionnels, les normes évoluent.

Avec ses congés parentaux accessibles aux pères, le Québec fait figure de pionnier sur le plan des politiques. Le Régime québécois d’assurance parentale (RQAP) a vu le jour en 2006, avec l’objectif explicite d’augmenter la popularité des congés parentaux payés chez les pères.

Dominique Roche, titulaire d’une bourse de recherche internationale Marie Curie à l’Université Carleton et à l’Université de Neuchâtel, en Suisse, travaille à Ottawa, mais retrouve chaque soir sa famille de l’autre côté de la rivière, au Québec. Sa femme, également issue du milieu universitaire, et lui ont eu leur premier enfant en Suisse, en novembre 2016. Là-bas, M. Roche avait officiellement droit à trois jours de congé. « Heureusement, mon patron de l’époque accordait beaucoup d’importance à la famille et m’a dit de prendre tout le temps nécessaire », indique-t-il. M. Roche a pris dix jours de congé. Les choses ont été très différentes en septembre 2018, lorsque son deuxième enfant est né au Canada.

« Au Québec, le fait qu’un père s’absente du travail est vraiment respecté »

M. Roche n’a ressenti aucune négativité quant à son congé de paternité. « Au Québec, le fait qu’un père s’absente du travail est vraiment respecté », souligne-t-il. Il s’est cependant contenté d’un bref congé. Du point de vue financier et pratique, il était plus avantageux que sa femme, nouvellement professeure, prenne un plus long congé parental. Elle venait de consacrer sa première année en poste à mettre sur pied un laboratoire et à soumettre des demandes de financement au Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG) et à la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI), en plus d’enseigner. « Ce congé de maternité tombait à point, et nous nous disions qu’elle n’aurait pas beaucoup d’occasions de prendre un tel congé sans culpabilité », raconte M. Roche.

Le congé de paternité de M. Roche, en 2019, a été tout sauf ordinaire. Toute la famille est partie à l’aventure. « Nous aimons voyager et nous avions en tête de visiter l’Amérique latine », explique-t-il. C’est ainsi que, de la mi-février à la mi-mars, ils ont visité l’Argentine, l’Uruguay et le Chili avec leurs enfants de deux ans et de cinq mois.

Dominique Roche en Amérique du Sud avec son fils.

Titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’égalité entre les sexes, le travail et les soins à l’Université Brock, Andrea Doucet étudie l’expérience des pères qui prennent soin de leurs enfants et l’attitude de la société à leur égard. Mme Doucet s’intéresse aux congés de paternité depuis 30 ans, et présente une grande partie de ses travaux dans Do Men Mother, un ouvrage sur les pères qui prennent soin de leurs enfants ou qui restent à la maison. « Le Canada a du travail à faire sur le plan des politiques », souligne-t-elle. Heureusement, ajoute-t-elle, le Québec a un bon modèle qui devrait être adopté à l’échelle nationale. Étant donné le taux de remplacement du salaire élevé et le modèle à la scandinave selon lequel les congés inutilisés sont perdus, les hommes ont un certain pouvoir de négociation auprès de leur employeur. D’ailleurs, lorsqu’on leur demande s’ils souhaitent prendre ce congé de cinq semaines, les pères québécois affirment que la question ne se pose même pas.

De telles politiques jouent un rôle clé dans l’accélération des changements culturels et sociaux. Et les pères du milieu universitaire sont particulièrement choyés par les généreux avantages sociaux de leur établissement. Ils n’ont concrètement aucune raison de s’en priver, soutient Mme Doucet. M. Roche, ce chercheur postdoctoral de l’Université Carleton friand de voyages, a quant à lui un conseil pour les pères qui songent à prendre un congé de paternité : « Si vous en avez la chance, n’hésitez pas à en profiter. »

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